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II. VARIABILITE DES PROCESSUS PHYSIQUES ET CONSEQUENCES SUR LES

II.4. Impacts de variabilités à hautes fréquences

II.4.3. Tourbillons, méandres, filaments à (sub)méso-échelle

II.4.3.1. Des zones de rétention et de dispersion du plancton ?

Dans le cadre de l’action transversale AMPLI (approche multi-modèles pour l’étude de l’impact de perturbations externes dans les écosystèmes pélagiques côtiers, PI : J-C.

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Poggiale) du PNEC, une modélisation lagrangienne des distributions de particules inertes biologiquement en période hivernale en Méditerranée nord-occidentale a été entreprise au travers du travail post-doctoral de D. Cianelli en 2004, stage que j’ai co-encadré avec F. Carlotti et Y. Leredde. Ce travail fondé sur l’utilisation d’une simulation réaliste et validée (Dufau-Julliand et al., 2004) du code Symphonie, a permis de suivre les trajectoires de 600 particules relâchées en des zones particulières du golfe du Lion sur une période de deux mois -janvier à février 1999- (Cianelli et al., 2007). L’emprise spatiale du modèle a été découpée en quatre secteurs (Fig. 45) : le premier secteur (A) représente la zone du plateau continental approximativement délimitée par l’isobathe 200 m. Le secteur B est une zone délimitant la frontière entre le domaine hauturier et celui du plateau et aussi la région d’intrusion du Courant Nord dans le golfe. Le secteur C délimite la zone de retour du tourbillon cyclonique associé à la circulation du Courant Nord. Enfin, le secteur D localise une bande étroite en bordure de la frontière du modèle, toute particule entrant dans cette zone est considérée comme quittant le domaine modélisé.

Les 600 particules sont initialement placées dans les secteurs A et B avec davantage de particules dans le secteur du plateau car nous souhaitions déterminer son statut de zone de rétention ou non (Fig. 45a).

Figure 45 : Evolution des distributions de particules relâchées à partir du secteur A (ο) et B () à l’instant initial (a), un mois après le lancement (b) et deux mois après (c). NB : Seules les positions de 300 particules sont indiquées sur les graphiques pour améliorer la lisibilité. D’après Cianelli et al. (2007).

Après un mois de simulation, la plupart des particules initialement dans le secteur A sont restées dans la zone du plateau et une certaine agrégation de particules est même observée à l’est de l’embouchure du Rhône (Fig. 45b). Les autres particules provenant du secteur A se retrouve au large dans le secteur B et quelques-unes sont même à proximité de la baie de Marseille. La plupart des particules se trouvant initialement dans le secteur B se sont fortement déplacées et se trouvent au large entre les secteurs B et C. Cette répartition intermédiaire s’explique essentiellement par la circulation à grande échelle du Courant Nord dominante vers le sud-ouest dans le secteur B d’une part, et d’autre part pour le secteur A par des processus hydrodynamiques à (sub)méso- échelle sur le plateau (intrusions et méandres du Courant Nord, tourbillons) qui permettent une rétention des particules pendant un certain temps dans cette zone.

Au bout de deux mois, la répartition des particules est profondément modifiée (Fig. 45c). Seulement moins d’un tiers des particules initialement dans le secteur A reste dans ce secteur et la plupart des autres se retrouvent au large dans les secteurs B et C. Sur le plateau, il y a une absence marquée de particules en rasion des upwelling nombreux à cette

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époque de l’année (Estournel et al., 2003) et qui repoussent les particules vers le centre du plateau. Ces particules se maintiennent au centre du plateau en raison d’une circulation anticyclonique qui se développe dans cette zone en conditions de Mistral et Tramontane (Estournel et al., 2003 ; Petrenko et al., 2005). L’ensemble des particules initialement lancées dans le secteur B se retrouvent en totalité dans les secteurs B et C au large en dérivant d’abord dans la circulation sud-ouest du Courant Nord puis revenant vers le nord- est par la branche de retour du tourbillon cyclonique autour de la zone de convection profonde. Cette zone au large est une zone de rétention de particules car peu d’entre elles retournent à leur point de lancement dans l’est du secteur B. Entre le plateau et la zone de convergence se retrouve une zone de transition dispersive où se développe la circulation principale du Courant Nord.

Cette étude montre que la distribution des particules est fortement corrélée aux processus hydrodynamiques de (sub)méso-échelle sur le plateau continental (upwelling, tourbillons, intrusions et méandres du courant nord) qui sont pilotés par le vent et les apports en eau dessalée du Rhône ainsi qu’à la circulation au large associée au Courant Nord. D’une manière générale, cette étude suggère que les processus hydrodynamiques favoriseraient davantage les transports de particules de la zone côtière vers le large et d’est en ouest tandis qu’un transport large-côte serait beaucoup moins probable. Ce travail était relativement préliminaire dans la mesure où les particules étaient passives et ne pouvaient pas être assimilées réellement à des organismes planctoniques soumis à des processus biologiques susceptibles de faire évoluer leurs comportements (migrations verticales, stades larvaires aux capacités évolutives). Cette première étude a été initiatrice d’autres travaux plus avancés sur l’étude des distributions et le transport du zooplancton par approche lagrangienne dans cette zone (Qiu et al., 2010, 2011). Dans l’étude de Qiu et al. (2010) par exemple, les particules ne sont plus tout à fait passives et capables de migrations verticales et étaient donc assimilées au zooplancton. Les résultats principaux de ce travail complètent l’étude de Cianelli et al. (2007) en montrant qu’il peut exister un transport large-côte significatif au printemps mais que le reste du temps, le Courant Nord constitue une barrière en limitant les échanges côte-large de particules. L’application d’un aspect comportemental de migration verticale n’augmente pas la rétention des particules dans la zone du plateau. Plus récemment, des études beaucoup plus raffinées combinant modèle de dispersion lagrangienne de particules et modèle de dynamique de population de larves (Guizien et al., 2012) permettent de tester les meilleurs emplacements possibles et les tailles optimales d’aires marines protégées dans le golfe du Lion. Cette étude souligne aussi l’importance des échelles de temps des processus biologiques par rapport à celles des processus hydrodynamiques dans les mécanismes de dispersion larvaire.