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Partie I : Evaluation et modélisation de l’aléa tsunami au Maroc

Chapitre 3 e : Indices sédimentaires : Approche géomorphologique

3.3. Témoignages sédimentaires de tsunamis sur le littoral atlantique marocain

3.3.1. Les washovers du complexe lagunaire Oulidia –Sidi Moussa

3.1.1.2. Le washover de Sidi-Moussa

Dans le cadre du projet MAREMOTI, nous avons réalisée une autre étude en collaboration avec l’université Paris 1, dans le cadre du Master 1 de Aurélia Knapik (2009), dans la lagune de Sidi Moussa à 33 km au sud d’El Jadida et à 36 km au Nord de la lagune de Oualidia. Cette étude a montré la présence d’un second washover fan à environ 1 km au Nord de la passe principale (Figure 16), charrié vers la terre qui serait donc passé par-dessus le cordon dunaire. Il s’agit d’un dépôt composé de sables très grossiers, coquillés, sur une longueur de 150 m derrière le cordon dunaire, et 130 m de large, ce qui ce qui représente une surface totale d’environ 15 à 18 000 m², éloigné de la lagune et protégé de la mer par le cordon dunaire haut de 5 à 6 m en son point le plus bas. Ce washover aurait été mis en place par un processus marin à forte énergie, tempête ou tsunami. Cette hypothèse fut renforcée par la présence unique d’une vingtaine de blocs sur cet épandage sableux, de volumes importants, imbriqués, semblant eux aussi résulter d’un tsunami ou d’une tempête exceptionnelle. Afin de répondre à cette question, six carottes ont été effectuées, cinq quadrillant l’épandage de sable et la sixième se trouvant à l’extérieur (Figure 20).

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La carotte SM1 (longue de 115 cm) est composée, du sommet à la base, d’une unité de sables très grossiers, de 40 cm d’épaisseur, de couleur beige au sommet et plus foncée à partir de 20- 30 cm. Elle contient de nombreuses coquilles et fragments de beach-rock cassés. Cette unité repose sur une couche plus importante de vase sablonneuse, de 75 cm d’épaisseur. Sa couleur est ocre -entre 40-50 cm et 95-115 cm- et devient plus grise en profondeur -entre 50-95 cm-. Ce niveau est non coquillé (sauf les 10 premiers cm).

La carotte SM2 (70 cm) est formée de deux unités de sable. Une unité supérieure, de 30 cm d’épaisseur, identique à celle de SM1 et une unité inférieure (30- 70 cm) contenant du sable moins grossier, peu coquillée, de couleur plus brune et à texture plus argileuse. Cette dernière repose sur un socle dur, ce qui fait l’originalité de cette carotte.

Les carottes SM3 (125 cm), SM5 (103 cm) et SM6 (230 cm) présentent également une première unité de sables très grossiers, très coquillée, de couleur ocre pour SM5 et beige clair à brun pour SM3 et SM6. L’épaisseur est de 10 cm pour SM3 et SM5, et de 90 cm pour SM6. Cette unité est suivie par une autre unité de sables moyens, peu ou pas coquillée, ocre pour SM5 et brune à ocre pour SM3 et SM6. Son épaisseur varie considérablement, de 15 cm pour SM3, et dépassant les 90 cm pour SM5 et 110cm pour SM6.

La carotte SM6 présente une troisième unité de sable moyen à fin, peu coquillée, de couleur ocre et de 20 cm d’épaisseur. La carotte SM3 montre une unité de vase brune à ocre non coquillée de 70 cm d’épaisseur (de 25 à 95cm). Celle-ci repose sur une dernière unité de sables moyens à fins, non coquillée, de couleur ocre.

La carotte SM4 (180 cm), prélevée en dehors de l’épandage sableux, présente une lithostratigraphie originale par rapport aux autres carottes. A son sommet, elle possède une unité de sable fin à moyen, peu ou pas coquillé, de couleur ocre à beige, épaisse de 55 cm. Elle repose sur une unité de sable grossier, très coquillée, de couleur beige-brune et mesurant 115 cm (Figure 21).

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Figure 21. La lithostratigraphie des six carottes prélevées sur l’épandage sableux de la lagune de Sidi Moussa.

L’analyse sédimentologique de ces carottes a montré qu’elles sont constituées de deux à quatre unités de sables et de vase.

A leur base, une unité de vase non coquillée, de couleur ocre à grisâtre, correspondrait à un environnement lagunaire typique de slikkes.

Par la suite, un événement de forte énergie (tempête ou tsunami) aurait érodé le beach-rock qui était alors recouvert, comme les dunes latérales actuelles, d’une épaisse couche (2-3m) de sable fin peu ou pas coquillé. Ce dernier a alors été déposé derrière le cordon dunaire, formant ainsi un washover. Cette unité mesurant entre 10 et 110 cm d’épaisseur suivant les carottes, indique une succession d’au moins trois vagues : cela signifierait donc qu’une partie seulement de cette unité résulte du tsunami tandis que le reste de l’unité a été déposé par des tempêtes successives. Enfin à leur sommet, les cinq carottes de l’épandage ont prouvé qu’il s’agissait bien d’un dépôt typique de washover : la présence de l’unité supérieure, épaisse de 10 à 40 cm, composée de sables très grossiers et très coquillée, certainement originaire du proche plateau continental, a été plus simple à interpréter. Les analyses granulométriques ont également révélé une succession de deux ou trois vagues marquées par une surimposition de couches d’une dizaine de cm d’épaisseur marquant une alternance de lits fins et grossiers.

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Leur distribution platykurtiques et leur granoclassement normal dans une couche organisée suivant un granoclassement inverse ont laissé penser qu’il s’agissait d’un dépôt de tsunami. Mais, ce dernier, affleurant à la surface, et présentant une couche aussi épaisse, semblait alors plutôt correspondre quant à lui à un dépôt de tempête. Sa mise en place aurait été favorisée par l’érosion préalable du beach-rock après le tsunami.

L’épandage sableux de Sidi Moussa était original dans la mesure où il présentait également des blocs parsemés sur le sable. Cette présence de blocs est originale et unique à cet épandage puisque sur toute la lagune de Sidi Moussa, aucun autre dépôt de ce type n’a été observé. On comptabilise un total de vingt blocs répartis inégalement sur l’ensemble de l’épandage sableux (Figure 22): une quinzaine d’entre eux, isolés ou en amas, sont localisés entre 0 et 20 mètres à l’arrière du beach-rock tandis que les cinq autres sont isolés entre 25 et 150 m à l’arrière du cordon dunaire. La plupart présentent une forme allongée de type parallélépipède, dont l’axe principal (axe A), mesurant entre 0,65 et 3,5 mètres, est orienté parallèlement au rivage, suivant une orientation NE/SO. De plus, des formes d’imbrication O/E ont été observées sur de nombreux blocs. Leur volume est important, compris entre 0,23 et 9,0 m3, tandis que leur masse est impressionnante, atteignant les 23 tonnes pour le plus important.

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Ces blocs sont probablement issus du beach-rock affleurant. Ne pouvant résulter de l’action de la gravité du fait de la faible hauteur du cordon dunaire (5 à 6 mètres par rapport au niveau de la mer, mais 1 à 2 mètres par rapport à l’épandage sableux), seule l’action marine peut expliquer leur présence.

Se pose alors la question des processus de transports et de dépôts aptes à provoquer ce type de dépôt : considérant l’importance de la taille de ces blocs, de plusieurs mètres de long, seul un évènement à forte énergie telle qu’une tempête ou un tsunami semble en être à l’origine de leur mise en place.

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