• Aucun résultat trouvé

PARTIE 1 - INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

IV. Le domaine N-terminal de DsbD (nDsbD)

IV.2. La voie de synthèse du cytochrome c

IV.2.1. Les cytochromes c bactériens et leurs systèmes de maturation

IV.2.1.1. Les cytochromes c bactériens

Les cytochromes c sont des protéines de 8 à 14 kDa impliquées dans le transfert d’électrons et localisées du côté périplasmique de la membrane. Dans ces cytochromes, le cofacteur hémique est lié covalemment via deux liaisons thioéthers entre les deux groupements vinyles de l’hème et les deux Cys de l’apocytochrome c au niveau d’un motif de liaison CXXCH (Figure 14). Le résidu His, présent au niveau de ce motif, sert de ligand axial au Fe2+ de l’hème.

Figure 14 : Représentation schématique d’un hème de type c et de sa fixation au sein d’un cytochrome c. L’hème est relié aux deux Cys de l’apocytochrome c via deux liaisons thioéthers impliquant les groupements vinyles de l’hème. L’atome de Fe2+ est coordiné par quatre noyaux pyroles et par His de l’apocytochrome c et appartenant à la signature CXXCH (non figuré sur le schéma).

Chez les bactéries, la fixation covalente de l’hème à l’apocytochrome a normalement lieu dans le périplasme. Jusqu’ici, trois systèmes de maturation des cytochromes c ont été mis en évidence, deux retrouvés chez les bactéries et un, spécifique des organismes eucaryotes. D’un point de vue chimique, la formation de liaisons thioéther ne se fait pas facilement, le mécanisme restant à déterminer. Des études in vitro ont permis de montrer que la fixation de l’hème de façon covalente à l’apocytochrome c était possible en présence de réducteur (DTT), ce qui implique que le pont disulfure de l’apocytochrome c doit être réduit pour l’obtention de cytochromes c matures. De nombreuses études ont également démontré que l’hème est essentiel à la structuration des cytochromes c. En effet, des études de dichroïsme circulaire ont montré qu’en absence de l’hème, le cytochrome c est complètement déstructuré par rapport à la forme ayant fixé l’hème (Fischer et al., 1972).

Les cytochromes c ne possèdent pas de repliement caractéristique. En effet, il existe une très grande variabilité au niveau des structures tridimensionnelles de ces protéines et elles peuvent également adopter plusieurs niveaux d’oligomérisation.

IV.2.1.2. Rôle des cytochromes c

Les cytochromes c sont impliqués principalement dans le transfert des électrons au sein de la chaîne respiratoire et ainsi, dans la production d’ATP. Il est à noter qu’il existe des protéines contenant un hème de type c qui n’interviennent pas au niveau de la chaîne respiratoire bactérienne mais qui vont avoir un rôle catalytique ou de détoxication. Par exemple les cytochromes c’ jouent un rôle dans la détoxication du NO. Les cytochromes c’ appartiennent à la famille des cytochromes c puisqu’ils possèdent une signature CXXCH et que l’hème est également lié via deux liaisons thioéther entre les groupements vinyles de l’hème et les groupements thiol de deux Cys. Ces cytochromes c’ présentent cependant un repliement très caractéristique composé de quatre hélices α et peuvent être retrouvés sous les formes monomérique, dimérique (le plus souvent) ou encore tétramérique (Figure 15).

Figure 15 : Cytochrome c’ de Rhodopseudomonas capsulata. La partie hémique est visible au centre des 4 hélices α. Le numéro d’accès PDB est le suivant : 1cpq

Ces cytochromes c’ sont des protéines périplasmiques retrouvées généralement chez les organismes photosynthétiques ou dénitrifiants méthylotrophes et dont le rôle est de réduire le soufre. Cependant, l’analyse des génomes de nombreux pathogènes tels que N. meningitidis, B. pertusis et Pseudomonas aeruginosa a montré l’existence de gènes codant des cytochromes c’ (Cross et al., 2000). L’hème des cytochromes c’ se lie préférentiellement à de petites molécules non chargées telles que l’oxyde nitrique (NO) ou le monoxyde de carbone (CO). Il a été décrit que l’expression de ce cytochrome c’ permettait d’augmenter la résistance de R. capsulatus à NO (Cross et al., 2000). Ces cytochromes agissent non seulement par séquestration de NO mais permettraient également de transformer NO en entités non toxiques pour la cellule telles que N2O (Cross et al., 2001).

N. meningitidis possède également un cytochrome c’ qui a été purifié et caractérisé in vitro (Huston et al., 2005). Tout comme chez R. capsulatus, ces cytochromes c’ permettraient d’augmenter la résistance des bactéries vis-à-vis de NO (Stevanin et al., 2005).

IV.2.1.3. Les différents systèmes de maturation des cytochromes c

La maturation des cytochromes c est une modification post-traductionnelle qui se produit chez toutes les bactéries et les Archeae qui possèdent des cytochromes c ainsi que dans les mitochondries et les chloroplastes des cellules eucaryotes. Cette maturation consiste en la fixation covalente de l’hème sur l’apocytochrome via deux liaisons thioéther. Trois systèmes distincts de maturation des cytochromes c ont pu être mis en évidence.

Les bactéries, les plantes, les Archeae ainsi que certains protozoaires utilisent un des systèmes de maturation de type I ou II, qui font intervenir, respectivement, neuf et quatre protéines. Chez les bactéries utilisant un des systèmes I ou II, la maturation des cytochromes c a lieu dans le périplasme. Ceci implique, d’une part, que l’hème et l’apocytochrome soient transloqués à travers la membrane plasmique, et d’autre part, que les Cys de l’apocytochrome soient sous leur forme réduite pour pouvoir fixer l’hème. En effet, le

périplasme des bactéries est un milieu oxydant, et les Cys de l’apocytochrome c sécrété vont être oxydées sous forme d’un pont disulfure, via la protéine DsbA. De ce fait, après son export vers le périplasme, l’apocytochrome va être incapable de fixer l’hème.

Les systèmes de maturation I et II des cytochromes c sont les plus répandus. Ils font tous les deux intervenir, en toute première étape, le domaine nDsbD qui doit céder ses électrons à une première protéine DsbE (équivalente à CcmG) (Figure 16). Cette dernière va permettre la réduction directe de l’apocytochrome dans le cas du système II ou via CcmH, dans le cas du système I. Il est à noter que l’espèce bactérienne E. coli adopte un système de type I contrairement à l’espèce bactérienne N. meningitidis, qui utiliserait un système de maturation de type II.

Figure 16 : Représentation des partenaires périplasmiques et cytoplasmique de nDsbD. La première étape de la voie de biosynthèse des cytochromes c est figurée (adaptée de Stirnimann et al., Cell. Mol. Life Sci, 2006)

Les eucaryotes, quant à eux, possèdent un système dit de type III qui contient une seule enzyme appelée CCHL (cytochrome c haem lyase) permettant la fixation de l’hème à l’apocytochrome.

IV.2.2. La protéine DsbE

A ce jour, plusieurs structures tridimensionnelles de DsbE ont été résolues : CcmG d’E. coli, CcmG de B. japonicum, ResA de B. subtilis, ainsi que la structure d’une DsbE particulière de la bactérie gram positive de M. tuberculosis (Ouyang et al., 2006 ; Edeling et al., 2002 ; Colbert et al., 2006 ; Goulding et al., 2004). La DsbE de M. tuberculosis présente une activité plutôt oxydante et cette différence de fonction par rapport aux autres DsbE se retrouve également au niveau de sa séquence et de sa structure.

Les DsbE sont des protéines monomériques constituées d’hélices α et de feuillets qui contiennent un domaine avec un repliement de type Trx avec deux insertions supplémentaires. La première insertion est

située à l’extrémité N-terminale de la protéine et présente une structure en épingle à cheveux contenant deux brins . La seconde insertion, également appelée insertion centrale, est localisée après le motif α et est composée d’une hélice α ainsi que d’un brin (Figure 17). CcmG/DsbE possède de plus un segment hélicoïdal en position N-terminale permettant son ancrage dans la membrane. Ces insertions sont conservées chez tous les homologues de DsbE. Une délétion de l’insertion centrale empêche la formation de cytochromes c matures, sans toutefois changer la stabilité de la protéine (Edeling et al., 2002). Cette insertion centrale pourrait donc avoir un rôle dans l’interaction entre DsbE et ses deux partenaires protéiques : l’apocytochrome c ou DsbD. Au contraire, une étude cristallographique a montré que l’insertion située en position N-terminale et contenant deux brins était essentielle pour le maintien de la structure globale de la protéine ainsi que pour le maintien de la structure du site actif (Ouyang et al., 2006). Une délétion de cette partie N-terminale empêche la formation de cytochromes c matures. Des alignements de séquences d’homologues de CcmG ont permis de mettre en évidence l’existence d’une région strictement conservée GVXGXPETF et appelée région « Fingerprint ». La structure de CcmG montre que cette région forme une boucle proche du site actif. A l’intérieur de ce motif se trouve le résidu Pro adoptant une disposition cis que l’on retrouve dans toutes les protéines Trx-like. La structure de CcmG d’E. coli révèle que la disposition « cis-Pro » dans cette région « Fingerprint » aide à stabiliser la structure du site actif grâce à des interactions de van der Waals avec le pont disulfure du site actif et grâce à la formation d’une liaison hydrogène avec une des Thr du site actif (Ouyang et al., 2006). De plus, cette isomérisation cis permettrait de positionner correctement le résidu Ala143 adjacent pour permettre une interaction avec le partenaire DsbD. Le résidu Glu145 de cette région « Fingerprint » forme un pont salin avec Arg158 (parfois remplacé par Lys dans les différentes séquences de CcmG) ainsi qu’un réseau de liaisons hydrogène avec les chaînes principales des résidus présents à l’extrémité N-terminale. Toutes ces interactions permettent de positionner correctement la liaison amide cis Ala-Pro et donc de stabiliser le site actif.

Figure 17 : Structures RX de la forme oxydée de DsbE d’E. coli et de la forme réduite de DsbE de B. subtilis.. Les deux insertions supplémentaires (par rapport au repliement Trx) sont figurées en orange et la région « fingerprint » en vert. Les atomes de soufre des cystéines du site actif sont représentés sous forme de boules jaunes. Les résidus Glu86, Pro144 et l’isomérisation cis de la liaison amide Ala143-Pro144 communs aux deux structures sont figurés. Les résidus Ala143, Glu145, Arg158 et Asp162 de DsbE d’E. coli sont aussi indiqués. La numérotation des résidus est basée sur celle d’E. coli. Les numéros d’accès PDB sont les suivants : 2b1k et 1lu4.

Le site actif des DsbE, comme celui de toutes les Trx-like, possède une signature CXXC. Néanmoins, une des particularités du site actif est qu’il est localisé dans un environnement constitué de nombreux résidus à caractère acide. Ceci est dû à la présence de deux Glu strictement conservés chez toutes les DsbE et d’un Asp qui n’est pas strictement conservé. DsbE de M. tuberculosis possède une structure tridimensionnelle quelque peu différente de celle décrite ci-dessus. Des alignements de séquence et des superpositions de structures 3D ont permis de mettre en évidence que deux régions strictement conservées chez les DsbE ne sont pas retrouvées dans DsbE de M. tuberculosis. En effet, la région N-terminale structurée en épingle à cheveux est beaucoup plus petite chez DsbE de M. tuberculosis, ce qui ne lui permet pas d’adopter une structuration similaire, la région « Fingerprint » n’étant pas conservée (Figure 17).

La structure RX d’un complexe entre nDsbD et DsbE d’E. coli a été résolue. Il en ressort que les changements structuraux majeurs s’opèrent au niveau de nDsbD. Ces aspects seront détaillés plus loin.