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Au-delà de la vision microscopique du phénomène de transition résistive dans les isolants de Mott

CHAPITRE 1 MATERIAUX A FORTES CORRELATIONS ELECTRONIQUES, ISOLANTS DE

I.2 Transition résistive induite par impulsions électriques dans les systèmes corrélés

I.2.3 Transition résistive non volatile dans les isolants de Mott

I.2.3.4 Au-delà de la vision microscopique du phénomène de transition résistive dans les isolants de Mott

Les mesures réalisées par STM/STS ont révélé des particularités importantes de la transition résistive non-volatile dans les AM4Q8, notamment la formation de nano-domaines métalliques

lors de l’application d’un champ électrique. Cependant, ces nano-domaines sont de même nature cristallographique que la matrice isolante, et n’induisent pas de brisure de symétrie cristallographique (CSB). La coexistence de ces deux phases métalliques et isolantes de même structure cristallographique rappelle fortement la coexistence de phases isostructurales associées au franchissement de la transition isolant – métal sous pression dans les isolants de Mott (voir discussion menée en partie I.1.2.2).[116] Cela pourrait donc impliquer que les zones métalliques visibles figure I.32 (d) correspondent à des domaines compressés de GaTa4Se8, qui auraient traversés la ligne de Mott, comme indiqué figure I.32 (i).

Afin de vérifier cette hypothèse, une étude a été menée dans le but de rechercher la présence de supraconductivité dans des cristaux de GaTa4Se8 transités [91]. En effet, GaTa4Se8 subit

sous pression une transition isolant – métal et devient, dans son état compressé, supraconducteur en dessous de TC = 4-7 K (voir le diagramme de phase température –

pression montré figure I.32 (i)) [113]. L’existence de supraconductivité dans les cristaux de GaTa4Se8 ayant subit une simple transition résistive non-volatile indiquerait que les zones

conductrices correspondent bien à des zones compressées. Or, la figure I.34 montre une chute brutale de la résistance à basse température, autour de 6K, dans un cristal de GaTa4Se8 ayant

subi une transition non-volatile.

figure I.34 (a) Evolution de la résistance en fonction de la température pour un cristal de GaTa4Se8

dans son état natif non transité de haute résistance (courbe rouge) et dans son état transité conducteur après application d’une impulsion électrique induisant une transition non-volatile (courbe bleue), on constate à basse température pour l’échantillon transité une chute brutale de la résistance, pouvant correspondre à une transition supraconductrice ; (b) Mesures de résistance en fonction de la température pour différentes valeurs de champ magnétiques appliquées sur un monocristal transité de GaTa4Se8, mettant

en évidence l’existence d’une zone supraconductrice à basse température. [91]

10

2

10

3

0

50

100

GaTa

4

Se

8

T (K)

R

e

s

is

ti

v

it

y

(

cm)

200

240

280

2

4

6

GaTa

4

Se

8

T (K)

R

(O

h

m)

H

(a)

(b)

Cette chute de résistance peut être "effacée" par l’application d’un champ magnétique de 5 Tesla ; cette valeur de 5 T est très proche du champ critique Hc2 déterminée sur un échantillon

de GaTa4Se8 sous pression. De plus, la chute de résistance montrée figure I.34 n’est que

partielle et n’atteint pas la valeur nulle. Toutes ces observations indiquent bien la présence de supraconductivité dans le cristal de GaTa4Se8 transité. La conductivité est de type granulaire,

ce qui veut dire que l’on a l’existence de domaines supraconducteurs, mais que ces derniers ne sont pas percolants. Cela explique le fait que la résistance ne devienne pas nulle. La présence de supraconductivité granulaire et non percolante est cohérente avec la distribution des domaines métalliques (zones rouges) observée figure I.32 (d), qui ne sont pas connectés les uns aux autres. Pour résumer, la présence de supraconductivité granulaire est une preuve directe de la présence de domaines compressés métalliques dans le cristal de GaTa4Se8 après

transition non-volatile.

L’existence de ces domaines compressés (métalliques) a une conséquence très intéressante : en invoquant simplement l’argument selon lequel le volume du cristal de GaTa4Se8 doit-être

conservé, on comprend aisément le fait que l’apparition de domaines compressés doit se faire parallèlement à celle de domaines dilatés. Comme nous l’avons montré figure I.32 (i), le fait de dilater ces zones revient à exercer localement sur le matériau une pression négative, ce qui a pour effet d’augmenter le gap de Mott-Hubbard localement (et ainsi d’expliquer la présence de domaines super-isolants). Ce scénario permet de rationaliser les mesures STM/STS présentées figure I.32. Il permet plus particulièrement d’expliquer simplement ce qui est visible figure I.32 (d) à savoir la présence de domaines métalliques, voisins de domaines super-isolants, le tout dans une matrice isolante non transitée, organisé selon un chemin conducteur appelé filament, qui correspond au chemin le moins résistif de tout l’échantillon. Plus généralement, tous ces résultats suggèrent que le phénomène d’avalanche électronique induit l’effondrement de l’état isolant de Mott en un état métal corrélé. Cet effet a lieu à l’échelle locale et conduit à la formation d’un filament conducteur constitué de grains, formés de domaines compressés métalliques et de domaines dilatés super-isolants. Le fait qu’un effet purement électronique, l’avalanche électronique dans notre cas, induise un tel effet au niveau du réseau cristallographique, est relativement cohérent aux vues de la physique de Mott et des transitions isolant-métal qui y sont associées. Comme nous avons pu le voir précédemment, notamment en partie I.1.2.2, la force qui permet d’induire les TMI de Mott est elle aussi purement de nature électronique et la réponse du réseau cristallin (par exemple la contraction de volume associée à la transition de Mott-BC) [117] apparait uniquement comme une conséquence de cet effet électronique. La théorie du champ moyen dynamique (DMFT) prédit que cette réponse du réseau découle d’un fort changement de la fonction d’onde électronique lors de la TMI, ce qui a un effet direct sur la compressibilité du réseau. Les fortes anomalies de la vitesse du son lors de la TMI, rapportées dans la littérature dans plusieurs isolants de Mott, tels que (V1-xCrx)2O3 ou dans des isolants de Mott moléculaires, fournissent une preuve

Par conséquent, tout ce qui a été présenté précédemment pour décrire et expliquer la transition résistive volatile, ainsi que la transition non-volatile, nous permet de dire que la transition résistive induite par application d’un champ électrique apparait comme un nouveau type de transition isolant-métal hors équilibre, et comme une propriété universelle des isolants de Mott à faible gap. Finalement, la modélisation et la compréhension de l’ensemble de ce mécanisme original de transition résistive, nous a permis de proposer une stratégie afin de contrôler de façon efficace et fiable le SET et le RESET associés à la transition non-volatile. Cette maitrise, ainsi que la compression des mécanismes sous jacents associés à ces transitions, nous permet d’envisager la réalisation d’un nouveau type de mémoires ReRAM basé sur des matériaux isolants de Mott à faible gap. La dernière partie de ce chapitre sera justement dédiée à la mise en forme de démonstrateurs miniaturés à base d’isolants de Mott de la famille des AM4Q8, ainsi que la présentation des performances mémoires associées à ce

type de mémoires.