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De la transition volatile vers une transition non volatile : contrôle du SET et du RESET

CHAPITRE 1 MATERIAUX A FORTES CORRELATIONS ELECTRONIQUES, ISOLANTS DE

I.2 Transition résistive induite par impulsions électriques dans les systèmes corrélés

I.2.3 Transition résistive non volatile dans les isolants de Mott

I.2.3.2 De la transition volatile vers une transition non volatile : contrôle du SET et du RESET

L’existence de ces deux types de transitions résistives, l’une volatile après application d’une impulsion électrique légèrement au dessus de la valeur de champ seuil et l’autre non-volatile pour un champ électrique plus important, est réellement une caractéristique spécifique aux isolants de Mott à faible gap. Des études récentes ont permis de démontrer un lien entre transition volatile et transition non-volatile [110]. En effet, l’application sur un cristal de GaV4S8 d’une série de sept impulsions électriques successives, capables chacune d’induire

une transition volatile (figure I.29 (a)), conduit à une transition non-volatile (figure I.29 (b)). Cette relation entre mono-impulsion/transition volatile et multi-impulsions/transition non- volatile peut-être rationalisée sur la base du modèle de réseau de résistance présenté précédemment (partie I.2.2.2).

figure I.29 Variation de la résistance d'un cristal de GaV4S8, avant, pendant et après avoir appliqué (a)

une unique impulsion de 30µs/120V créant une transition volatile et (b) un ensemble de 7 impulsions de mêmes valeurs et de période 200µs entrainant une transition non-volatile. Comme attendu, lors de l’application des 7 impulsions, la chute de résistance pendant la première impulsion figure (b) est identique à celle observée lors de l’application d’une impulsion unique, visible figure (a). On constate que pendant et entre les 6 impulsions suivantes la résistance de l’échantillon ne revient pas à son état haut. Les résistances avant et après l’application d’une ou plusieurs impulsions électriques sont mesurées à basse tension et sont représentées par la série de 3 cercles bleus qui représentent 3 mesures successives. (c) Impact de la durée d’impulsion électrique sur la transition de RESET qui permet de revenir à l’état haut de résistance après une transition non-volatile. L’application d’impulsions de 500µs entre 10 et 20V ne modifie pas le niveau de résistance et ne permet pas le RESET. Une impulsion plus longue mais de tension plus basse 2ms/12V induit la transition de RESET. Les schémas permettent d’illustrer l’évolution du filament suite à l’application des différentes impulsions.[110]

VOLATILE

(a) (b) NON VOLATILE - SET

RESET (c)

figure I.30 (a) Evolution de la résistance renormalisée R/R0 résultant de la simulation. La tension

appliquée au système est plus élevée pour la courbe bleue que pour la courbe rouge; (b) Evolution du nombre de sites métalliques dans le réseau de résistance parallèlement à la transition visible en (a). [110]

Ce modèle décrit une compétition entre phases isolant de Mott et phases métalliques lors de transitions volatiles. Le modèle prédit que l’application d’un champ électrique dans un isolant de Mott induit la création et l’accumulation de sites métalliques. Au-delà d’un nombre critique de sites métalliques accumulés, on aboutit à la formation d’un filament percolant et à l’apparition d’une transition résistive volatile. Ce modèle prédit aussi (voir figure I.30) que le nombre de sites métalliques continue d’augmenter même après la formation du filament, aussi longtemps que le champ électrique reste appliqué (partie en rose sur la figure I.30 (b)). Cette croissance du nombre de sites métalliques, après la transition résistive, correspond à une augmentation du diamètre du filament. Dans l’expérience présentée figure I.29 (a) et (b), le diamètre du filament après application de la série de sept impulsions, est bien plus important que celui obtenu après transition résistive volatile, correspondant à une simple impulsion. Les résultats de cette simulation suggèrent fortement que la transition résistive non-volatile et la stabilisation de l’état de basse résistance sont directement liées à la croissance et à la taille du filament créé. Ce concept de taille critique à partir de laquelle le filament devient stable est en accord avec les mécanismes classiques de croissance nucléations, selon lesquels la stabilisation d’une phase devient possible uniquement au-delà d’une taille critique.

Une autre prédiction très intéressante du modèle est liée à la transition RESET. Cette phase de relaxation correspond au retour des sites métalliques métastables dans leur état stable isolant de Mott. Cette phase est régie par une loi d’activation thermique (équation (3) en partie I.2.2.2). Le modèle suggère ainsi la possibilité d’induire ce type de relaxation et le retour à l’état de haute résistance du système par l’application d’impulsions électriques créant un

(a)

chauffage par effet Joule [110]. L’exemple réalisé sur un monocristal de GaV4S8 (figure

I.29 (c)) montre que l’application d’une longue impulsion électrique, de champ électrique bien contrôlé, amène la relaxation de sites métalliques (effet thermique) plutôt que la création de sites métalliques (effet lié au champ électrique), et permet en effet d’induire ce type de transition de RESET. On peut constater que l’application de cette impulsion thermique relaxe le matériau jusqu’à une valeur de résistance très proche de celle de l’état natif du cristal, ce qui suggère une dissolution conséquente du filament. Toujours figure I.29 (c), on peut voir que l’application d’impulsions électriques de temps plus courts (temps réduit d’un facteur 4) ne permet pas d’induire une transition vers un état de plus haute résistance. Ces deux comportements suggèrent fortement un mécanisme thermique par effet Joule qui permet la dissolution du filament conducteur et la transition non-volatile de RESET.

figure I.31 Vision schématique permettant d'illustrer l'évolution du filament conducteur avant, pendant et après l'application d'impulsions électriques induisant une transition volatile, une transition non- volatile vers l'état de basse résistance (SET) ainsi qu'une transition non-volatile vers l’état de haute résistance (RESET). Les domaines noir et blanc représentent respectivement les zones métalliques et isolantes. Les électrodes supérieures et inférieures sont représentées de part et d’autre de l’échantillon par les zones bleues, les lignes en pointillés indiquent le diamètre critique permettant la stabilité du filament conducteur.[111]

Pour résumer, il a été possible de démontrer expérimentalement la pertinence du modèle de réseau 2D de résistance, qui est basé sur la compétition entre phases isolantes et phases métalliques, que ce soit pour la transition volatile mais aussi pour la transition non-volatile. Selon ce modèle, la transition résistive volatile permet la formation d’un filament conducteur. Celui-ci est cependant trop fin pour être stabilisé après l’arrêt de l’impulsion électrique. Les domaines métalliques se relaxent donc et le filament disparait : la transition est volatile. Dans le cas de la transition non-volatile, la taille du filament créé est suffisamment importante pour

passer la taille critique qui permet la stabilité du filament. La figure I.31 résume ce scénario et donne une représentation schématique de l’évolution du filament lors de la transition volatile, de la transition non volatile (SET) et de la transition non-volatile de retour (RESET). Finalement, ce travail permet d’envisager une stratégie très claire permettant de contrôler les transitions dans ces matériaux isolants de Mott : l’application d’une multi-impulsion