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4-2 Voie RAS/MAPK

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II-4-2-a. La famille RAS

La famille des oncogènes RAS comprend trois gènes bien caractérisés : HRAS, NRAF et KRAS. Les protéines issues de ces gènes ont un poids moléculaire de 21 kDa. Elles sont localisées à la face interne de la membrane cytoplasmique, ancrées dans la couche phospholipidique membranaire par leur extrémité C-terminale. Les protéines Ras font partie de la famille des GTPases et jouent un rôle important dans la transmission des signaux extracellulaires provenant des récepteurs membranaires vers le noyau, aboutissant à la régulation de la prolifération, de la survie, de la différentiation, de la migration cellulaire ainsi que de l’angiogenèse. Leur activation est déclenchée par l’intermédiaire de récepteurs membranaires dont l’EGFR. RAS joue un rôle d’ « interrupteur » au sein des voies de signalisation et oscille entre deux états : un état inactif où elle est liée au GDP (guanine diphosphate) et un état actif où elle est liée au GTP (guanine triphosphate), ce qui permet transitoirement l’interaction de RAS avec d’autres molécules intracellulaires effectrices et l’activation de différentes voies de signalisation (RAS/MAPK, PI3K/Akt entre autres) (Figure 15). L’activation de RAS survient lors du remplacement du GDP par le GTP grâce au complexe Shc/Grb2/SOS, l’inactivation est provoquée par l’hydrolyse du GTP en GDP par des protéines de régulation telles que les GAP (GTPase Activating Proteins) ainsi que par l’activité GTPase intrinsèque de RAS. Tous les effecteurs connus de RAS ont en commun une région homologue appelée RBD (RAS-binding domain) qui interagit avec la boucle effectrice de RAS. Les effecteurs de RAS peuvent être divisés en trois sous-groupes basés sur l’homologie de leur région RBD (142). Le premier sous-groupe comprend les protéines de la famille Raf-1 constituées des sérine- thréonine kinases A-Raf, B-Raf, C-Raf (143). Une fois activée, Raf va phosphoryler MEK qui va elle-même phosphoryler ERK. Le second sous-groupe est représenté par la famille PI3K (phosphatidylinositol-3-OH kinase). Ces deux voies sont détaillées plus bas. KRAS active préférentiellement la voie MAPK alors que H-RAS induit plutôt l’activation de la voie PI3K/Akt (144). Le troisième sous-groupe est un ensemble de protéines diverses dont le RBD est aussi appelé domaine RA (RAS- associating). Ce groupe inclut un membre de la famille des phospholipases C (PLC- ε), tiam1 (T-cell lymphoma invasion and metastatasis) qui va activer les GTPases Rac et Rho, Rassf1, et RalGDS qui va activer MAPK (145).

Figure 15

Voies de signalisation intracellulaies activées par Ras (d’après

Shaw et al. (145))

II-4-2-b. Rôle de RAS dans l’oncogenèse

KRAS est un des oncogènes les plus fréquemment activés dans les cancers puisqu’on estime qu’environ 20% des tumeurs humaines ont une muation activatrice de ce gène (145). Les tumeurs ayant une prévalence élevée de mutations de KRAS sont les cancers du pancréas (90%), colorectaux (40%), des voies biliaires (33%) et broncho-pulmonaires (18%). L’activation de la protéine RAS est liée à la présence d’une mutation faux-sens de KRAS qui lui confère un pouvoir oncogénique en étant responsable d’une accumulation de la forme active (146). Ces mutations touchent dans plus de 90% des cas l’acide aminé glycine des codons 12 et 13 et, plus rarement, l’acide aminé glutamine du codon 61 (Tableau 3). La présence de telles mutations au niveau tumoral est responsable d’une activation acquise de la voie RAS/MAPK en aval de l’EGFR et totalement indépendante de la fixation du ligand à ce dernier. Ce mécanisme explique la résistance des cellules tumorales coliques aux anticorps anti- EGFR (147). Les gènes NRAS et HRAS sont beaucoup moins souvent mutés.

Codon Base Mutation Substitution d’acide aminé 12 1 GGT → CGT G12R 12 1 GGT → TGT G12C 12 1 GGT → AGT G12S 12 2 GGT → GCT G12A 12 2 GGT → GTT G12V 12 2 GGT → GAT G12D 13 2 GGC → GAC G13D Tableau 3

Mutations du gène KRAS les plus fréquentes (A : alanine,

C : cystéine, D : aspartate, G : glycine, R : arginine, S : sérine, V : valine)

Une activation prolongée de RAS peut survenir dans les tumeurs en l’absence de mutation. Par exemple, NF1 est un gène suppresseur de tumeur qui code une GAP (148). La perte de NF1 entraîne une accumulation de la forme active de RAS dûe à une diminution de l’hydrolyse de GTP.

II-4-2-c. Voie MAPK/ERK

L’activation de la voie des MAPK, également appelée ERK (Extracellular signal Regulated Kinase), débute par l’activation et le recrutement à la membrane de la protéine Raf-1. Cette protéine sérine/thréonine kinase est responsable de l’activation par phosphorylation de la MAPK kinase ou MEK (MAPK/ERK kinase). À son tour, MEK va activer de manière hautement spécifique ERK par double phosphorylation, ce qui entraîne sa translocation au niveau du noyau et l’expression de nombreaux facteurs de transcription (c-FOS, c-MYC, c-JUN...) qui, à leur tour, stimulent l’expression d’un grand nombre de gènes, en particulier ceux de la cycline D1 et de cdk6 ayant un rôle majeur dans l’initiation de la phase G1 du cycle cellulaire. ERK active aussi indirectement le facteur de transcription CREB et NF-κB via l’inhibition d’IKK. Cette voie est aussi impliquée dans la régulation de l’apoptose par la phosphorylation post-transcriptionnelle de Bad, Bim, Mcm-1 et capase 9. Une activation anormale de cette voie entraîne une transformation tumorale.

Concernant les protéines de la famille Raf-1, seule B-Raf a été décrite comme mutée (149). Une mutation quasiment unique est observée au niveau de ce gène, conduisant à une substitution d’une valine en un acide glutamique au niveau du codon 600 (V600E). Cette mutation activatrice est responsable d’une augmentation de l’activité kinase de la protéine B-Raf, et il a été montré qu’elle avait des capacités oncogéniques dans des modèles cellulaires (150). Les tumeurs les plus fréquemment mutées sont les cancers de la thyroïde, les mélanomes malins (40%) et les cancers colorectaux (5-10%).

II-4-2-d. RAS et radiosensibilité

Le rôle de RAS dans la radiosensibilité a été étudié dans de nombreux travaux. Les premières études menées sur des cellules de rongeur ont montré que les cellules transfectées avec le gène RAS étaient plus radiorésistantes. Les premiers résultats observés dans des cellules humaines étaient moins concluants. Plusieurs approches ont été utilisées pour inhiber l’activité ou l’expression de RAS dont l’utilisation d’oligonucléotides antisens, d’anticorps simple chaîne dans un adénovirus et d’inhibiteurs de la farnésyltransférase, permettant d’obtenir une radiosensibilisation (151-153).

Des données comparatives provenant de différents modèles cellulaires concluent que la présence de protéines HRAS, KRAS et NRAS mutées protège les cellules de l’effet toxique des radiations ionisantes en activant la voie PI3K (13, 154- 157). Dans les cellules de cancer colique HCT116 porteuses de la mutation activatrice KRAS D13, la radiosensibilité était liée à la signalisation par la voie ERK1/2 (158). D’autres études ont aussi montré que les cellules HCT116 utilisaient la voie ERK1/2 en priorité pour se protéger des radiations ionisantes. Dans ces études, des cellules HCT116 isogéniques exprimant la protéine mutée active HRAS V12 avec une délétion de l’expression de KRAS D13 utilisaient préférentiellement la voie PI3K (159-161). Ceci suggère que les différents membres de la famille RAS, HRAS et KRAS, peuvent générer des signaux de radioprotection qualitativement différents en activant différentes voies de signalisation. L’inhibition de l’activité de PI3K par le LY294002 ou la wortmannine radiosensibilise les cellules tumorales exprimant une mutation de RAS sans affecter les cellules RAS wild type (13, 162). L’inhibition de la voie Raf/MEK/MAPK donne des résultats contradictoires.

Récemment, l’hypothèse a été faite que la radiorésistance des cellules KRAS mutées était plutôt le résultat de l’activation constitutive de la boucle de sécrétion

autocrine du TGFα et stimulation d’EGFR (106, 163).

Par conséquent, l’identification des voies de signalisation activées par RAS et induisant une réponse altérée des cellules tumorales à l’irradiation est d’un intérêt majeur, ces voies pouvant être les cibles potentielles de manipulations visant à accroître la radiosensibilité tumorale.

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