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Tableau 1-2 Etudes analysant les déplacements de l’altitude optimale ou moyenne le long d’un gradient altitudinal. Uniquement les données concernant les

arbres ou arbustes ont été sélectionnées dans ces études.

Auteurs Année Titre Localisation Nombre d’espèces

ou genres d’arbres

Vitesses moyennes, (minimales ; maximales) (m.an-1)

Causes

Crimmins et al. 2011 Changes in climatic water balance drive downhill shifts in plant species'optimum

elevations.

Californie, USA 62 -1.22 (-10.6 ; +9.5) Changements

climatiques

Feeley et al. 2011 Upslope migration of Andean trees Les Andes, Pérou 38 +2.6 (-6.2 ; +30) Changements

globaux Kelly et Goulden 2005 Rapid shifts in plant distribution with recent

climate change

Californie, USA 9 +2.6 (+0.9 ; +4.7) Changements

climatiques Lenoir et al. 2008 A significant upward shift in plant species

optimum elevation during the 20th century

France 55 +1.0 (-15.77 ; +12) Changements

globaux Lenoir et al. 2009 Differences between tree species seedling

and adult altitudinal distribution in mountain forests during the recent warm period

(1986-2006)

France 14 +3.28 (-8.2; +17.3) Changements

globaux

Vadeboncoeur et al. 2012 A comparison of presettlement and modern forest composition along an elevation

gradient in central New Hampshire

New Hampshire, USA

2 +1.02 Changements

globaux

Urli et al. Inferring shifts in tree species distribution using asymmetric distribution curves: a

case study in the Iberian mountains

Espagne 5 +3.1 (-3 ; +18.1) Changements

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Face aux changements globaux, les espèces répondent chacune de manière particulière. Cependant, il est raisonnable de penser que les espèces présentant des caractéristiques biologiques, physiologiques et biogéographiques similaires, comme leur cycle de reproduction, leurs capacités de dispersion, leur amplitude vis-à-vis de la température (espèces spécialistes vs. espèces généralistes) et leur optimum vis-à-vis de la température1 vont réagir de manière identique (Thuiller et al. 2005 ; Lenoir et al. 2008, Lenoir 2009). Ainsi, une espèce généraliste, avec un taux de reproduction rapide et des capacités de dispersion élevées aura plus de chances de coloniser un nouvel habitat (Angert et al. 2011). Dans le cadre de notre étude, nos espèces ayant des caractéristiques plus ou moins similaires (4 espèces sur 5 appartiennent au genre Quercus, toutes possèdent une aire de répartition large sur le plan latitudinal et peuvent ainsi être considérées comme des espèces généralistes et non marginales vis-à-vis de la température), nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux rôles du site d’étude ainsi que de la position des espèces au sein de leur aire de répartition latitudinale sur les déplacements effectifs de ces dernières.

Les caractéristiques du site d’étude jouent, en effet, un rôle considérable dans la réalisation du déplacement de l’espèce : sur 167 espèces représentées dans la distribution des fréquences des vitesses de migration, 18 présentent des sites d’études multiples aboutissant à des vitesses de migration différentes voire même des déplacements opposés vers les basses ou vers les hautes altitudes. C’est notamment le cas pour plusieurs des espèces communes des études de Crimmins et al. (2011) et de Kelly et Goulden (2005) avec par exemple, Abies concolor qui présente une vitesse de migration de -0.35 m.an -1 et de 3.2 m.an-1 respectivement. Même si ces deux études sont situées toutes deux en Californie, la seconde étudie une zone plus restreinte que la première. Notre travail met ce point particulièrement en évidence grâce à l’étude de deux zones montagneuses prises séparément. Ainsi Q. petraea et Q. faginea montrent des vitesses de migrations de +3.6 et +18.1 m.an-1 pour la première espèce et de +9.3 et +2.5 m.an-1 pour la deuxième entre les Pyrénées espagnoles et le Système Ibérique (Figure 1-6). La différence de vitesses observées entre les sites d’étude est fonction de multiples facteurs (Lenoir et al. 2008) : l’impact des changements climatiques (température et précipitations), les changements d’usage des terres qui modifient les habitats des espèces (Gehrig-Fasel et al. 2007), la géomorphologie du terrain (topographie, orientation,…) (Holtmeier et Broll 2007, Leonelli et

al. 2011), les interactions biotiques (Lenoir et al. 2010) ou encore la localisation de la zone

montagneuse étudiée au sein de l’aire de répartition latitudinale de l’espèce. Ces différents

1 Les arbres marginaux inféodés aux milieux froids comme les espèces situées au niveau de la limite supérieure des arbres seront vraisemblablement plus sensibles à l’augmentation de la température que des espèces dont la température optimale est plus élevée, car ils vont souffrir d’une plus grande perte d’habitats (Thuiller et al. 2005).

CHAPITRE 1.3

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Figure 1-6 Distributions altitudinales des espèces étudiées dans notre étude et différence des

probabilités de présence sur 10 ans. Les lignes correspondent aux distributions de probabilité de présence des espèces (p) le long du gradient altitudinal pour l’inventaire de 1990 (lignes pleines) et celui de 2000 (lignes en pointillé) dans les Pyrénées (panneau gauche) et dans le Système Ibérique (panneau droit) pour les cinq espèces : F. sylvatica (a), Q. petraea (b), Q. faginea (c), Q. suber (e) et

Q. ilex (f). Les aires grisées représentent la différence de distribution altitudinales de probabilités de

présence des espèces entre les deux inventaires. Les valeurs positives représentent un événement de colonisation tandis que celles négatives correspondent à des événements d’extirpation. Dans chaque figure, le chiffre en gras représente la valeur du déplacement de l’altitude optimale en 10 ans.

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facteurs interagissant entre eux de manières complexes sont difficilement dissociables et il est difficile de conclure à la prédominance de l’un plutôt que d’un autre. Les réponses des espèces d’arbres sont souvent attribuées aux changements globaux (4 sur 6 des études sélectionnées dans notre analyse bibliographique). Notons toutefois que 2 de ces 6 études, toutes deux situées en Californie (Tableau 1-2), excluent le rôle du changement d’usage des terres et autres modifications anthropiques de l’habitat des espèces et attribuent les déplacements des espèces à un changement du climat régional : une augmentation des températures (Kelly et Goulden 2008) ou une diminution du déficit hydrique (Crimmins et al. 2011). Pour ce faire, les deux études établissent une relation causale entre les déplacements des espèces et la variable climatique concernée sur la période d’étude. De plus, Kelly et Goulden (2008) réfutent d’autres facteurs comme le feu ou la pollution atmosphérique qui auraient pu être la cause de ces modifications de distributions dans leur zone d’étude.

Ce type d’argumentaire, penchant pour la dominance d’un unique facteur climatique, est impossible à formuler dans le cadre de notre étude car les montagnes méditerranéennes ont particulièrement été altérées par l’agriculture, la foresterie ou encore l’élevage (Nogués-Bravo et al. 2008). Toutefois, les modèles prédisent un réchauffement des zones montagnardes méditerranéennes compris entre 0.35 et 0.50°C d’ici 2055. Cette tendance est corroborée par notre observation d’une augmentation des températures annuelles moyennes de 0.38°C à 0.24°C par décennie dans les Pyrénées et le Système Ibérique entre 1980 et 2000. Nos résultats montrent que le climat semble être un facteur majeur contrôlant les déplacements des espèces étudiées. D’autres études attribuant les déplacements des arbres aux changements globaux suggèrent également que ces déplacements de distribution seraient majoritairement contrôlés par le climat (Lenoir et al. 2008, Lenoir et al. 2009, Feeley et al. 2011). Le changement d’usage des terres, les dépôts azotés, etc. pourraient être considérés comme des facteurs secondaires agissant au niveau spécifique et/ou à une échelle régionale (Lenoir et al. 2009) et qui peuvent être notamment à l’origine des déplacements vers les plus basses altitudes (Lenoir et al. 2010). Les interactions biotiques (facilitation, compétition, prédation) peuvent également être impliquées dans de telles réponses particulièrement au niveau des limites altitudinales inférieures (Hughes 2000, Lenoir et al. 2010).

Il est raisonnable de penser que l’impact du climat est différent selon la localisation de l’espèce au sein de son aire de répartition latitudinale, d’où l’intérêt de repositionner les phénomènes de migration altitudinale dans l’aire de répartition globale de l’espèce afin de mieux évaluer l’importance du lieu d’étude.

CHAPITRE 1.3

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REPOSITIONNER LES PHENOMENES DE MIGRATION ALTITUDINALE