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1.1. L’inspiration : les ZEP en France

En France, c’est après l’accession de la gauche au pouvoir, avec l’élection de François Mitterrand en 1980, que l’idée de « donner plus à ceux qui ont moins » va se concrétiser. Le ministre de l’Éducation nationale, Savary, prend rapidement la mesure de créer des Zones d’éducation prioritaire (ZEP). Il s’agit donc de renforcer les moyens là où l’enseignement est plus difficile.

La spécificité des ZEP est leur ancrage local, il s’agit non seulement d’agir dans l’école, mais également autour, dans le quartier, avec les acteurs locaux, afin de donner un encadrement éducatif hors de l’école.

En France, les ZEP ont donc un ancrage local, dans le quartier. Dans le tournant des années 1990, elles sont d’ailleurs marquées par la Politique de la Ville. Tout secteur urbain concerné par un projet de réhabilitation inscrit, automatiquement, les écoles de sa zone en ZEP. Cette inscription locale est évidemment à relier au principe français de la carte scolaire : les enfants sont inscrits dans l’établissement scolaire le plus proche de leur domicile. Le public scolaire est donc représentatif du quartier environnant. Ce qui n’est pas toujours le cas en Communauté française de Belgique (pensons à certaines écoles du centre de Bruxelles qui accueillent un public privilégié).

En France, Politique de la Ville et Éducation nationale travaillent donc de concert dans les ZEP. L’idée est que l’école ne peut pas tout toute seule, elle a besoin d’être soutenue dans ses missions par un travail sur les territoires urbains marginalisés. Cette ouverture de l’éducation à une forme de travail communautaire offre des avantages, mais implique aussi de réfléchir aux dérives possibles61. Travailler en ZEP impliquerait les enseignants, les assistants sociaux, la police, les éducateurs, etc. Ce qui doit nous amener à une réflexion sur le sens de l’école. L’école doit rester l’école : à

trop la dissoudre, à lui donner vocation sociale, à l’instrumentaliser comme outil de pacification des quartiers, elle risque de perdre de son sens.

Si les résultats des ZEP en France sont mitigés, il reste que leur statut de laboratoire a permis que s’y développe toute une série de nouvelles pratiques éducatives, dont la pédagogie de projet, la pédagogie différenciée, des pratiques de lecture innovantes, etc.62

1.2. Les ZEP en Belgique

En Belgique, le processus sera plus lent. À suivre l’analyse de Jacques Liesenborghs (CGé), les années 1980 ont été catastrophiques : « suppression des moyens qui auraient dû permettre au rénové d’être un outil de démocratisation, prolongation de la scolarité obligatoire de 16 à 18 ans sans transition, sans moyens et sans une réforme profonde de l’enseignement professionnel […]. Un désastre pour tous, mais surtout pour les familles pauvres63 ».

Durant les années 1980, la société civile fait pression pour faire adopter ce type de politiques compensatoires, sans succès. D’autant qu’en 1986, le « Rapport Mc Kinsey » met en évidence que l’enseignement en Belgique est le plus cher d’Europe, des économies s’imposent donc. Fin des années 1980, c’est la communautarisation de l’enseignement qui est à l’avant-scène. Dans le tournant des années 1980-1990, l’école va mal et les enseignants se sentent dévalorisés : ce sera la période des grèves enseignantes de 1990-1991. Décidées en 1989, il faudra finalement attendre le début des années 1990 pour que les ZEP se mettent en place. Cela dit, cette politique se met en œuvre avec de très faibles moyens, bien moindres encore que ceux dégagés en France.

En Belgique, les ZEP sont définies par la Circulaire ministérielle du 12 avril 1989 comme « des aires géographiques – communes, quartiers – dans lesquelles une

politique d’éducation différenciée s’impose ». Cette définition repose sur deux types de critères64 : (1) des critères scolaires (type d’établissement, filières, taux de redoublement…) et (2) des critères socio-économico-culturels liés à la population (niveau d’étude des parents, taux de chômage, vétusté des habitations, inadaptation à la langue ou à la culture…). Les moyens alloués à la politique des ZEP peuvent également être dévoués à des projets dans le quartier. On est donc bien dans une logique de développement local, autour de l’école, destinée à favoriser l’intégration

62 Ibidem, p. 28.

63 Liesenborghs J., « Lutte contre les inégalités scolaires : 30 ans d’atermoiements », Démocratie, septembre 2010.

64 Demeuse M., « La marche vers l’équité en Belgique francophone », in Demeuse M. et al. (Eds), Vers

scolaire, la lutte contre le décrochage et, en particulier après les émeutes de Forest et Saint Gilles de mai 1991, la prévention de la délinquance65.

Pour bénéficier de ces moyens renforcés, les établissements ou les pouvoirs organisateurs doivent déposer un projet, l’attribution n’est donc pas automatique. Malgré le manque de données précises concernant l’évaluation des ZEP en Belgique, on peut dire que globalement, les effets positifs des ZEP en termes d’inégalités et

de retard scolaires restent mitigés :

« […] manque de moyens financiers, manque de préparation des agents ZEP, conflits corporatistes entre les différents “experts” agissant sur le terrain (enseignants, éducateurs, psychopédagogues, animateurs des associations locales, représentants des élus, etc.), indifférence, sinon hostilité, des parents et surtout inexistence d’une amélioration significative des performances scolaires des élèves concernés66. »

Cela étant, en Belgique comme en France, on aurait constaté une amélioration du climat à l’intérieur des écoles concernées par ce dispositif.

En 1998, les ZEP seront remplacées par les dispositifs de discrimination positive (voir § 4).

65 Florence E., « Politiques publiques en matière d’éducation en rapport avec les jeunes d’origine étrangère en Communauté française de Belgique », in : Martiniello M., Rea A., Dassetto F. (eds),

Immigration et intégration en Belgique francophone. État des savoirs, Louvain-la-Neuve, Academia

Bruylant, 2007, p. 193.