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Chapitre III : Aspects hydrodynamiques

I. Les données d’entrée

1. Les zones de perte et d’apport sur le réseau hydrographique

Les études précédentes (SOGREAH, 2001 et Debombourg, 2003) ont évoqué la possibilité d’une alimentation du système thermal par des pertes au niveau du réseau hydrographique. En eff et, l’Eau Rousse ainsi que le Grand Nant de Naves traversent à plusieurs reprises le contact tectonique de la Léchère. Les mesures de débits sériés ont permis de vérifi er cett e hypothèse.

1.1. Le réseau hydrographique et son substratum

1.1.1) Le bassin versant de l’Eau Rousse

La vallée de l’Eau Rousse (ER) est encaissée, la ligne de crête limitant son bassin versant culmine à 2829 m au Grand Pic de la Lauzière (fi gure I.10). Sur sa rive gauche, le torrent de l’ER est alimenté par de nombreux affl uents, soit d’amont en aval : le Ruisseau de la Rave, le Ruisseau de la Valett e, le Nant Perou, le Nant Bridan, le Ruisseau de la Roche, le Ruisseau du Plan Villard et le Tartet (fi gure III.1). Sur la rive droite, les écoulements de surface sont beaucoup moins nombreux et drainent une plus petite surface.

Dans sa partie amont, l’ER circule sur les formations sédimentaires schisto-calcaires de la couverture dauphinoise, recouvertes en grande majorité par des dépôts glaciaires (fi gure III.1). Entre Celliers et le hameau du Crozat, l’ER traverse des écailles tectoniques constituées de micaschistes et de terrains du Trias. Enfi n dans la partie aval du torrent, l’eau circule au sein des micaschistes de Feissons-sur-Isère. En rive gauche, seuls le Tartet et le Ruisseau du Villard circulent exclusivement au sein du socle. Tous les autres affl uents de la rive gauche circulent, dans leur partie amont, sur les terrains du socle (granite de la Lauzière, gneiss de Pussy Plan du Col et micaschistes de Feissons) puis traversent le(s) contact(s) tectoniques associés à l’accident de la Léchère. Dans la partie amont du bassin versant de l’ER, le substratum est très largement recouvert par des dépôts glaciaires. En rive droite, l’ensemble des écoulements se fait au sein des schisto-calcaires.

Plusieurs prises d’eau sont présentes sur ce bassin versant (fi gure III.1) : sur le Nant Bridan, le Nant Perou et sur l’ER. Le volume prélevé sur ces trois prises d’eau est regroupé au niveau de la prise de l’ER et transporté jusqu’à la retenue de la Coche par galerie souterraine. Une prise d’eau est également présente sous le hameau du Cudray.

1.1.2) Le bassin versant du Grand Nant de Naves

La vallée du Grand Nant de Naves (GNN) est peu encaissée, la ligne de crête limitant son bassin versant culmine à 2455m, à la Pointe du Dzonfi é (fi gure I.10). A l’amont, le réseau est intensément ramifi é tandis qu’à l’aval, le Grand Nant de Naves reçoit très peu d’affl uents.

Les eaux de ce bassin versant circulent en totalité sur les terrains schisto-calcaires recouverts par des dépôts glaciaires et même glacio-lacustres à l’aval de Grand Naves (fi gure III.1). Dans la partie aval, le GNN traverse à plusieurs reprises le contact de la Léchère et circule sur une distance non négligeable (environ 4 km au total) au sein des micaschistes de Feissons.

Sur ce versant également, des aménagements hydroélectriques sont présents. L’eau du GNN est prélevée au niveau de Ronchat pour être acheminée par galerie souterraine vers la centrale de Feissons-sur-Isère.

1.2. Méthodologie

1.2.1) Plan des mesures de débits sériés

Le but des mesures de débits sériés est d’identifi er les échanges entre le réseau hydrographique et son substratum, et plus particulièrement les pertes au niveau des contacts tectoniques. Pour cela, il est nécessaire de découper le réseau hydrographique en sections sur lesquelles sont mesurés un débit aval et la totalité des débits amont. La diff érence entre débit aval et débits amont nous indique s’il y a perte vers le substratum ou alimentation du réseau hydrographique par les écoulements souterrains. Afi n de s’approcher de conditions d’écoulement constantes, les mesures de chaque section sont réalisées le même jour et en absence de pluie. Les points de mesure ont été choisis de façon à encadrer les zones de contact anormal.

Le bassin versant de l’ER a donc été découpé en six sections et celui du GNN en deux sections (fi gure III.1). Chaque section comprend entre deux et cinq points de mesures principaux.

1.2.2) Les jaugeages - L’injection instantanée de NaCl

Sur les deux bassins versants, les cours d’eau à jauger présentent des écoulements turbulents, typiques des torrents de montagne. Les jaugeages au micro-moulinet, pourtant les plus précis, ne peuvent pas être appliqués dans ce contexte. Seuls peuvent être mis en œuvre des jaugeages par mesure volumétrique pour les écoulements inférieurs à 10l/s et par dilution chimique pour les débits supérieurs à 10l/s. Parmi les méthodes de jaugeage par dilution chimique, la méthode par injection en continu de E110 (Fanget et al., 2003) est apparue, dans un premier temps, comme la plus précise pour l’objectif recherché (identifi cation de pertes). Cependant, le matériel nécessaire encombrant et la durée de mise en œuvre (2h) rendent cett e méthode inadaptée aux mesures de débits sériés en milieu de montagne. Plus adaptée aux torrents de montagne (Jobard, 2005), la méthode par injection instantanée de NaCl a fi nalement été adoptée. Cett e méthode consiste à injecter une masse (m) de traceur chimique (ici le NaCl) et de mesurer l’évolution de la concentration du traceur à l’aval de l’injection (Cosandey et Robinson, 2000 et Musy et Higy, 2004). Le débit est alors calculé grâce à la formule (2) :

=

dt

c

m

Q

.

Q : débit, en l/s

m : masse de traceur injectée, en g

c : concentration en traceur dans le cours d’eau, en g/l dt : intervalle de temps, en s

c = k (χm – χ0) (3)

χ0 conductivité à 25°C du ruisseau avant l’injection χm conductivité à 25°C du ruisseau après l’injection

k coeffi cient de corrélation entre conductivité à 25°C et concentration en NaCl (2)

Le coeffi cient de corrélation k a été déterminé en laboratoire pour chaque conductimètre utilisé et pour chacune des campagnes réalisées.

- Les conditions nécessaires sur le terrain

La méthode choisie repose sur l’hypothèse que la concentration en sel est homogène sur toute la largeur du cours d’eau, à l’endroit où l’on mesure la conductivité. Il faut donc choisir judicieusement les points d’injection et de mesure afi n d’être dans les meilleures conditions d’expérimentation. Pour cela, les règles suivantes ont été respectées sur le terrain, dans la mesure où les confi gurations le permett aient :

1) Une distance de bon mélange est défi nie au préalable de manière visuelle en injectant de la fl uorescéine dans un des cours d’eau du secteur. Cett e distance de 150 à 200m a servi de référence pour l’ensemble des cours d’eau jaugés.

2) Le point d’injection est placé à l’amont d’une zone de brassage de l’eau. 3) Les zones stagnantes sont évitées entre les points d’injection et de mesure.

4) Le point de mesure est placé dans un endroit relativement calme, si possible sur une section étroite, où les eaux se rassemblent.

5) Les mesures sont faites en plusieurs points de la section du cours d’eau afi n de vérifi er l’homogénéité transversale de la concentration en NaCl.

L’erreur classiquement admise pour cett e méthode est de 20%.Toutes les mesures ont été réalisées dans les mêmes conditions et sont donc entachées de la même erreur. L’objectif de ces mesures n’est pas de quantifi er les pertes ou les apports mais de mett re en évidence les zones d’échange possible.

1.3. Résultats

Deux campagnes de mesure ont été réalisées durant les étiages estivaux de 2005 et 2006 (résultats complets en annexe 4). La campagne de 2005 permet de déterminer, de façon qualitative, la nature des échanges entre le réseau hydrographique et le substratum (fi gure III.1). La campagne 2006 a deux objectifs : confi rmer ces premiers résultats (fi gure III.1) et localiser plus précisément les zones de perte et d’apport identifi ées (fi gure III.2).

Le GNN ne présente aucun échange avec son substratum dans sa partie avale (section 1). Sa partie amont (section 2) est marquée par des apports, vraisemblablement dus aux circulations d’eau au sein des dépôts quaternaires. Ces circulations d’eau dans les dépôts superfi ciels masquent la présence éventuelle de pertes vers le substratum rocheux.

Sur le bassin versant de l’ER, les sections 3 et 4 présentent des apports du même type, tandis que la partie avale (sections 1 et 2) est marquée par des phénomènes plus complexes.

Bien que celle-ci reste dans la fourchett e d’erreur des 20%, la perte identifi ée durant les deux campagnes sur la section 2 peut être considérée comme eff ective. La campagne de 2006 a permis de la localiser plus précisément au niveau du ruisseau du Colomban (fi gure III.2), juste avant sa confl uence avec l’ER, au niveau du contact entre les micaschistes et l’écaille sédimentaire du Crozat.

La section 1, quant à elle, présente un apport en 2005 et une perte en 2006, tous deux compris dans la marge d’erreur (20%). Dans ce secteur, les débits mesurés ne permett ent donc pas de caractériser l’échange entre le substratum et le réseau hydrographique. Par contre, les conductivités naturelles permett ent de calculer la conductivité théorique du point aval de la façon suivante :

=

Qi

Qi

ci

cth .

(3)

cth : conductivité théorique du point aval ci : conductivité des affl uents

Figure III.1 : Echanges entre réseau hydrographique et substratum, carte synthétique réalisée à partir des résultats des deux campagnes de jaugeage 2005 et 2006(résultats complets en annexe 4)

Sur la section 1 du bassin versant de l’Eau Rousse, sont indiquées les conductivités naturelles mesurées durant la campagne 2005, en μS/cm

2005 2006 cond. aval mesurée 181 272

cond. aval théorique 132 177

Tableau III.1 : Conductivités aval mesurées et théoriques sur la section 1 de l’ER, années 2005 et 2006 (en μS/cm) Pour les deux campagnes, la conductivité mesurée au point aval est supérieure à sa conductivité théorique (tableau III.1). Ceci implique nécessairement qu’un apport minéralisé est présent sur la section 1.

Afi n de préciser cett e observation, cett e section a été découpée en six sous-sections lors de la campagne de 2006 (fi gure III.2). Une perte est identifi ée au niveau de la source des îles et toutes les autres sous-sections sont marquées par des apports. La conductivité de l’ER augmente entre l’amont et l’aval de la sous-section (e) alors qu’elle ne présente pas d’anomalies entre les autres sous-sections. La zone d’apport minéralisé, précisée ici sur la sous-section (e), se situe donc au NW des petites écailles de roches sédimentaires. Si la perte située au niveau de la source des îles est eff ective, sa présence permett rait d’expliquer les résultats diff érents, observés sur la section totale lors des deux campagnes. En eff et, la coexistence d’une perte et d’un apport minéralisé sur la section 1 peut faire basculer le bilan global d’un côté ou de l’autre en fonction de leur importance relative.

Figure III.2 : Précisions sur les échanges entre réseau hydrographique et sustratum dans le bassin versant de l’Eau Rousse, campagne réalisée durant l’été 2006 (résultats complets en annexe 4), conductivités naturelles en μS/cm

La source des îles présente une conductivité (428μS/cm) supérieure à celle de l’ER (300μS/cm). Cett e source, comme l’apport minéralisé identifi é sur la sous-section (e), sont vraisemblablement marqués par une interaction avec des dépôts triasiques. Ces deux points doivent vraisemblablement participer à la résurgence de la perte identifi ée précédemment sur la section 2, bien que le lien entre les deux ne soit pas clairement établi. L’écaille sédimentaire du Crozat, qui se prolonge au NE par des petites écailles sédimentaires puis par les plis pincés de Permo-Carbonifère, jouerait donc ici un rôle important dans ces circulations souterraines superfi cielles, bien que la continuité entre ces diff érentes structures n’ait pas été observée lors de l’étude géologique.

Pour fi nir, la section 5b a permis de localiser une légère perte sur le ruisseau de la Rave, au niveau de l’Homme de Beurre, où il traverse le contact tectonique de la Léchère.

1.4. Conclusion

La partie avale du bassin versant du GNN ne présente aucune perte ou apport. Sur le bassin versant de l’ER, deux pertes ont été clairement identifi ées sur le ruisseau de la Rave près de l’Homme de Beurre et sur le Colomban au niveau du Crozat. La présence d’une perte au niveau de la source des îles reste hypothétique. Des apports par le substratum sont présents au NW des petites écailles sédimentaires (sous-section (e) de la (sous-section 2). Le réseau hydrographique est donc marqué par la présence de pertes sans qu’il ne puisse être établi si ces pertes alimentent eff ectivement le système thermal ou si elles participent uniquement à des circulations superfi cielles dans le versant, mett ant en cause l’écaille sédimentaire du Crozat qui se prolonge au NE par les plis pincés permo-carbonifères.