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2. Etat des lieux : Vous avez dit portail ?

2.4 Et le Web 2.0 dans tout ça ?

Malgré un constat planétaire qui présente le Web 2.0 comme un simple effet de mode, le concept est suffisamment bien ancré dans l’univers du Web pour que de nombreux usages perdurent dans le temps. La notion même peut être considérée comme un tournant dans l’histoire d’Internet. L’être humain, qui semblait avoir été quelque peu mis de côté lors du développement des technologies liées à Internet, est à nouveau remis au centre du réseau : partage, échange, conversation, mutualisation, etc. Panoplie de gadgets ? Simple opération marketing ? Le Web 2.0, désigné également

sous le terme de Web social, est plus que cela : il a avant tout révolutionné les pratiques d’usage et d’accès à l’information, permettant l’évolution du rôle traditionnel de l’usager et par la même occasion celui du bibliothécaire. Désormais producteurs et acteurs de l’information, ils se partagent la toile, faisant du Web « un espace de socialisation, dynamique et spontané […] » (Amar, 2009, p.11). Nous allons, dans cette partie du travail, tenter de faire un bref historique du Web 2.0 afin d’en expliquer le fonctionnement et d’en révéler les principales applications.

2.4.1 Bref historique

La naissance du concept Web 2.0 a vu le jour en 2004, lors d’une réunion de brainstorming organisé au sein de la société d’édition O’Reilly. Dale Dougherty et Craig Cline constatent alors que depuis 2001, il ne cesse d’apparaître des sites et des applications innovantes, ainsi que certains points communs aux jeunes entreprises émergentes tels que simplicité, interactivité et réutilisation de contenu. Le terme 2.0 a été adopté afin de signaler la rupture avec ce qu’on pourrait qualifier comme la première génération du Web : le Web 1.0, référence à une nouvelle version de logiciel. Les pères fondateurs caractérisent ainsi cette « « renaissance » du Web […] par un changement des règles et une modification des modèles de revenus » (Amar, 2009, p.10). Le Web 1.0, en pleine phase ascendante, est donc entré dans une nouvelle phase de changements, afin de se redéfinir pour mieux survivre. Innovations technologiques, mais également évolution du comportement des usagers vont, dès lors, devenir de manière croissante producteurs, utilisateurs et échangeurs d’informations et de contenus via le Web. Ces usagers sont, au départ, surtout des représentants de la « génération Y »10, suffisamment jeunes lors de l’apparition massive des technologies, à l’instar de l’informatique, pour être capables de les maîtriser d’une manière quasi intuitive. Interactivité, immédiateté, ubiquité, voici les maîtres-mots de cette génération d’utilisateurs du Web 2.0.

Muriel Amar nous rappelle, dans son ouvrage consacré au Web 2.0, que ce dernier, au niveau historique, fait suite à deux phases successives de l’histoire du Web :

 Le « Web des pionniers » (1993-1996). A cette époque, ce sont principalement les internautes, que l’on qualifie de technophiles – grands amateurs de technologie – qui fréquentent la toile.

10

En France, l’expression « Génération Y » désigne les personnes nées entre 1978 et 1994. Inventée en 1993 par le magasine Advertising Age, elle désigne la génération qui suit la « Génération X » (née approximativement entre 1965 et 1977) (source :

 Le « Web de documents » (1996-2004). Cette époque est caractérisée par l’apparition de contenus avant tout textuels, accessibles à partir d’interfaces, offrant peu voire pas de place pour le côté social et collaboratif. Cette période est le berceau du développement des sites d’entreprises, institutionnels ou encore universitaires, parfois simple vitrines de ces différentes organisations. Les agrégateurs de médias, les bases des données, ainsi que les premiers grands portails thématiques sont également propres à cette seconde phase. Ainsi, le Web 2.0, successeur dans les échelons, peut être perçu comme une forme de « crise d’adolescence » (Amar, 2009, p.11) afin de pouvoir, dans son cheminement intérieur et l’expérimentation de ses limites, accéder à « un véritable âge de raison » (Amar, 2009, p.11).

En 2005, Tim O’Reilly11 publie un article qui deviendra une référence en la matière et dans lequel il expose les sept principes du Web 2.0. Le concept est ainsi formalisé et officialisé :

1. Le Web est perçu comme une seule et unique plateforme de services, proposant différentes applications Web aux internautes, et plus comme un amas de sites Internet.

2. Les « logiciels produits » deviennent des « logiciels services ». De ce fait, les utilisateurs doivent dès à présent être considérés comme co-développeurs des applications qu’ils utilisent.

3. On remarque une amélioration et un enrichissement du service proposé lorsque ce dernier révèle une nette augmentation du nombre de ses utilisateurs.

4. En opposition aux données « propriétaires », l’apparition de données « libres » offrirait une richesse croissante suivant l’augmentation même du nombre d’internautes.

5. Il faut impliquer les utilisateurs dans le réseau, mettre à profit l’intelligence collective si l’on souhaite maîtriser voire dominer le marché.

11

O’REILLY Tim, 2005. What Is Web 2.0. Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software. O’reilly [en ligne]. 30 septembre 2005. [Consulté le 10

6. En se fondant sur les nouveaux standards et protocoles du Web, il est possible de mettre en place des interfaces à la fois souples et légères et des applications aussi bien rapides qu’interactives.

7. L’apparition de supports portatifs, à l’instar des smartphones, permet au Web de devenir mobile et accessible en tout lieu.

Muriel Amar attire encore notre attention sur le fait que le passage de la première génération du Web à la deuxième implique le basculement d’un archétype à un autre :

« On passe ainsi d’un modèle « one to many » (un émetteur et des millions de lecteurs) à un modèle « many to many » (tout internaute est potentiellement créateur de contenus), la richesse et le succès des applications étant en grande partie liés au nombre d’utilisateurs et à leur organisation en communautés. » (Amar, 2009, p.12)

L’expression « 2.0 » est ainsi devenue le symbole même d’une nouvelle manière de travailler, d’enseigner, de communiquer ou encore d’échanger. Fondé sur des structures simples, flexibles et évolutives et s’appuyant sur des outils à la fois ouverts et collaboratifs, le Web 2.0 a profondément modifié l’internaute et son rapport à l’information. A quand le Web 3.0 ?

2.4.2 Principales applications du Web 2.0

Les frontières du Web 2.0 ne sont pas toujours faciles à délimiter. Cependant, nous allons tenter de signaler les applications les plus représentatives de cette génération et présentes dans le monde des bibliothèques. En effet, l’introduction du Web 2.0 en bibliothéconomie a fondamentalement transformé la manière de travailler des professionnels de l’information.

 Création de contenus par les utilisateurs : cela correspond à la blogosphère et à tout ce qui s’y rapporte de près ou de loin (podcasts, vidéoblogging, micro-blogging, etc.).

 Sites de partage de données : que ce soit pour les images (Flickr, etc.), les vidéos (Youtube, etc.), les signets (Delicious, etc.) ou encore les catalogues de bibliothèques (Babelio, etc.), ces sites d’échanges et de partage de contenus multimédias sont dans la majorité des cas spécialisés.

 Outils de travail collaboratifs : à l’instar des wikis, modèle collaboratif de rédaction qui offre la possibilité aux internautes de modifier à tout moment les pages qu’ils sont en train de consulter, ces outils permettent une mutualisation des connaissances par un partage et un travail collaboratif d’édition ou de

correction de contenu. Moins populaires que les blogs ou les réseaux sociaux, ils offrent néanmoins de nombreux avantages pour les bibliothèques qui savent les exploiter à bon escient en tant qu’espace moins formel au sein de l’institution (guide d’usage de la bibliothèque, présentation des ressources, espace de dialogue pour les utilisateurs tel qu’une Foire Aux Questions, support aux animations tel qu’un atelier d’écriture, support de formation, outil de travail collaboratif en interne tel que pour la gestion de projets, etc.).

 Réseaux sociaux professionnels ou amicaux : à l’exemple de Facebook, Pinterest, Twitter ou encore Linkedin. De plus en plus de bibliothèques possèdent un profil ou une page au nom de leur institution sur les réseaux sociaux. C’est une manière d’interagir dans l’univers informationnel des usagers en leur offrant un espace de dialogue hors cadre institutionnel. L’usager peut s’exprimer et intervenir, les bibliothèques peuvent améliorer leurs services et promouvoir leurs établissements. Rappelons que Facebook, en Suisse, est le réseau social le plus utilisé, selon A Rita Report12 : 5'900'000 utilisateurs recensés en 2011, les autres plateformes restant loin derrière.  Flux ou format RSS ou Atom, agrégateurs de flux personnalisables : les flux

RSS peuvent être perçus comme un système de veille automatique. L’internaute qui s’y est abonné est systématiquement alerté en cas de nouveauté sans qu’il ait besoin de se connecter à ses sites de prédilection pour vérifier les éventuels changements. Netvibes, FreshRSS, Digg Reader, etc. sont des agrégateurs de flux qui permettent, entre autre, de regrouper et d’afficher les différents flux auxquels le lecteur est abonné.

 Recommandation au sein d’une communauté, filtrage collaboratif : la recommandation peut prendre plusieurs formes : signalement avec un tag, commentaire critique de la ressource, référencement par le biais d’autres sites, etc. En règle générale, ce sont par le biais de canaux tels que les blogs, les catalogues de bibliothèques, les systèmes de partage de signets que les recommandations se font. A noter que la pratique des fausses recommandations existe et que la veille collective, ainsi que la présence d’un tiers de confiance par sa notoriété et son autorité, peuvent diminuer ce genre de pratique.

12 A RITA REPORT, 2011. Defining Social Networking In Switzerland : Issue Fall 2011#2 [en ligne]. Lausanne : Relax In The Air. [Consulté le 28 mars 2014]. Disponible à l’adresse : http://report.relaxintheair.com

 Indexation des contenus par les internautes : composante essentielle du Web participatif, la pratique de l’indexation (ou folksonomie) est néanmoins remise en cause par le fait qu’elle ne s’appuie sur aucun référentiel concernant la classification ou la terminologie contrôlée. Cette pratique peut engendrer de l’incohérence par manque de validation. Cependant, contrairement aux systèmes d’indexation des professionnels, la pratique d’étiquetages par les internautes est perçue comme plus simple (langage courant), adaptable, ouverte, etc. Afin de préserver les qualités de l’indexation, une approche mixte a été mise sur pied, dans le but de proposer à l’internaute une taxonomie structurée, ainsi que la possibilité de créer ses propres étiquettes.

 Mashup : applications Web composites mélangeant plusieurs sources ou plusieurs contenus pour fournir au final un nouveau produit. A l’aide d’API (Application Programming Interface), interfaces de programmation autorisant la communication entre différentes applications, les données sont échangées entre elles permettant ainsi la création de nouveaux services à valeur ajoutée. Comme exemple, nous pouvons citer des applications intégrant des API de Google Maps afin d’en dégager sur une carte des médias (photos, vidéos, etc.). La plupart de ces applications Web 2.0 se retrouvent inévitablement citées en tant que fonctionnalités d’un portail en bibliothèque13. En effet, l’accent étant mis sur la relation d’échange entre bibliothécaires et usagers, ce sont les principes de la « Bibliothèque 2.0 » et ses outils participatifs qui ont été mis en avant, priorisant la communication et la circulation de l’information entre les différents publics et les professionnels.