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II. VARIABILITE DES PROCESSUS PHYSIQUES ET CONSEQUENCES SUR LES

II.4. Impacts de variabilités à hautes fréquences

II.4.3. Tourbillons, méandres, filaments à (sub)méso-échelle

II.4.3.2. Structuration spatio-temporelle d’une population de copépodes

La dynamique spatio-temporelle d’une population numérique de copépodes Centropages typicus a pu être analysée sur l’ensemble de l’année 2001 en Méditerranée nord-occidentale grâce à l’utilisation du modèle couplé hydrodynamique-biogéochimie-population développé dans le cadre de la thèse de L. Eisenhauer et dont j’ai montré précédemment quelques résultats de la version unidimensionnelle (cf. section II.3.1.4.). En version tridimensionnelle, les distributions simulées des différents stades de développement ont pu être mises en relation avec les processus hydrodynamiques à (sub)méso-échelle et la circulation à plus grande échelle (Carlotti et al., 2014). Une analyse synthétique des résultats de simulation est assez complexe à mener car les distributions spatio-temporelles varient selon le stade de développement considéré (Fig. 46). Ainsi, une structure hydrodynamique donnée peut avoir un certain impact sur un stade donné (e.g. agrégation) et un effet opposé sur un autre stade en raison des propriétés écologiques et comportementales spécifiques à chaque stade. Cette analyse n’en reste pas moins riche d’enseignements et corrobore souvent les observations parcellaires que nous avons pu retrouver pour ce travail.

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Dans le golfe du Lion proprement dit, les distributions des différents stades dépendent du développement spatial de la plume du Rhône, de la présence de tourbillons à (sub)méso- échelle sur le plateau (Fig. 46E-G) et de la position du Courant nord qui agit tantôt comme une barrière aux échanges côte-large et tantôt les facilite. Au printemps et en été, les plus fortes biomasses de copépodes quels que soit les stades sont retrouvées le long de la côte ou sur le proche plateau (Fig. 46B-D et F-H) en lien avec la plume du Rhône qui maintient des concentrations importantes en proies tandis qu’en hiver le gradient est opposé (Fig. 46J- L).

Figure 46 : Distributions spatiales simulées (moyennes verticales sur 0-200 m ou moins selon la bathymétrie) en début et fin de printemps, et en fin d’automne 2001 de la température surimposée des vitesses des courants de surface (A, E, I), des biomasses (en mmolC m-3) des premiers stades copepodites (B, F, J), des adultes (C, G, K) et de l’ensemble de la population de l’espèce Centropages typicus (D, H, L). D’après Carlotti et al. (2014).

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Les adultes et copépodites de Centropages peuvent s’accumuler le long de structures frontales du courant Nord (Fig. 46C, J et K) où les processus hydrodynamiques (e.g.

pompage d’Ekman, instabilités baroclines) peuvent temporairement augmenter la biomasse de proies en raison d’une remontée de sels nutritifs.

Figure 47 : Distributions verticales simulées de la biomasse en carbone (en mmolC m-3) au large de Banyuls/Mer le 3 avril 2001. Les isopycnes sont représentées par les lignes blanches. Population totale (A), stade œuf-nauplii 2 (B), stades nauplii 3-6 (C), stades copépodites 1-3 (D), stades copépodites 4-6 (E), stades adultes (F). La valeur maximale biomasse est indiquée au-dessus de chaque figure. L’échelle de couleurs entre 0 et 1 représente la valeur normalisée de chaque variable par rapport à l’unité. D’après Carlotti et al. (2014).

Les distributions verticales des biomasses révèlent plus précisément ces phénomènes de concentrations de copépodes dans les zones de fronts du Courant Nord. L’exemple que j’ai choisi se situe au début du printemps, sur une radiale côte-large au large de Banyuls, la veine du Courant Nord se matérialise par une zone de faibles masses volumiques précisément entre 42,25° et 41,6° de latitude et de la surface à environ 300 m aux abords de la pente continentale (Fig. 47A). En termes de population, les plus fortes biomasses sont confinées à la côte avec un rôle de barrière clairement identifié pour la veine du Courant Nord bloquant la dispersion de la population vers la zone du large. Lorsque les distributions des différents stades sont examinées, les répartitions sont assez différentes avec, par exemple, des adultes présents en plus grande quantité de part et d’autre du Courant Nord. Ces individus ont sans doute disposé de conditions favorables à leur développement sur les zones frontales puisque leurs distributions est très proches de celles des œufs et premiers stades naupliens attestant donc d’un processus de ponte récente de ces adultes (Fig. 47B, F).

Dans les zones du large (zone de convection profonde et mer Ligure), les distributions de

Centropages typicus sont directement liées aux systèmes frontaux à méso-échelle, aux tourbillons et filaments de surface et aux gradients de densité en profondeur. Par exemple, en début et fin de printemps, les biomasses de copépodes sont plutôt faibles dans la veine du Courant Nord (Fig. 46C, F) tandis qu’en hiver les méandres ou même la veine de ce courant abritent d’importantes concentrations d’adultes et de stades larvaires avancés (Fig. 46I, K, L). En été également, les plus fortes concentrations de biomasse sont observées plus en profondeur qu’au printemps et se trouvent au niveau des maxima profonds de proies mais aussi de zones de cisaillements hydrodynamiques de méso-échelle (Fig. 46E, F). Les résultats du modèle apportent aussi des indications sur les zones potentielles de maintien

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des populations d’adultes et de stades larvaires avancés en hiver. Ces zones, toutes liées à des processus hydrodynamiques à (sub)méso-échelle, seraient la plume du Rhône et la bande littorale du golfe du Lion enrichies en proies tout au long de l’hiver, les canyons au large au niveau de la pente continentale et les systèmes frontaux associés au Courant Nord. A partir de ces zones « refuges », les populations de cette espèce se développeraient au printemps d’abord dans la zone du plateau continental suivi ensuite de la zone de convection profonde environ un mois plus tard.

Cette étude par modélisation suggère d’une manière générale, que le développement et la reproduction de cette espèce de copépodes dépendent très directement des distributions de proies dont les répartitions à l’instant

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sont elles-mêmes structurées par les processus à (sub)méso-échelle. C’est cette relation qui induit des distributions différentielles des différents stades de développement modélisés en une période et un endroit donnés de Méditerranée nord-occidentale.

II.4.3.3. Tourbillons anticycloniques

vs

. structuration de l’assemblage planctonique