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xxw Les maladies fongiques des parties aériennes

Une grande variété de champignons pathogènes peut affecter le manioc ; on en recense plus de 250 espèces. Le tableau 18 liste les principaux pathogènes affectant la culture du manioc.

La cercosporiose ou maladie des taches brunes (Brown Leaf Spot) La cercosporiose ou maladie des taches brunes est induite par le champignon Cercospora henningsii qui s’attaque à plusieurs espèces de Manihot. C’est une des maladies du manioc les plus fréquentes que l’on rencontre sur tous les continents, sa diffusion étant favorisée par les températures élevées (supérieures à 25 °C) en conditions peu humides. Elle se caractérise par l’apparition de taches, visibles sur les deux faces des feuilles, de couleur brune avec un centre vert-olive et des bords plus foncés (photo 20, cahier couleur). D’abord circulaires (entre 3-12 mm), ces lésions deviennent irrégulières et anguleuses et sont limitées par les nervures principales du limbe. Quand la maladie progresse, les feuilles jaunissent et sèchent avant de tomber. Les attaques sont plus sévères sur les feuilles âgées que sur les jeunes. Les variétés les plus sensibles peuvent présenter une défoliation importante, voire totale, en saison chaude et humide comme on peut l’observer en Inde.

Le contrôle de la maladie se fait par l’utilisation de variétés résistantes, des pratiques culturales adaptées pour limiter l’humidité (comme une plantation en période moins humide) et l’espacement des plantes. L’utilisation de fongicide à base de cuivre en suspension huileuse permet un bon contrôle mais sa rentabilité demande à être vérifiée dans les conditions locales.

La cercosporiose à taches diffuses (Diffuse Leaf Spot)

La cercosporiose à taches diffuses se rencontre dans toutes les zones chaudes et humides, en particulier dans le bassin amazonien où elle provoque des défoliations sévères sur les variétés sensibles, surtout en fin de saison des pluies.

Le champignon responsable est Cercospora vicosae qui provoque des grosses taches aux bords peu nets, chacune pouvant couvrir plus de 20 % de la surface d’un lobe foliaire. Sur les faces supérieures des feuilles, les taches sont de couleur brune uniforme alors que sur les faces inférieures, elles présentent une coloration centrale grisâtre provoquée par le développement des conidies. Au final, les feuilles deviennent entièrement jaunes, sèchent et tombent.

Tableau 18. Principaux pathogènes affectant la culture du manioc.

Nom du champignon

Nom commun de la maladie (nom en anglais)

Partie de la plante attaquée Feuille Tige Racine

Armillariella mellea Pourriture sèche

(Dry Root Rot) x

Botryodiplodia theobromae Stem Rot, Root Rot x x

Cercospora henningsii Maladie des taches brunes (Brown Leaf Spot)

x

Phaeoramularia manihotis

(ex C. caribaea) Cercosporiose. à taches blanches (White Leaf Spot)

x

Cercospora vicosae Cercosporiose à taches diffuses ou brûlure foliaire (Diffuse Leaf Spot)

x Glomerella manihotis Colletotrichum gloeosporioides f sp. Manihotis Anthracnose (Cassava Anthracnose) x x

Elsinoe brasiliensis Maladie de la super élongation du manioc (SuperElongation

Disease)

x

Fomes lignosus Pourritures des racines (Cottony Cassava Rot /

White Thread)

x x

Oidium manihotis Oidium du manioc (Cassava Ash)

Phoma spp. (ex Phyllosticta) Maladie des taches rondes (Concentric

Ring Leaf Spot)

x x

Phytophtora spp. (dont P. drechsleri et P. erythrospetica)

souvent en association avec

Fusarium ssp. (dont F. solani, F. oxysporum) et Pythium spp.

Pourritures molle des racines

(Wet Cassava Root Rot)

x

Rosellinia spp. (R.necatrix) Pourriture noire

(Black Root Rot) x

Uromyces spp. Rouille du manioc

(Cassava Rust) x

Sclerotium rolfsii Pourriture à Sclerotium

Ces symptômes peuvent se confondre avec ceux du flétrissement bactérien (CBB) mais, dans ce dernier cas, les lésions présentent un aspect aqueux.

Les méthodes de contrôle sont les mêmes que pour la cercosporiose à taches brunes (voir ci-dessus).

La cercosporiose à taches blanches (White Leaf Spot)

La cercosporiose à taches blanches a une distribution mondiale mais elle concerne les zones humides plus froides que la cercosporiose à taches diffuses.

Elle provoque une défoliation sévère des cultivars sensibles. L’agent causal est Phaeoramularia manihotis dont le seul hôte connu est M. esculenta. Les symptômes sont des taches de 1 à 7 mm, rondes à angulaires, plus petites que celle provoquées par C. henningsii. Leur couleur est normalement blanche, parfois brun-jaune. Les lésions sont déprimées sur les deux faces de la feuille avec une épaisseur moitié moindre qu’au niveau du limbe intact.

Les méthodes de lutte sont les mêmes que pour les deux autres cercosporioses décrites ci-dessus, mais à ce jour, aucun cultivar spéci-fiquement résistant à cette maladie n’a été identifié.

La maladie des taches rondes (Concentric Ring Leaf Spot, RLS) La maladie des taches rondes se rencontre surtout en Amérique latine mais elle est aussi signalée en Afrique et Asie (Inde, Philippines). En saison des pluies et par températures fraîches (inférieures à 22 °C), elle peut provoquer des défoliations sévères avec dessèchement des tiges ; en zone d’altitude les dégâts peuvent être très importants. Plusieurs champignons, regroupés sous le genre Phoma spp. sont responsables de cette maladie ; ils étaient précédemment identifiés comme Phyllosticta spp. Les symptômes sont de grosses taches brunes (1 à 3 cm) sur le bord des limbes ou le long des nervures, elles présentent au départ des cercles concentriques disparaissant avec le temps pour devenir uniformément brunes.

Il n’y a pas de techniques de lutte spécifiques. Cette maladie peut provoquer des dégâts importants quand les conditions environnemen-tales sont favorables à son développement mais des différences de sensibilité entre cultivars de manioc sont connues.

La maladie de la super élongation (Super Elongation Disease, SED) La maladie de la super élongation est provoquée par le champignon Elsinoe brasiliensis (Sphaceloma manihoticola étant la forme asexuée). La maladie est fréquente en Amérique latine où les pertes peuvent atteindre 80 % sur les jeunes plantations sans que les plants de six mois ne soient significativement affectés. Elle n’a pas encore été signalée en Afrique ni en Asie mais le danger qu’elle s’y déclare reste important. La maladie est caractérisée par une élongation exagérée des tiges, la plante infectée devenant beaucoup plus haute et grêle que les plantes saines. Des chancres en forme de lentille se développent sur les feuilles et les tiges. Les jeunes feuilles s’enroulent sans se développer complètement, avec parfois des petites taches blanches sur le limbe. L’utilisation de matériel de plantation provenant de plants sains ou de vitroplants assainis permet généralement d’empêcher la diffusion de la maladie. Par précaution, les boutures peuvent être plongées dans une solution fongicide (en Colombie on recommande 10 mn de trem-page dans une solution à 4,8 g/l de captafol). En cas de symptômes foliaires, des pulvérisations sur le feuillage peuvent être appliquées (par exemple, difénoconazole comme matière active). La rotation avec des cultures de graminées est préconisée.

L’anthracnose (Cassava Anthracnose Disease - CAD)

L’anthracnose est présente dans toutes les zones tropicales, mais c’est dans les régions humides d’Amérique latine qu’elle est la plus commune. L’agent causal porte plusieurs noms : Glomerella manihotis, G. cingulata Colletotrichum gloeosporioides f sp. manihotis, Gloeosporium manihotis, noms qui désignent probablement un seul et même champignon patho-gène. Les attaques apparaissent généralement en début de saison des pluies et se développent avec l’humidité ambiante. En Amérique latine, l’anthracnose attaque surtout les feuilles alors qu’en Afrique, les dégâts se manifestent plutôt sur les tiges.

Les symptômes caractéristiques sont de petites taches rondes (10 mm) et déprimées à la base des feuilles très similaires aux symptômes de C. henningssi, ou des taches déprimées ovales (10-15 mm) sur les tiges et à la base des pétioles qui évoluent ensuite en lésions fibreuses profondes (chancres). Les pétioles atteints finissent par s’affaisser (photo 21, cahier couleur). Les feuilles attaquées se flétrissent puis tombent jusqu’à défoliation complète de la plante et dessèchement des tiges. Les jeunes feuilles qui poussent en début de saison des pluies

sont les plus sensibles à la maladie. Les spores du champignon sont dispersées par l’eau et le vent mais aussi par les boutures de manioc. En Afrique, la punaise Pseudotheraptus devastans favorise la pénétration du champignon par ses piqûres sur les tiges du manioc.

La seule méthode de contrôle recommandable est la plantation de cultivars résistants. Les meilleurs critères de repérage des cultivars les moins sensibles sont le nombre de chancres par plante, la taille moyenne de ces chancres et la hauteur où les premiers chancres apparaissent sur la plante.

Les nécroses de tiges (Stem Necrosis)

Quand l’air est humide, les boutures de tiges stockées en attente de plantation peuvent être attaquées par deux champignons.

Glomerella cingulata est plutôt présent en Amérique latine, et Botryodiplodia theobromae plutôt en Afrique.

La pourriture débute à une extrémité coupée de la bouture, puis pénètre dans toute la section de tige durant le stockage.

L’incidence de ces pathogènes peut être limitée en évitant de prélever les boutures en saison humide et en les stockant dans des locaux secs et bien ventilés.