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Chapitre I : Présentation générale

II. L’hydrothermalisme

2. Le thermalisme

2.3. Le thermalisme en France

En France, le cadre législatif (Académie de Médecine et Ministère de la Santé) défi nit plusieurs types “d’eaux de boisson”.

- Les eaux de distribution publique

Ce sont soit (i) des eaux souterraines provenant de sources ou de forages, soit (ii) des eaux superfi cielles. La composition physico-chimique de ces eaux ne doit pas dépasser les normes de potabilité française (décret 2001-1220 du 20 décembre 2001, cf. tableau I.2).

- Les eaux de source

Il s’agit d’eaux d’origine souterraine soumises elles-aussi à des normes de potabilité (décret 89-369 du 6 juin 1989) mais qui ne doivent subir aucun traitement ou adjonction.

- Les eaux minérales naturelles

Ce sont des eaux d’origine souterraine soumises uniquement aux normes de potabilité bactériologique. Elles ne doivent subir aucun traitement ou adjonction. Leur composition physico-chimique, non soumise aux normes de potabilité, doit néanmoins rester constante vis-à-vis de l’analyse de référence prise en compte dans le décret d’autorisation à exploiter la ressource. Une eau minérale se distingue des autres eaux par des caractéristiques physico-chimiques particulières (fortes conductivité et température ou teneur élevée en certains éléments traces par exemple) qui lui confèrent des propriétés thérapeutiques.

Il n’existe pas de défi nition légale des eaux thermales mais les eaux exploitées dans les établissements thermaux sont soumises aux mêmes réglementations que les eaux minérales naturelles. L’autorisation d’exploiter une ressource thermale est délivrée par Arrêté Ministériel après l’instruction du dossier par la Direction Départementale des Aff aires Sanitaires et Sociales (DDASS) et sa présentation au Conseil Départemental d’Hygiène (CDH). La Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE) n’est plus impliquée dans l’instruction des dossiers de demande d’autorisation d’exploiter une eau minérale depuis 2006.

Du point de vue hydrogéologique, les eaux minérales sont des eaux souterraines présentant une forte minéralisation et les eaux thermales sont considérées comme des eaux dont la température dépasse celle des eaux souterraines de la région (Pomerol et Ricour, 1992, Alfaro 1994). Une eau thermale n’est donc pas nécessairement minérale et vice-versa mais les eaux sont très souvent thermales et minérales car la minéralisation et le réchauff ement des eaux souterraines sont intimement liés.

GROUPE DE PARAMETRES LIMITES DE QUALITE UNITE

Paramètres organoleptiques 200 mg/l (échelle platine/cobalt)

25 °C 200 mg/l 250 mg/l 200 mg/l 30 % eaux superficielles 50 mg/l autres eaux 100 mg/l 4 mg/l 10 mg/l O2 0,1 mg/l 0,5 mg/l (laury-sulfate) 1 mg/l zinc 5 mg/l

baryum eaux superficielles 1 mg/l

arsenic 100 μg/l cadmium 5 μg/l cyanures 50 μg/l chrome total 50 μg/l mercure 1 μg/l plomb 50 μg/l sélénium 10 μg/l pesticides 5 μg/l hydrocarbures polycycliques 1 μg/l Escherichia coli 20000 /100ml Entérocoques 10000 /100ml

hydrocarbures dissous émulsionnés après extraction Substances indésirables

Substances toxiques

Paramètres microbiologiques

ammonium

oxydabilité en milieu acide

phénols para-nitraniline et 4-amino-antipyrine agents de surface (réagissant au bleu de méthylène) Paramètres liés à la structure

naturelle des eaux

nitrates

PARAMETRES Coloration après filtration température

chlorures sulfates sodium

pourcentage d'oxygène dissous

Tableau I.2 : Limites de qualité des eaux brutes utilisées pour la production d’eau destinée à la consommation humaine fi xées pour l’application de la procédure prévue aux articles 5 et 7 (3°) du présent décret (décret 2001-1220, Annexe III)

eaux sulfurées sodiques de type pyrénen eaux sulfurées calciques de type alpin eaux sulfatées calciques et magnésiennes eaux chlorurées sodiques fortes eaux carbogazeuses eaux oligominérales

Figure I.2 : Carte de localisation des sites de thermalisme en France (Division Nationale des Eaux Minérales et Thermales 2003, modifi é) terrains métamorphiques primaires granite source sulfurée sodique

source sulfatée calcique (ou chlorurée sodique)

gypse (ou sel) chev auchement fr ontal Nor d-Pyrénéen faille Nor d -Pyrénéenne

zone Nord-Pyrénéenne zone sous-pyrénéenne chaîne axiale

S N

2.3.2) Les provinces thermales françaises

En France, le patrimoine thermal est très varié. On peut subdiviser la France en provinces thermales en fonction des caractéristiques chimiques des eaux. Ces caractéristiques sont liées aux conditions de fonctionnement décrites précédemment mais également à la nature des roches encaissantes dans lesquelles elles circulent. Le spectre de la minéralisation des eaux thermales françaises est large, les eaux présentent des conductivités de quelques centaines de μS/cm (pour les eaux peu minéralisées comme celles d’Evian) jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de μS/cm (pour les eaux chlorurées sodiques fortes comme celles de Salins-les-Bains ou Lons-le-Saunier).

On peut distinguer cinq provinces thermales françaises (Canellas et Blavoux, 1995), (fi gure I.2) : - Les eaux sulfurées sodiques de type pyrénéen (Na-H2S)

Ces eaux, caractéristiques de la zone axiale des Pyrénées (fi gure I.3), circulent dans les massifs granitiques fracturés qui sont en contact avec des terrains métamorphiques primaires imperméables. Leur circulation se fait à grande profondeur (5 à 7km) et leur température à l’émergence est de l’ordre de 60 à 80°C. Leur caractéristique sulfurée provient de l’altération de la pyrite et leur minéralisation est relativement faible. Les meilleurs exemples de ce type d’eaux thermales sont les eaux de Luchon (Haute Garonne) et Ax-les-Thermes (Ariège).

- Les eaux sulfurées calciques de type alpin (Ca-H2S)

On trouve ces eaux au niveau des fronts de chevauchement des Alpes Occidentales marqués par les évaporites, et servant de niveaux de décollement des chevauchements. Pendant leur parcours, elles s’enrichissent en sulfates qui sont ensuite transformés en sulfures par réduction bactérienne. Ce groupe d’eaux thermales n’est pas très homogène car certaines peuvent également s’enrichir en halite. La source d’Allevard(fi gure I.4), par exemple, se charge en sulfates du Trias qui sont ensuite dégradés par les bactéries, présentes dans le circuit thermal grâce à la libération de CH4 par la couverture sédimentaire.

- Les eaux sulfatées calciques et magnésiennes (Ca-Mg-SO4)

On trouve ce type d’eau au niveau des grands accidents jalonnés d’évaporites aussi bien dans les Alpes avec Brides-les-Bains (Savoie), que le long du chevauchement frontal Nord-Pyrénéen (fi gure I.3) avec Capvern-les-Bains (Hautes-Pyrénées). De même, à l’Est du bassin parisien, les eaux profondes sont marquées par leur circulation dans les dépôts triasiques et remontent en surface par l’intermédiaire de grandes failles comme à Vitt el (Vosges). Pour ces eaux, les sulfates ne sont pas ou peu transformés en sulfures.

Figure I.4 : Coupe géologique à l’échelle plurikilométrique des réservoirs à l’origine de la minéralisation de la source d’Allevard, tirée du programme ECORS (complétée) (d’après Dazy et Razack, 1989 in Courtois, 2005a)

0 -1000m -2000m -3000m

0 50 km

Sénonien : dolomie/sable (variation latérale de faciès) Céno-Turonien : calcaires et marnes

Trias : montée diapirique sous poussée pyrénéenne

source minérale tiède source karstique

source thermominérale

Eocène, Oligocène et Miocène : marnes et calcaire sableux

Figure I.5 : Schéma de circulation du système thermal de Dax (Blavoux, 1998 modifi é)

faille de la M a re Montr ond Moingt LA LOIRE (fleuve) EST Monts du Lyonnais OUEST Monts du Forez 900m 400m Salt-n-D onz y

socle bassin détritique du Forez failles niveaux aquifères reconnus en forage circulation probable de l'eau Chorsin Moingt Salt-en-Donzy St Galmier Montrond St Rambert St Alban Sail/Couzan CO2 CO2 10km trait decoupe

Figure I.6 : Coupe schématique du graben du Forez et zones de circulation possibles de l’eau en profondeur (Gal, 2005) - Les eaux carbogazeuses (Na-HCO3-CO2 ou Ca-HCO3-CO2)

Elles représentent une vaste province s’étendant de la Limagne à l’Allier en passant par le Massif Central. Elles contiennent du CO2 d’origine profonde, libéré par des fractures ouvertes de direction NE-SW. Elles sont bicarbonatées sodiques dans le Massif Central et bicarbonatées calciques dans les zones où le socle est recouvert par des dépôts sédimentaires. Ainsi, les eaux carbogazeuses de Montrond (Loire) (fi gure I.6) sont issues du bassin détritique du Forez et sont marquées par des arrivées de CO2 d’origine profonde provenant du socle hercynien fracturé.

- Les eaux chlorurées sodiques fortes (Na-Cl)

Ces eaux sont en contact avec de la halite. On les trouve soit dans le bassin aquitain au niveau des diapirs de sel comme à Dax (Landes) (fi gure I.5), soit dans le Jura externe au niveau des chevauchements comme à Salins-les-Bains (Jura). A Dax, la mise en place d’un diapir de sel a permis de réunir deux conditions nécessaires à l’émergence d’eau thermo-minérale : (i) la verticalisation des couches réservoirs du Sénonien et (ii) la mise en contact des eaux du réservoir sénonien avec de la halite (Le Fanic, 2005).

Tous ces faciès chimiques peuvent présenter des minéralisations plus ou moins intenses. Ainsi, on parlera d’eaux oligominérales pour toutes les eaux thermales faiblement minéralisées (< 500μS/cm). Elles correspondent à des eaux chaudes circulant à grande profondeur mais dont l’encaissant ne permet pas d’acquérir une forte minéralisation comme ceci est le cas dans les domaines calcaires à Aix-les-Bains (Savoie) ou dans les aquifères du bassin aquitain avec Aurensa (Gers). Les eaux d’Evian (fi gure I.7) circulent dans des dépôts quaternaires et acquièrent un faciès bicarbonaté calcique très peu minéralisé.

argile à blocs

source minérale d'Evian

Figure I.7 : Schéma de circulation des eaux minérales d’Evian (Blavoux, 1998)

2.3.3) L’activité thermale en France

La ressource thermale constitue une part non négligeable du patrimoine naturel français autour de laquelle a pu se développer une activité socio-économique importante. Il existe plusieurs organismes français s’articulant autour des diverses problématiques liées à l’exploitation thermale : thérapeutique, économie, techniques d’exploitation de la ressource, installations sanitaires, etc… Le principal organisme est la Fédération Thermale et Climatique Française (FTCF) regroupant : l’Association Nationale des Maires des Communes Thermales (ANMCT) ; le Conseil National des Exploitants Thermaux (CNETh) ; le Syndicat National des Médecins des stations thermales, climatiques et marines ; la Société Française d’Hydrologie et de Climatologie Médicales ; les Fédérations Régionales ainsi que les universitaires et scientifi ques concernés par le thermalisme (médecins essentiellement). Deux autres organismes se sont formés autour de problématiques plus spécifi ques : l’Association Française des Techniques Hydrothermales (AFTH) pour tout ce qui concerne les aspects de gestion de la ressource thermale et l’Association Française pour la Recherche Thermale (AFRETH) essentiellement tournée vers les recherches cliniques.

Il existe une centaine de sites thermaux en France majoritairement présents dans les Pyrénées, les Alpes, le NE de la France et le Massif Central (fi gure I.2). La région Rhône-Alpes en totalise dix-sept à elle seule et le département de la Savoie regroupe cinq sites thermaux.

La fréquentation de l’ensemble des stations thermales françaises est d’environ 500 000 curistes par an et la station la plus fréquentée est la station de Dax avec environ 50 000 curistes par an (données CNETh). La fréquentation globale des stations thermales françaises a augmenté régulièrement de 1956 à 1986 puis n’a cessé de diminuer jusqu’en 2006 (fi gure I.8).

L’activité thermale développe de manière non négligeable l’activité économique d’une région. En eff et, le CNETh estime que l’activité thermale génère en France 100 000 emplois directs et indirects (logements, laboratoires, activités culturelles, loisirs et commerces).

13 12 11 10 9 8 7 6 5 M

illions de journées de cur

e

1958 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Figure I.8 : Evolution de la fréquentation des établissements thermaux français de 1958 à 2004

(sources : la Gazett e Offi cielle du Thermalisme, Syndicat National des Etablissements Thermaux, Fédération Thermale et Climatique Française in Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, 2006)

En fonction des caractéristiques des eaux, les traitements eff ectués dans les diff érentes stations thermales françaises se divisent en 12 orientations thérapeutiques principales : la rhumatologie, les voies respiratoires, la phlébologie, la dermatologie, les maladies de l’appareil digestif, les maladies de l’appareil urinaire, les maladies cardio-artérielles, les aff ections psychosomatiques, la neurologie, la gynécologie, les aff ections des muqueuses bucco-linguales et les troubles du développement de l’enfant.

Des pathologies diff érentes peuvent être traitées dans un même établissement thermal. D’après le CNETh, la majorité des cures concerne la rhumatologie (60%) suivie par le traitement des voies respiratoires (25%) et de l’appareil urinaire et digestif (7,5 à 8%).

Bien que la vocation des établissements thermaux reste majoritairement thérapeutique, une petite part du marché (5%) s’oriente vers la remise en forme (spas et thermes ludiques).