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De YouTube aux autres réseaux, quand les abonnés deviennent « communauté »

B. Le vidéaste et sa « communauté » : des échanges qui excèdent le cadre de la plateforme

1. De YouTube aux autres réseaux, quand les abonnés deviennent « communauté »

a. De YouTube aux autres réseaux : des modes d’interactions différents qui entrainent une impression de proximité

Bien souvent, au-delà de leur activité de vidéaste, les créateurs doivent également faire preuve d’autres capacités pour agrandir leur audience. S’ils veulent parvenir à créer une « communauté », il leur faut apprendre à interagir avec les abonnés et les intéresser.

92 CARDON Dominique, op. cit., p. 9

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La plupart des vidéastes que nous évoquons sont présents sur deux à trois réseaux sociaux au-delà de YouTube : Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, Discord parfois… Les choix ne manquent pas. Ces réseaux leur permettent de développer une relation avec leurs abonnés qui va au-delà de la relation « créateur/consommateur » qui peut être présente sur YouYube. Lors de notre entretien, PV Nova évoquait les différents rapports qui peuvent exister entre les personnes qui le suivent et lui :

[…] Facebook et Twitter, […] les commentaires sur ces réseaux-là sortent un peu du cadre créatif, les gens répondent plutôt à mes blagues, à mes messages, ce sont moins des critiques sur mon travail. Par mail j’ai surtout des retours positifs, c’est un rapport plus intime, il y a une générosité dans la démarche. La personne a fait le geste de trouver mon adresse mail […] et m’a envoyé un mail, souvent long, pour me dire que mon travail l’a touché, l’a accompagné, qu’il l’a apprécié. C’est touchant. Et forcément ce que je préfère en tant que musicien, c’est le rapport direct avec le public93.

Pour Benjamin Névert également, diversifier ses réseaux permet d’avoir des échanges de nature différente :

Moi je suis sur Facebook, sur Instagram et YouTube. Sur Facebook j’ai quelques retours, souvent j’ai des messages privés qui sont très longs, les gens prennent plus le temps d’écrire des messages longs de remerciement où ils expliquent qu’ils ont bien aimé. Et après j’ai énormément de retours sur Insta… où je fais du contenu qui a parfois à voir et parfois rien à voir, Instagram c’est plus lié à moi que lié à la chaîne directement94.

Sur la plupart des réseaux, les créateurs côtoient les amis au fil des feeds ou

stories. Les échanges sur des plateformes différentes permettent d’illustrer un

changement de nature de la relation vidéaste/public en fonction du dispositif au sein duquel elle s’inscrit. La multiplication de ces échanges peut également renforcer l’impression de proximité avec le vidéaste qu’à l’abonné.

b. Quand la « communauté » prend parti pour le vidéaste, les dérives possibles de l’impression de proximité

L’impression de proximité amène certains internautes à considérer le vidéaste comme un ami ; certains abonnés, particulièrement parmi les plus jeunes de l’audience, peuvent être amenés à cautionner tout ce que fera ou dira un vidéaste dont ils sont fans, parfois de manière irrationnelle. Cela peut engendrer des dérives,

93 PV NOVA, Entretien cit.

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notamment lorsque deux vidéastes entrent en conflit ; une partie de la communauté aura alors l’envie de défendre la personne dont elle est fan, sans même réfléchir aux causes du conflit ou estimer que le problème est privé et se règlera entre les deux personnes concernées. D’autres fois, un vidéaste « utilise » sa communauté, consciemment ou non, contre un de ses pairs. Selon la taille de ladite communauté, les conséquences peuvent être très violentes pour la personne qui reçoit les critiques. Il y a quelques années, une campagne de harcèlement très violente a ainsi touché la vidéaste et comédienne Marion Séclin. Suite à une série de vidéos dans lesquelles elle expliquait sa version du féminisme et démontait des idées reçues en s’appuyant sur des témoignages envoyés par ses abonnées sur les réseaux, particulièrement l’une traitant de harcèlement de rue95, un vidéaste surnommé le « Raptor Dissident »96 a publié une réponse filmée intitulée Marion Seclin, féminisme en déclin. À l’intérieur, un retour violent sur les arguments de la

vidéaste et une décrédibilisation de son discours sur le harcèlement de rue. Suite à cette vidéo, Marion Seclin a été soumise à une vague de violence assez démesurée. En effet, elle aurait en tout reçu sur ses différents réseaux plus de 40 000 messages de critique, allant de moqueries et insultes à des menaces de viol ou de mort. La vidéo a été supprimée par YouTube, mais pas avant d’avoir obtenu 1,6 millions de vues. Le Raptor Dissident s’est défendu d’avoir provoqué cette vague de harcèlement, arguant qu’il indique appeler au calme à la fin de sa vidéo à travers les paroles « Pour une fois j’aimerais que l’espace commentaire reste à peu près respectueux ». Si nous pouvons nous interroger sur la mesure de l’implication du vidéaste dans cette campagne de harcèlement et tout en reconnaissant que cet exemple est profondément négatif, nous sommes cependant forcés de noter qu’il montre qu’une « communauté » peut être organisée, autonome et faire front pour soutenir ou défendre un vidéaste qu’elle apprécie.

Ce soutien, bien heureusement, est également visible pour des projets positifs.

95 MARION SECLIN, « #TasÉtéHarceléeMais... t'as vu comment t'étais habillée ? (vidéo), YouTube,

[disponible en ligne : https://youtu.be/q_ZUHQFHMBI], publié le 17.05.2016, consulté le 07.02.2018.

96 Le Raptor Dissident est un vidéaste qui publie des vidéos sur l’actualité « avec une bonne dose

de haine ». Plusieurs de ses vidéos, signalées à YouTube plusieurs fois, ont été supprimées de la plateforme.

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2. Une « communauté » qui permet au youtubeur de diversifier ses