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PARTIE I : THEORIE, METHODOLOGIE ET INSTRUMENTATION

1.3 Variabilité naturelle et anthropique de la résistivité électrique

2.4.1 La viscosité magnétique

Pour les ferromagnétiques, lorsqu’on applique un champ magnétique variable dans le temps, une aimantation visqueuse, à la fois induite et rémanente, intervient. Les moments magnétiques vont suivre les évolutions du champ appliqué, par une modification du nombre de grains orientés ou un déplacement de parois de domaines. Ceci ne peut être réalisé qu’avec un retard qui s’exprime par la viscosité magnétique (fig. 9), partie complexe et négative de la susceptibilité magnétique (Dabas et Skinner 1993).

Pour un grain, ce retard est caractérisé par la constante de temps 9 (Néel 1949). Néel propose un modèle pour établir 9 à partir des paramètres des grains : le volume, la taille, la répartition des domaines et des caractéristiques magnétiques (champ coercitif et aimantation à saturation).

Les premières études expérimentales sur les sols ont été effectuées pour des temps longs entre 100 s et 106 s (Le Borgne 1960a). Elles vérifient la théorie de Néel pour ces gammes de temps et mettent en relation la viscosité des grains avec l’estimation de la distribution de taille des grains magnétiques. Les temps courts ont été vérifiés par des mesures en laboratoire (Dabas et al. 1992).

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Figure 9 : Variation de Kph (triangle) et Kqu (cercle) en fonction de la fréquence (Dabas et al. 1992)

2.5 Origine du signal magnétique

L’expression « signal magnétique » est utilisée pour éviter d’avoir à détailler chacune des propriétés magnétiques d’un sol et pour exprimer l’idée que ces propriétés sont porteuses d’une information, souvent intéressante sur le plan archéologique, sur les conditions de formation et d’évolution de ce sol.

Le premier élément du signal magnétique est l’augmentation de la susceptibilité. Celle-ci est associée à deux facteurs majeurs (Le Borgne 1960b) : le climat chaud et humide qui s’exprime à travers les propriétés magnétiques de l’horizon B et la fréquence des feux naturels (Kletetschka et al. 1995). Des relations ont aussi pu être mises en évidence entre la pollution en métaux lourds et la susceptibilité magnétique (Hanesh et Scholger 2002).

2.5.1 Pédogenèse

La pédogénèse recouvre l’ensemble des processus, climatiques, physiques, chimiques et biologiques, qui, à partir de la roche mère le plus souvent altérée, aboutissent à l’apparition d’un sol. Les échelles de temps qu’elle fait intervenir sont très courtes par rapport au temps « géologique » (de l’ordre de la centaine ou du millier d’années). Dans la plupart des pays du monde la pédogénèse a été et est fortement influencée par l’activité des sociétés humaines. De fait, on peut dire que les sols sont un « objet culturel ».

2.5.1.1L’altération de la roche mère

La roche mère peut être considérée comme la réserve et le porteur du potentiel magnétique. Son altération sous l’influence de facteurs climatiques comme biologiques permet la mobilisation du fer et la modification des minéraux et du complexe d’altération, sous des formes le plus souvent peu

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magnétiques (comme la goethite), à travers plusieurs processus physiques (hydrolyse, oxydation, réduction, hydratation et dissolution) (Schwertmann 1995). Ces minéraux peuvent aussi servir de précurseurs à la formation de matériaux plus magnétiques, comme la magnétite (Banerjee, 1993).

L’altération de la roche sous l’action des seuls agents climatiques (formation d’un régolithe) tend à diminuer la susceptibilité magnétique car les minéraux peu magnétiques sont plus stables que les plus magnétiques, sauf pour les roches au départ très riches en magnétite où des grains de magnétite et d’ilménite peuvent résister à l’altération sous forme de gros grains multi-domaines (Liu et al. 1999). Plus la proportion de fer sera importante dans la roche mère plus l’horizon superficiel pourra être magnétique. Une altération très avancée peut entraîner une diminution de la susceptibilité magnétique par la transformation des minéraux en argile.

2.5.1.2La formation du sol et ses relations avec le signal magnétique

La nature des oxydes et hydroxydes de fer et leur teneur dans le sol est un marqueur de la pédogenèse, ce qui implique deux relations interdépendantes : la nature et la concentration des minéraux permettent d’identifier les processus pédologiques et, à l’inverse, le type de pédogenèse répond pour une part non négligeable des variations de propriétés magnétiques des sols (Marmet 2000, Thiesson 2007). Ces variations de teneur en oxyde sont dues aux différentes phases de migration du fer, dépendantes de la température, du régime hydrique, du pH, du potentiel d’oxydoréduction et de l’activité biologique (Gobat 1998).

La porosité joue un rôle important dans le développement des sols et des phénomènes de formation du signal magnétique qui peuvent y être associées. L’argile, qui à une porosité élevée (vides contenus dans les matériaux) et une très faible porosité utile (pores de petite taille), influe directement sur le signal magnétique.

- Lorsque le milieu est saturé en eau (condition anaérobie), le fer est réduit et les oxydes de fer magnétiques sont dissous. La susceptibilité magnétique qui en résulte est faible (Le Borgne 1955, Dearing et al. 1996, Williams 1992).

- Lorsque l’aération du sol est faible et qu’elle redevient soudainement bonne, l’activité

biologique augmente et le fer précipite sous forme d’oxydes ou d’hydroxydes de fer ferriques insolubles qui sont alors immobilisés (Duchaufour 1991) entraînant l’augmentation du signal magnétique (Freke and Tate 1961).

La forte acidité des milieux argileux est défavorable à l’activité biologique. Le stress hydrique dû aux alternances de sécheresse et d’engorgement en eau contrarie le développement du système racinaire. Le mauvais drainage entraîne alors la réduction des minéraux, ce qui provoque la diminution de la susceptibilité de ces sols (gley ou pseudo-gley).

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Les podzols associés à des substrats sableux présentent des valeurs de susceptibilité magnétique moyennes, dépendantes du degré plus ou moins avancé du lessivage du sol. Les niveaux d’accumulation argileuse Bt peuvent présenter de fortes valeurs de susceptibilité magnétique. De façon générale sur ces sols, la susceptibilité augmente avec la profondeur, phénomène dû au lessivage et à la migration du fer dans les horizons les plus profonds. L’horizon éluvial E, comme le substrat sableux, présente de faibles valeurs de susceptibilité.

Les sols bruns calcaires à bruns calciques se développent sur des substrats calcaires. Les valeurs de susceptibilité peuvent, à l’inverse de celles de la roche mère, être assez élevées, avec une forte teneur potentielle en lépidocrocite dans l’horizon B (Marmet 2000).

Sur les substrats cristallins, la composition minéralogique du granite crée une très forte variabilité de la susceptibilité, corrélée avec la présence de biotite et occasionnellement de magnétite. Les sols bruns acides qui se développent sur ce type de substrat, notamment dans les conditions climatiques de moyenne montagne, sont associé à des profils de susceptibilité qui diminuent avec la profondeur (Marmet 2000).

Figure 10 : Images de uranyl-acetate-stained magnetic bacteria de l'horizon Ah d'un moor (Fassbinder 1990)

Les sols bruns lessivés se développent sur des matériaux limoneux ou lœssique, favorables à l’activité biologique. Les processus pédologiques associés à ces dépôts entraînent la formation d’un signal magnétique. L’horizon B, et l’horizon C, peuvent présenter de fortes valeurs de susceptibilité. (Marmet 2000)

Indépendamment du type de sols, il existe des différences de comportement magnétique entre les horizons :

- L’horizon A présente une forte concentration de magnétite monodomaine produit par la synthèse intracellulaire des magnetotactica bacteria (fig. 10). La chauffe et la précipitation chimique des matériaux favorisent dans les milieux aérés la formation de la magnétite superparamagnétique (Taylor et Schwertmann 1974, Maher et Taylor 1988). Ces processus en

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font un horizon particulièrement magnétique, qui met en évidence l’étroite relation entre magnétite et susceptibilité magnétique.

- L’horizon lessivé, E, est un indice de la maturité d’un sol. Si celui-ci présentent un lessivage très important, il peut perdre tout ou partie du signal magnétique.

- L’horizon illuvial B correspond à un niveau d’accumulation d’argile et d’oxyde de fer. Il est associé à la présence de goethite et de lépidocrocite. Son comportement magnétique peut être très variable. Ses fortes valeurs de susceptibilité sont le produit de l’accumulation des éléments fins magnétiques des horizons superficiels. L’augmentation de la densité entraîne alors celle de la susceptibilité volumique.

Lorsque la profondeur augmente, la susceptibilité diminue, les grains de magnétite et de maghémite devenant ultrafins (Marmet et al. 1999, Fine et al. 1989). Le manque d’oxygène en profondeur crée un milieu réducteur qui favorise plutôt la formation de la greigite, ce qui augmente aussi, mais de moindre façon, la susceptibilité magnétique.

2.5.2 La chauffe des matériaux

La chauffe des matériaux est la première cause identifiée de l’augmentation de la susceptibilité magnétique (Mullins 1977, Le Borgne 1955, Dearing et al. 1996, Rumery et al. 1979). Elle se fait par réduction de l’hématite en magnétite, puis de son oxydation en maghémite, ou, par déshydratation de la lépidocrocite en maghémite. Ces transformations sont souvent associées à la présence de l’homme. Les conditions de chauffe peuvent entraîner des différences notables dans la formation des grains magnétiques et des propriétés magnétiques associées.

2.5.2.1Facteurs physiques de la chauffe

La chauffe est régie par de nombreux paramètres : la température, la durée, les répétitions, les conditions redox du milieu lors de la chauffe et du refroidissement. Ces différents paramètres influent directement sur le signal magnétique mais aussi sur l’aspect des structures et la rubéfaction des sédiments (Marmet 2000).

La propagation de la chaleur se fait par conduction. Celle-ci est dépendante des propriétés thermiques du matériau : compacité, texture, nature minéralogique, humidité des sédiments. Les sols sableux sont, par exemple, plus conducteurs que les sols argileux (Tabbagh 1976). De manière générale, le sol qui présente une bonne résistance thermique et une faible diffusivité empêche les modifications des propriétés magnétiques en profondeur.

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Figure 11 : Courbe thermomagnétique montrant vers 260°C une forte augmentation de la susceptibilité liée à la transformation de la lépidocrocite en magnétite (Marmet 2000)

La température et la durée de la chauffe sont déterminantes pour l’augmentation de la susceptibilité magnétique en profondeur. Ces phénomènes peuvent être amplifiés par la répétition des chauffes (cas des foyers domestiques). Il s’en suit que les fours de potiers ou de tuiliers peuvent modifier les propriétés minéralogiques du sol sur une profondeur qui peut dépasser les 30 cm (Marmet 2000).

Par contre, la chauffe associée aux techniques de mise en valeur agricole et les foyers à usage unique ont un effet limité sur l’augmentation de la susceptibilité magnétique en profondeur et il faudra un brassage du sol pour qu’une augmentation se manifeste en profondeur.

La température est donc la plus évidente cause des variations de susceptibilité magnétique bien que les modifications minéralogiques qu’elle génère et les conséquences sur le signal magnétique soient complexes (fig. 11). C’est entre 400 et 500°C qu’ont lieu les principales transformations. Elles sont étroitement reliées aux conditions redox : celle de l’hématite en magnétite se fait en milieu réducteur alors que celle de la magnétite en maghémite et hématite se fait en milieu oxydant. Ces variations sont associées à la consommation d’oxygène et la production d’oxydes de carbone suite à la combustion et au dégazage de la matière organique du combustible présent dans le sédiment (Marmet 2000).

2.5.2.2Influence de la nature du matériel sédimentaire

La nature du matériel sédimentaire joue un rôle essentiel dans la formation des grains magnétiques. Les proportions relatives d’oxydes et d’hydroxydes de fer qui sont nécessaires à la formation des oxydes magnétiques dépendent d’abord des minéraux présents dans l’horizon superficiel (hématite, goethite et lépidocrocite) et déterminent la valeur finale de la susceptibilité. Leur transformation totale en oxydes magnétiques, qui est rarement atteinte, se fait à 500° en condition

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réductrice. Le refroidissement qui a souvent lieu en milieu oxydant entraîne une perte de la susceptibilité.

La quantité de matière organique dans le matériel sédimentaire a également un effet déterminant sur le signal magnétique car c’est la principale cause des conditions réductrices. Elle amplifie les effets de la combustion du foyer.

Pour conclure, la température est le paramètre essentiel pour débuter une réaction : à 260 ° la lépidocrocite se déshydrate pour former la maghémite, à 400° l’hématite/goethite est réduite en magnétite, à 300° la magnétite s’oxyde en maghémite puis la maghémite se réduit en magnétite. Les conditions redox permettent ou non la réduction de l’hématite et l’oxydation des oxydes de fer magnétiques. Au-delà de 400°C, la susceptibilité augmente en condition réductrice, et diminue en condition oxydante.

2.6 Evolution du signal magnétique des sols

Il est souvent difficile de dissocier les effets anthropiques des effets naturels. Néanmoins il est clair que l’établissement de l’homme a un fort impact sur les propriétés magnétiques d’un site (Marmet 2000).