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R EPOSITIONNER LES PHENOMENES DE MIGRATION ALTITUDINALE DANS L ’AIRE DE REPARTITION GLOBALE DE L’ESPECE

Les modèles bioclimatiques prédisent que, d’ici 2100, la zone méditerranéenne formera une aire favorable aux espèces méditerranéennes comme Q. ilex, Q.coccifera ou

Juniperus oxycedrus tandis que les espèces tempérées (Abies alba, Picea abies, Larix decidua, Fagus sylvatica, Q. petraea) situées en limite Sud d’aire de répartition au sein de la

Péninsule Ibérique risqueraient de présenter de fort taux d’extirpation (Ohlemüller et al. 2006, Benito Garzon et al. 2008, Ruiz-Labourdette et al. 2012). Ainsi, il est apparu intéressant dans notre étude de discuter des vitesses de migration des espèces en fonction de leur position au sein de leur aire de répartition latitudinale. Les données de la Figure 1-5 ont ainsi été réorganisées en fonction de la position des espèces au cœur de leur aire de répartition ou en limite Sud. La limite Nord ne sera pas abordée ici car elle ne concerne qu’une unique donnée extraite des 7 études sélectionnées.

138 données de vitesses de migration concernant des sites d’études situés au cœur de toute l’aire de répartition de l’espèce concernée ont été extraites des 193 données précédentes. 49% de ces données présentent des déplacements vers les plus basses altitudes (médiane=0.18 m.an -1). Au cœur de leur aire de répartition, les espèces présentent donc des réponses hétérogènes face aux changements globaux (Figure 1-7a). La majorité des espèces montrent une vitesse comprise entre -3 et +2.5 m.an-1 comme c’est le cas dans notre étude pour Q. ilex et Q. suber qui sont des espèces typiquement méditerranéennes. Ces espèces ne présentent donc pas de rapides changements altitudinaux de leur distribution. Les évènements de colonisation que notre étude a mis en évidence sont cohérents avec l’observation de la remontée altitudinale de la limite supérieure du Chêne vert à une échelle locale (cas des montagnes de Montseny dans les Pyrénées, Penuelas et Boada 2003).

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Figure 1-7 Distribution des fréquences des vitesses de migrations (basées sur les déplacements des

altitudes optimales ou moyennes) des espèces x sites d’études pour les espèces situées (a) au cœur de leur aire de répartition (143 données) et (b) en limite Sud (11 données) issues de 7 études (Kelly et

Goulden 2008, Lenoir et al. 2008, Lenoir et al. 2009, Crimmins et al. 2011, Feeley et al. 2011, Vadeboncoeur et al. 2012, Urli et al. (accepted)). Les barres foncées représentent les données issues

de notre étude.

Seules 13 données ont été recensées en limite Sud d’aire de répartition des espèces dont 6 proviennent de notre étude. Ce manque d’études en limite Sud des espèces a déjà été mis en évidence par Hampe et Petit (2005), d‘où notre choix d’étudier des espèces situées en bord de fuite d’aire de répartition : Q. faginea, Q. petraea et F. sylvatica. 53% de ces données présentent des vitesses de migrations négatives (médiane=-0.1 m.an-1). Les espèces présentant un déplacement vers les plus hautes altitudes proviennent en majorité de notre étude avec des valeurs de vitesses élevées (Figure 1-7b). Q. faginea est

0 5 10 15 20 25 30 35 40

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Vitesse de migration (m.an

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Vitesse de migration (m.an

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CHAPITRE 1.3

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caractéristique de l’aire subméditerranéenne. Or cette zone forme une transition graduelle entre la zone eurosibérienne et la zone méditerranéenne (Sanchez de Dios et al. 2009) qui est vouée à diminuer drastiquement d’ici 2080 (Sanchez de Dios et al. 2009, Ruiz-Labourdette et al. 2012). Ainsi, même si Q. faginea n’est pas situé, géographiquement parlant, en limite Sud de son aire de répartition (il est présent jusqu’en Afrique du Nord), il présente toutes les caractéristiques d’une espèce vivant en bord de fuite. Nos résultats montrent que dans les Pyrénées, cette espèce présente une vitesse de migration altitudinale parmi les plus élevée (+9.3 m.an-1). Ce déplacement dans les Pyrénées résulte d’évènements d’extirpation aux faibles altitudes (Figure 1-6) qui représentent clairement les premiers stades de rétractation de cette espèce vers les plus hautes altitudes (Maggini et al. 2011). Aucun changement de probabilité de présence, ni d’altitude optimale n’a été détecté dans le Système Ibérique mais Q. faginea est déjà absent aux faibles altitudes comparé aux Pyrénées. Même s’il est difficile de dissocier les effets du changement climatique de ceux des modifications d’usage des terres, des études de modélisation montrant le déclin de cette espèce avec l’augmentation des durées de sécheresse (Purves et al. 2007) et la diminution drastique de l’aire subméditerranéenne prédite d’ici 2080 (Sanchez de Dios et al. 2009, Ruiz-Labourdette et al. 2012) laissent à penser que l’augmentation de la température a un impact non négligeable sur la distribution altitudinale de cette espèce en bord de fuite de son aire de répartition.

Q. petraea présente des vitesses de déplacement de l’altitude optimale positives

(+3.6 m.an-1 dans le Système Ibérique) avec notamment la plus élevée des vitesses recensées en limite Sud d’aire de répartition (+18.1 m.an-1 dans le Système Ibérique) (Figure 1-7b). Bien que ces déplacements dans les Pyrénées et le Système Ibérique résultent de processus démographiques différents, évènements d’extirpation aux basses altitudes et de colonisation aux hautes altitudes respectivement (Figure 1-6), ils peuvent tous deux être interprétés comme des signes de déplacements vers les hautes altitudes, voire vers le sommet du Système Ibérique (Maggini et al. 2011). En effet, le déplacement de cette espèce se situe au niveau de la limite altitudinale supérieure des arbres au sein du Système Ibérique avec l’impossibilité de migrer plus haut en cas de future augmentation de la température. De plus, les modèles prévoient une réduction importante du bioclimat de Q. petraea d’ici 2080 (Benito Garzon et al. 2008). Ces éléments suggèrent que Q. petraea risque de souffrir de larges évènements d’extirpation en limite Sud de son aire de répartition.

F. sylvatica, au contraire, présente un déplacement de sa distribution vers les plus

basses altitudes (Figure 16 et Figure 17b) négligeable dans le Système Ibérique mais de -3.4 m.an-1 dans les Pyrénées. Ces résultats sont en contradiction avec le déplacement vers les hautes altitudes de la limite supérieure de F. sylvatica détecté sur de plus longues

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périodes dans les montagnes de Montseny dans les Pyrénées espagnoles (+1.3 m.an-1

respectivement (Penuelas et Boada 2003). Cependant, la distribution altitudinale du hêtre présentée dans notre étude, montre qu’il est déjà situé au niveau de la limite altitudinale supérieure des arbres dans les Pyrénées. Il aurait atteint cette limite suite à des déplacements altitudinaux passés (Penuelas et Boada 2003).

Notre étude montre que les espèces d’arbres situées au cœur de leur aire de répartition présentent de plus faibles déplacements que celles situées en limite Sud excepté pour F. sylvatica qui aurait déjà migré vers de plus hautes altitudes par le passé. Ainsi, les espèces au cœur de leur aire de répartition seraient encore en équilibre avec les conditions abiotiques (malgré l’augmentation de température) de leur habitat contrairement aux espèces en limite Sud qui souffriraient de l’augmentation des sécheresses et dont le risque d’extinction serait accru. Cependant, notre analyse bibliographique ne permet pas de généraliser ces patrons de déplacements au vu du faible nombre d’études en limite Sud d’aire de répartition.