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Il existe plusieurs voies de transmission par lesquelles les humains peuvent être confrontés aux bactéries résistantes provenant de l’agriculture (Error! Reference

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voie assez bien documentée. Une étude effectuée sur des cas de salmonellose sporadiques a démontré que les personnes ayant été infectées par des souches résistantes avaient une probabilité plus grande d’avoir visité ou demeuré sur une ferme avant l’épisode de salmonellose que celles infectées par une souche sensible (Gupta et al. 2003). Une étude menée par Levy et ses collaborateurs a, quant à elle, démontré que plus les poulets de l’étude étaient nourris avec une nourriture

contenant des tétracyclines, plus la proportion de coliformes intestinaux résistants aux tétracyclines augmentait chez les membres de la famille immédiate de la ferme. Cette proportion demeurait également plus haute chez ces familles comparativement aux familles contrôles du voisinage (Levy et al. 1976). En outre, les résultats d’une étude sur des travailleurs en abattoir de poulets tendent à démontrer que les

travailleurs en contact avec de la volaille ayant été exposée à des promoteurs de croissance antimicrobiens présentent des niveaux plus élevés de résistance antimicrobienne que ceux d’un groupe contrôle (Oguttu et al. 2008).

* Utilisation d’antimicrobiens, sélection de bactéries résistantes

Figure 2. Sources et voies de transmission de micro-organismes RA provenant de la flore intestinale des animaux et des humains.

(Traduit de Phillips et al., 2004 , avec permission de l’auteur)

De plus, des bactéries résistantes, comme E. coli, présents dans les intestins des animaux de consommation, peuvent se retrouver sur les carcasses durant le processus d’abattage et ainsi contaminer des produits de viande destinés à la consommation. Suite à l’ingestion de nourriture contaminée, une colonisation temporaire des intestins des humains exposés par ces bactéries RA ainsi qu’une transmission horizontale de leurs facteurs de résistance aux bactéries commensales

de l’hôte peuvent survenir (Aarestrup and Wegener 1999; Sørensen et al. 2001). Une fois présents chez les micro-organismes de la flore intestinale de l’hôte, ces facteurs de résistance peuvent par la suite être transférés à des bactéries pathogènes.

Cependant, rappelons que la destruction par une cuisson adéquate des bactéries contenues dans la nourriture est un fait bien établi. En outre, aucune information n’indique que les bactéries RA seraient plus résistantes à la destruction par la cuisson que celles sensibles (Phillips et al. 2004).

Mis à part le contact direct et la consommation de viande contaminée, la transmission des bactéries RA provenant des productions animales pourrait s’effectuer par une transmission environnementale, incluant la voie hydrique. Les micro-organismes contenus dans les matières fécales des animaux d’élevage peuvent être introduits dans les cours d’eau par ruissellement suite à l’épandage de fumier sur les terres, au dépôt direct de fèces par les animaux au pâturage ou encore suite à des fuites provenant des fosses à purin ou des amas de fumier. Ainsi, lorsque les matières fécales sont dispersées sur les terres, des micro-organismes RA ou des gènes de résistance aux antimicrobiens peuvent être transférés à l’environnement, ce qui crée la possibilité d’un transfert de résistance aux bactéries indigènes du sol et de l’eau, menant par le fait même à un réservoir de résistance. De surcroît, il a été démontré que les quatre mécanismes de transfert de gènes de résistance

(conjugaison, transduction, transformation et transposition) peuvent se produire dans les environnements aquatiques et terrestres (Jones et al. 2003; Sengelov et al. 2003).

L’épandage de lisier de porcs, par exemple, peut être une source de contamination du sol par des gènes de résistance. En effet, ce dernier contiendrait des plasmides codant pour de la résistance antimicrobienne et pourrait promouvoir la mobilisation de ces derniers au niveau des sols agricoles (Top et al. 1990). De plus, le fumier de porcs est riche en nutriments, ce qui peut accroître l’activité des bactéries (Gotz and Smalla 1997). Par conséquent, les terres fertilisées avec ce fumier représenteraient un

environnement favorable pour le transfert de résistance (Kinkle and Schmidt 1991; Sengelov et al. 2003). Cependant, ce transfert peut varier selon l’antimicrobien en cause. Par exemple, une étude menée par Sengelov et ses collaborateurs (2003) a révélé une différence de variation dans les niveaux de résistance de bactéries

provenant d’un sol fertilisé par du fumier liquide de porcs. Les auteurs ont étudié les niveaux de résistance bactérienne pour trois antimicrobiens fréquemment utilisés en productions porcines, soient les tétracyclines, les macrolides et la streptomycine (McEwen et al. 2002). Ces niveaux ont été mesurés dans un sol, avant et après fertilisation par le fumier, ainsi que dans un sol contrôle n’ayant pas été fertilisé depuis 13 ans. Suite à leurs travaux, une variation positive mineure a été notée pour les macrolides et la streptomycine, tandis qu’une variation plus importante a été constatée pour les tétracyclines. Par contre, une baisse des niveaux de résistance près des valeurs du sol contrôle a été constatée quelques mois suivant l’épandage,

suggérant un effet transitoire (Sengelov et al. 2003).

Une fois sur le sol, les micro-organismes RA ont la possibilité de contaminer les eaux de surface par ruissellement ainsi que les eaux souterraines par infiltration (Tyrrel and Quinton 2003; Majdoub et al. 2004; Thurston-Enriquez et al. 2005). Des travaux de recherche ont démontré la présence de bactéries RA ainsi que des

bactéries arborant des gènes de résistance dans des sources d’eau de surface et souterraines situées à proximité de sites de production porcine (Chee-Sanford et al. 2001; Mackie et al. 2006; Sapkota et al. 2007). Une de ces études a d’ailleurs

démontré un pourcentage plus élevé de résistance chez les bactéries prélevées en aval d’un site de production porcine utilisant des antimicrobiens comme promoteurs de croissance, comparativement aux bactéries prélevées en amont (Mackie et al. 2006; Sapkota et al. 2007). Une étude effectuée sur des puits privés d’eau potable en Ontario a de plus trouvé une association positive entre la présence d’E. coli RA et la proportion des terres utilisées pour l’épandage de fumier et la densité porcine (Nguon 2007).

Le fumier de bovins peut également être une source de bactéries résistantes. Des études ont démontré que les bovins excrétaient dans leurs fèces des micro- organismes porteurs de gènes de résistance (Galland et al. 2001; Schroeder et al. 2002a; Schroeder et al. 2002b). Ces derniers se retrouvent donc dans

l’environnement suite à l’épandage de fumier ou lorsque des animaux sont au pâturage et peuvent ainsi contaminer les cours d’eau (Peak et al. 2007; Watanabe et al. 2008).

L’application de fumier sur des terres agricoles provenant d’animaux de production ayant reçu des antimicrobiens et les contaminations environnementales associées aux sites de production sont des sources de contamination de micro-organismes RA et de gènes de résistance dans l’environnement (Schmitt et al. 2006). Les bactéries RA et les gènes de résistance peuvent donc, par la suite, se retrouver dans les réseaux hydriques et être une source de contamination pour les humains. Par contre, un manque important de données rend difficile la quantification du risque que

représente cette voie de transmission pour les populations humaines (Gilchrist et al. 2007).

Impact en santé publique

Plusieurs raisons peuvent expliquer l’inquiétude grandissante de la communauté scientifique en santé publique concernant les problématiques liées aux bactéries RA. Les effets néfastes de la résistance aux antimicrobiens peuvent être séparés en effets directs, occasionnés par des micro-organismes pathogènes pour les humains, ainsi qu’en effets indirects se traduisant par le transfert de résistance à partir d’agents non pathogènes (McEwen et al. 2002).