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étude de discours dans l’Etat de Chihuahua (Mexique)

Carte 2 : Résultats de l’IPE calculé au Mexique par Rentería Flores et Pérez Arredondo (2010)

1 Partie : Diagnostics des vulnérabilités liées aux pénuries en eau : définitions et outils

1.1 Vulnérabilités et pénuries en eau : définitions et applications pour l’aide à la prise de décision

La question de départ de cette étude peut être formulée de la manière suivante : Comment associer les dimensions hydro-climatologiques et socio-économiques dans un même diagnostic qui puisse aider les prises de décisions associées à la réduction des vulnérabilités liées au manque d’eau dans l’Etat de Chihuahua, Mexique ?

Dans le cadre de cette réflexion, le concept de pénurie en eau s’avère utile puisqu’il repose sur une définition multidimensionnelle de l’accès à l’eau (Section 1.1.1). Cela en fait un objet d’étude complexe, mais l’impact des pénuries d’eau sur la société est tel qu’il mobilise entre autres l’Organisation des Nations Unies (UN d’après le sigle anglais). Réduire cet impact constitue de fait un enjeu majeur pour la société et les individus qui la composent ; à cette fin, la phase de diagnostic est centrale puisqu’elle détermine les périmètres d’action. En parallèle, le concept de vulnérabilité établit que ces périmètres d’action sont variés et dépendent de l’exposition des sociétés (en l’occurrence à la pénurie en eau) mais aussi de leurs propres fragilités et capacités (Section 1.1.2). Pour appréhender ces dynamiques notablement variées, l’étude de la vulnérabilité tend à remettre en cause les cadres disciplinaires.

Dans le cadre de l’aide à la prise de décision face aux pénuries en eau, il est intéressant de synthétiser les diagnostics de pénuries et de vulnérabilité, même si l’entreprise est vaste et compliquée. Aujourd’hui, les indices constituent une alternative méthodologique de plus en plus employée afin de réaliser des diagnostics multidimensionnels et interdisciplinaires (Section 1.1.3). La littérature scientifique qui fait référence aux opportunités de cette méthode, signale aussi certaines de ces limites dans le cas particulier des études de vulnérabilité. Les défis méthodologiques sont donc nombreux, mais intéressants et importants à aborder pour tenter de réduire les vulnérabilités associées aux pénuries en eau. Cette section définit le cadre théorique de l’étude et présente les fondements de la réflexion méthodologique appliquée ici dans l’Etat de Chihuahua (Mexique).

La pénurie correspond au manque de ce qui est nécessaire (Fenwick, 2010). L’eau étant une ressource vitale pour l’homme et pour la reproduction socio-économique des sociétés, la pénurie en eau peut donc être définie comme une situation dans laquelle les ressources en eau sont insuffisantes sur un territoire donné pour répondre aux demandes en eau des populations (Chenoweth, 2008 ; Fenwick, 2010). Dans le contexte de changement global, d’accroissement de la demande liée à la démographie et aux nouveaux modes de consommations ainsi qu’à l'altération des ressources superficielles et d’épuisement des ressources souterraines, il s’agit d’un important sujet d’actualité depuis la fin du siècle passé (Seckler, et al., 1998 ; Vörösmarty, et al. 2000).

• Ressource en eau et reproduction sociale : la pénurie en eau au cœur d’enjeux sociaux, économiques et environnementaux

Howard et Bartram (2003) rendent compte de l’importance vitale de l’eau à travers un constat simple : « Without water, life cannot be sustained beyond a few days and the lack of access to adequate water

supplies leads to the spread of disease23 ». De cette manière, ils mettent en évidence l’impact des réserves d’eau sur la santé des populations. Cet impact est double : il faut de l’eau en quantité suffisante pour subvenir aux besoins de consommation directe du corps, mais les réserves d’eau permettent aussi d’éviter les maladies. A ce sujet, Howard et Bartram (2003) dressent une liste des usages domestiques de l’eau proche de celle de Gleick (1996) : outre la consommation directe, l’eau sert pour la cuisine, pour la toilette et pour le ménage. L’étude de Howard et Bartram (2003), commanditée par l’OMS, a posé les jalons des réflexions systématiques sur les besoins d’approvisionnement en eau. Avec le temps, la terminologie adoptée pour parler de ces besoins a évolué, tout en faisant référence aux mêmes usages : les textes de l’OMS/UNICEF (2017) parlent d’eau de boisson, d’hygiène élémentaire et d’assainissement24.

23 « Sans eau, la vie ne peut durer plus de quelques jours et le manque d’accès à des réserves d’eau adéquates mène à l’explosion de maladies ».

24 « Une seule dimension de l’étude d’Howard et Bartram (2003) n’a pas été conservée comme telle dans les approches concernant les usages domestiques : l’importance socio-économique de l’eau dans les contextes de pauvreté (Section 2.4.1) ».

En parallèle, les usages économiques de l’eau constituent des piliers forts de la reproduction socio- économique des sociétés humaines. L’eau est une matière première fondamentale pour la production agricole : « A l’heure actuelle, l’agriculture est responsable de 70 pour cent des prélèvements en eau douce dans le monde, et de plus de 90 pour cent de son utilisation non renouvelable » (FAO, 2012). Dans ce cadre, l’eau joue deux rôles concomitants pour la reproduction sociale : elle supporte l’économie des secteurs d’activités primaires, et elle a une place essentielle pour la sécurité alimentaire des sociétés. En outre, comme solvant universel, l’eau sert aussi dans de multiples étapes des productions industrielles, lesquelles sustentent les modèles de développement qui s’imposent actuellement à travers le monde. Les études concernant l’eau virtuelle25 et les empreintes hydriques26 ont ainsi contribué à insister sur les volumes d’eau nécessaires dans les circuits industriels (Hoekstra, et al., 2011 ; Velázquez, 2010).

Enfin, l’eau joue un rôle fondamental dans les cycles et les dynamiques environnementales (Enrique J., et al., 2013). Or, ces cycles comportent des aspects bénéfiques pour la reproduction sociale (MEA, 2005) : l’environnement supporte ainsi les productions agricoles (par la régénération des sols et la régulation du climat par exemple), et ils approvisionnement les hommes en matières premières (comme le fuel, le bois et l’eau) en même temps qu’ils jouent un rôle culturellement parlant. Ces contributions bénéfiques de l’environnement pour les sociétés sont appelées services écosystémiques (Couvet, 2015). Le concept a été développé dans les sciences biophysiques, mais il s’agit d’une notion implicite ancienne (Muxart et al., 2003) : de longue date les services écosystémiques d’approvisionnement27 ont servi de base matérielle aux sociétés humaines. Dans le cas de la ressource en eau, Muxart et al. (2003) relèvent les services des zones humides qui régulent les débits ou épurent les eaux : alors qu’au XIXe siècle elles étaient considérées comme impropres à l’agriculture et sources de maladies, il est avéré

25 Le concept d’eau virtuelle évalue l’eau qui entre dans le processus de production des biens qu’on consomme, concept introduit par Allan en 1996 (Roch et Gendron, 2005).

26 L’emprunte hydrique, basée sur le même principe que l’emprunte carbone, est le volume total d'eau virtuelle utilisée pour produire un produit ou un service. « Ce recours à la métaphore pédagogique de l’« empreinte », créée en 1992 par Mathis Wackernagel et William Rees en tant qu’outil censé évaluer la pression exercée par un groupe sur un autre groupe ou une zone » (Sayhi, 2012).

27 Les « services environnementaux », sans attribuer une valeur mercantile aux ressources de la nature montrent que celle-ci peut également être vue comme une forme de capital d’une importance majeure (Sayhi, 2012).

aujourd’hui qu’elles jouent des fonctions essentielles en termes de filtration des eaux et d’atténuation des extrêmes hydrologiques. Quant aux services culturels autour de l’eau, ils s’appuient par exemple sur des savoirs anciens et des pratiques rituelles. D’après Wegner et Pascual (2011), les services écosystémiques sont d’ailleurs encore sous-estimés.

En somme, en plus des enjeux sanitaires, l’eau est aussi au cœur d’enjeux sociaux-économiques et environnementaux. Or, ces différents usages peuvent entrer en compétition car ils font varier la quantité et la qualité des réserves d’eau disponibles. Ces variations suscitent de fait des perturbations économiques et environnementales, lesquelles peuvent engendrer des tensions sociales, et dans les cas extrême des crises sanitaires (Del Castillo, et al., 2009 ; Falkenmark, 1989 ; Kauffer, 2006) ou des conflits géopolitiques (Descroix et Lasserre, 2007 ; Lasserre, 2007). Face à ce constat Winpenny (1997) définit la pénurie d’eau de la manière qui suit : « Le point auquel les répercussions agrégées de tous les utilisateurs a un effet préjudiciable sur l’approvisionnement en eau ou la qualité de l’eau dans le cadre des dispositions institutionnelles en vigueur, au point que la demande de tous les secteurs, dont l’environnement, ne peut être entièrement satisfaite» (in FAO, 2012). Cette définition, reprise par les organismes internationaux (FAO, 2012 ; UN-WWAP, 2009), insiste sur le fait que la pénurie en eau est un objet d’étude multidimensionnel. De fait, un axe de recherche s’est développé autour des causes et des dynamiques de pénuries qui s’avèrent être multiples et interdépendantes (Abrams, 2009).

• Facteurs de pénurie en eau et socioécosystème

Les travaux de Falkenmark (1986, 1989) sont considérés comme les fondements des études de pénurie en eau (Fenwick, 2010). Cette auteure s’intéressait à deux dynamiques concomitantes : la réduction quantitative des ressources en eau, et l’accroissement des demandes (Seckler, et al., 1998 ; Vörösmarty, et al., 2000). Mais depuis d’autres facteurs ou causes de pénurie en eau ont été mis en évidence (Buchs, 2010).

Dans un premier temps il est apparu que la pénurie d’eau « varie dans le temps du fait de la variabilité hydrologique » (FAO, 2012). Le fameux cycle de l’eau, qui caractérise cette ressource, comprend des dynamiques spatiales et temporelles qui font varier les quantités d’eau disponibles à un moment donné sur un territoire donné (Enrique J. et al., 2013). Or, sous l’effet du changement climatique et des

pratiques d’extractions anthropiques, les variations qui tournaient autour d’un point d’équilibre tendent de plus en plus à réduire les quantités d’eau disponibles : baisse des nappes phréatiques, épuisement des nappes fossiles, réduction des réservoirs constitués par les glaciers, réduction ou disparitions de grands réservoirs superficiels tels que certains grands lacs, etc. En outre, viennent s’ajouter à cela des dégradations qualitatives des masses d’eau : « au fur et à mesure que l’utilisation de l’eau s’intensifie, les fonctions de dilution et de purification des écosystèmes aquatiques atteignent leurs limites, ce qui se traduit par une accumulation des polluants » (FAO, 2012). Ces processus réduisent la disponibilité de l’eau pour les usages mentionnés précédemment, c’est pourquoi Shiklomanov (2000) mais aussi les

United Nations (2017) incluent ces dégradations parmi les facteurs de pénurie en eau. Or, il faut noter

que la quantité et la qualité des ressources en eau varient en fonction de dynamiques naturelles « mais encore plus en fonction des politiques et stratégies de planification et de gestion économiques » (FAO, 2012). Autrement-dit les sociétés humaines sont elles-mêmes des créatrices de pénurie en eau.

A ce sujet, Ohlsson et Turton (1999) ont démontré que la pauvreté, comprise dans une perspective multidimensionnelle, joue un rôle prépondérant dans la construction de la pénurie en eau. Pour mener cette réflexion, ils s’inspirent des travaux développés sur les capabilités par le prix Nobel d’économie 1998, Amartya Sen (Flipo, 2005). Celui-ci définit la pauvreté en fonction des capacités d’action des individus ou des sociétés, lesquelles « découlent de la conversion des potentialités des personnes (dotations en capitaux monétaire, physique, humain et social), via les opportunités (issues du marché, de l’action publique, de la société civile) qu’elles parviennent à saisir au cours de leur existence » (Lallau, 2008). Dans cette approche, la pauvreté correspond à des manques de capitaux qui peuvent être financiers, matériels mais aussi socio-culturels. En outre, il est notable que la pauvreté est également déterminée par des facteurs conjoncturels : tels que les lois du marché ou bien encore le contexte institutionnel. Ohlsson et Turton (1999) en retiennent que la pauvreté est fonction des capacités des individus, lesquelles sont formées par des capitaux qui leur sont propres, mais aussi par d’autres facteurs (notamment institutionnels) qui leur échappent. Or la mobilisation de ces capacités, permet de réduire la pénurie en eau d’un individu ou d’une société donnée, notamment au moyen du développement d’infrastructures qui sont pour leur part matérielles. Comme Seckler et al. (1998), les auteurs concluent alors que la pénurie en eau est, elle aussi, multidimensionnelle. Pour l’étudier, il convient dès lors d’analyser des facteurs structurels et économiques en plus d’observer les variations physiques de la ressource. Cela conduit à distinguer deux types de pénuries (Ohlsson et Turton, 1999) :

✓ la pénurie de « second ordre » qui fait référence aux infrastructures hydrauliques et aux aspects socio-économiques et institutionnels qui favorisent ou empêchent l’accès à l’eau.

Cette approche a été reprise notamment par Allan (2001) et évoquée par Sullivan et al., (2002). Néanmoins, si elle permet de discuter le concept de pénurie en eau, elle reste limitée pour appréhender les interactions existant entre ces différents types de facteurs. Or, ceux-ci ont une influence décisive sur les pénuries en eau. A titre d’exemple, les technologies hydrauliques transforment l’hydrosystème tout en étant fondamentalement liées aux stratégies – publiques ou privées – de gestion de l’eau. Ainsi, « la

intrincada relación entre medio ambiente y sociedad ha sido abordada desde múltiples perspectivas, sin embargo, las más importantes y productivas han sido aquellas provenientes de las tradiciones sistémicas28 » (Urquiza Gómez et Cadenas, 2015).

La notion de socioécosystème, trouve ici sa place, permettant d’articuler les pénuries des deux ordres. En effet, s’appuyant sur des concepts d’interactions et de rétroactions caractéristiques des approches systémiques (Donnadieu, et al., 2003 ; Durand, 1979), « la modification d'une entité du système (individu, exploitation agricole, population animale...) a des impacts sur d'autres entités, qui en retour affectent cette première entité » (Muxart et al., 2003). Les deux entités en jeux sont d’une part les sociétés, et d’autre part les écosystèmes, en l’occurrence les hydrosytèmes. L’analyse d’un socioécosystème revient donc à déterminer les diverses influences des sociétés sur les éco(hydro)systèmes et celles des éco(hydro)systèmes sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés, en d’autres termes leurs interactions (Berkes et Folke, 1998). Cette approche est particulièrement intéressant pour l’étude des pénuries en eau qui sont issues d’interactions entre des facteurs hydrologiques, mais aussi environnementales et socio-économiques (Sullivan et al., 2002). D’ailleurs, il faut aussi noter que le socioécosystème est un système dit complexe. De fait, les écosystèmes « results from the nonlinear interactions among a large number of system components

which frequently lead to emergent properties, unexpected dynamics, and characteristics of self- organization » (Jianguao et John, 2002). Et il en est de même pour les sociosystèmes. Les interactions

existant entre ces deux systèmes sont donc particulièrement diverses et leur étude requiert d’adopter des

28 « La relation complexe entre l’environnement et la société a été abordée depuis de multiples perspectives, cependant, les plus importantes et les plus productives ont été celles qui proviennent des traditions systémiques ».

approches diverses. Dans le cadre de la pénurie en eau, l’approche systémique conduit à associer en particulier des analyses concernant :

✓ l’hydrosystème qui repose sur les cycles (physique et chimique) de l’eau ;

✓ l’écosystème qui désigne présentement les équilibres et déséquilibres environnementaux (hors cycle de l’eau) ;

✓ et le sociosystème qui fait référence aux unités et aux interactions socio-économiques (qui déterminent les infrastructures matérielles, les capitaux et les capacités) mais aussi au contexte institutionnel.

Les défis méthodologiques pour analyser le socioécosystème sont nombreux puisqu’il s’agit de croiser des objets d’études et des disciplines variées (Section 1.1.2). Et encore faut-il leur ajouter des enjeux d’aide à la prise de décision (Section 1.1.3), car les diagnostics définissent des champs et des modalités d’action dans le cadre du sujet d’actualité qu’est la réduction des pénuries en eau.

• Réduire les pénuries en eau : mobilisation internationale pour la gestion de l’eau

« Le sentiment est très répandu que l’eau devient rare par l’effet de tendances qui sont dans une certaine mesure inévitables, en particulier la croissance démographique et l’augmentation de la demande en eau qui en résulte pour satisfaire la production alimentaire et les besoins domestiques, industriels et municipaux » (FAO, 2012). Cette affirmation insiste sur l’actualité des problèmes de pénurie en eau, mais elle insinue aussi qu’elle peut s’intensifier ou au contraire être contenue par des stratégies de gestion et d’usages de l’eau. D’ailleurs de nombreux auteurs insistent sur le fait qu’une grande partie des pénuries sont dus à des infrastructures et des stratégies de gestion inadaptées (Buchs, 2012 ; FAO, 2012 ; Fenwick, 2010). Face à ce constat, la communauté internationale se mobilise pour rationaliser la gestion et les usages de l’eau (UNSG, 2016).

Le sixième Sustainable Development Goal29 (SDG) concerne l’accès à l’eau propre et à l’assainissement (United Nations, 2017). Il est établi en considération du fait que pour protéger la santé des populations, l’eau doit être conduite jusqu’au foyer en répondant à des critères de quantité et de

qualité. Les fonds et les actions mobilisées dans ce cadre ont donc vocation à connecter les foyers à des réseaux d’eau satisfaisant aux exigences quantitatives et qualitatives d’hygiène et de consommation, ou à à défaut, à réduire le temps de collecte et garantir tant que possible la qualité de l’eau. En complément de cela, des fonds et des actions sont aussi destinées aux problèmes d’assainissement, qui constituent aussi un facteur sanitaire de première importance.

En ce qui concerne les usages économiques, les efforts se concentrent surtout vers le secteur agricole puisqu’il s’agit, rappelons-le, du secteur le plus consommateur d’eau. Durant le XXème siècle une partie conséquente des stratégies de gestion de l’eau en milieu agricole reposait sur le développement de l’irrigation (Blanchon, 2013 ; Lacoste, 2010). Dans ce contexte, le développement de certaines techniques d’irrigation permet de limiter les pertes d’eau occasionnées (Rijsberman, et al., 2006). Mais ces stratégies rencontrent certaines limites qui poussent aujourd’hui les organismes internationaux à insister sur « l’agriculture durable », et non pas sur l’agriculture irriguée (UNSG, 2016). Celle-ci comme son nom l’indique comprend des dimensions hydrologiques mais aussi économiques et sociales (qui sont détaillées dans la Section 2.5.1).

Enfin, en ce qui concerne les enjeux environnementaux de l’eau les stratégies d’action concernent la conservation des masses d’eau ainsi que la réduction des contaminations anthropiques de la ressource (FAO, 2012 ; United Nations, 2017). En l’occurrence, des cadres de gestion intégrée des ressources en eau sont mis en place : l’objectif étant que des stratégies de gestion soient établis à l’échelle des unités hydrographiques (bassins, bassins versants et, moins couramment, aquifères) afin d’atteindre une cohérence hydrologique supérieure à celle qui naît aux échelles institutionnelles et administratives traditionnelles (GWP, 2000). Les contaminations anthropiques sont pour leur part limitées en développant les infrastructures de traitement des eaux résiduelles, et en adoptant des accords

internationaux30 qui ont pour objectif de rationaliser les contaminations de types agricoles (United Nations, 2017).

En somme les mesures adoptées contre la pénurie en eau sont élaborées en développant des infrastructures matérielles (de conduction et de traitement de l’eau) mais aussi des transformations de

nature immatérielle (dans le cas de la gestion intégrée, de l’agriculture durable ou de la gestion des pesticides). Les stratégies immatérielles font écho à la dimension socio-économique de la pénurie et, par extension, à sa relation avec la pauvreté.

• Développement, pénuries en eau et pauvreté

La pauvreté, comprise comme un manque de capacité et de capitaux multidimensionnels, est considérée comme une cause de pénurie en eau depuis les travaux de Seckler et al. (1998) et de Ohlsson et Turton (1999). De fait, cette question est au centre de nombreuses préoccupations traitées aux niveaux internationaux. Ainsi l’élimination de la pauvreté constitue l’objectif numéro un des SDG tandis que l’objectif quatre s’intéresse au développement de l’éducation qui est considérée comme un promoteur de capital humain (UNSG, 2016). Et il faut encore ajouter à cela que l’objectif 16 porte sur la paix, la justice et la force des institutions et travaille donc sur les capacités dites institutionnelles.

Or, le développement s’inscrit de manière inégale sur le territoire : des pôles socio-économiques concentrent les infrastructures tandis que certains espaces restent plus en marge de ces dynamiques. En particulier, les villes concentrent les populations et les bâtis, ainsi qu’une grande partie des activités secondaires et tertiaires : ces territoires s’érigent (bien que non uniformément) en pôles de développement, et présentent par définition une forte de réseaux et de structures matérielles et sociales. Au contraire, le monde dit rural, se caractérise conjointement par de faibles densités de populations et/ou