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L’introduction de ce mémoire a exposé quelles sont les différentes techniques de caractérisation disponibles sur le marché. Compte tenu de ce qui a été dit dans cette partie, nous voulions un moyen d’essai capable :

– de produire des courbes maîtresses sans exploiter l’équivalence temps-fréquence car nous n’étions pas sûr a priori que tous les matériaux qui nous intéressent respectent ce principe,

– de produire ces courbes dans la bande [500-5000]Hz en disposant d’un nombre de points significatifs par octave.

Les moyens indirects ont été rapidement écartés parce qu’ils nécessitent des adaptations pour pouvoir produire suffisamment de points par octave : modification de conditions aux limites ou changement de géométrie. Par ailleurs, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance de la géométrie de l’échantillon pour pouvoir inverser le problème et identifier le facteur de pertes du matériau testé. Or les tôles multicouches que nous avons testées sont constituées de plusieurs couches métalliques sur et entre lesquelles ont été déposées des couches amortissantes. Enfin, la pré-charge et l’effet Payne, c’est à dire les comportements en grandes déformations, sont difficilement caractérisables avec ce type de moyens d’essai. Le moyen d’essai que nous avons décidé de concevoir exploitera donc une technique de viscoanalyse. Les viscoanalyseurs classiques utilisent l’équivalence temps-température pour produire un résultat sur une large bande de fréquence, voir par exemple machines Metravib Série DMA+ 100, 150, 450. Nous avons décidé de travailler sur une technologie n’ayant pas besoin de cet artifice pour atteindre les fréquences souhaitées. Le premier viscoanalyseur haute fréquence réalisé au LISMMA était dédié à la mesure de rigidité de cisaillement sous pré-charge dans la direction orthogonale au cisaillement, voir figure 3.1.

Afin d’éviter la mise en oeuvre d’un modèle destiné à déterminer l’état de contraintes réel vu par les éléments viscoélastiques, nous avons conçu un montage permettant de produire un état de contrainte de compression statique quasi uniforme des échantillons et un état de contrainte de cisaillement dynamique, lui aussi uniforme par rapport aux dimensions des éprouvettes, voir figure 3.2. Les trois plans de symétrie du montage permettent d’obtenir des états de contraintes de cisaillement très purs. Pour la compression, outre le plan de symétrie vertical, la forme de la mâchoire a été optimisée pour que que les forces exercées par la vis de pré-charge (verticale au centre sur la photo 3.1) soient reprises par toutes les surfaces des échantillons.

Figure 3.1 – Gauche : schéma de principe d’un viscoanalyseur pour le cisaillement avec dispositif de mise en charge. Droite : photo du dispositif dans sa version définitive.

Le lecteur peut trouver beaucoup plus de détails sur cette optimisation dans le manuscrit de thèse de Franck Renaud1

Figure 3.2 – Gauche : état de contraintes de compression statique dans les éprouvettes. Droite : état de contraintes de cisaillement dynamique dans les éprouvettes.

Pour exercer les forces de cisaillement dynamique, ce sont des actionneurs piézoélectriques (fréquemment appelés stack à cause de leur construction sous forme d’empilement de couches de céramiques) qui ont été intégrés au montage. Leur relativement faible masse et leur grande rigidité leur permet d’exercer des forces importantes (>500 N) dans la totalité de la bande de fréquence visée. Le point faible de ces actionneurs est en revanche leur faible course (quelques µm). Cette course a même tendance à chuter avec la fréquence de l’excitation à cause de la limitation de puissance des amplificateurs. En effet, pour un composant capacitif, la puissance consommée peut s’écrire :

P = 2πf CVP2 (3.1)

Dans cette équation, C est la capacité de l’actionneur, f est la fréquence et Vp la tension d’alimentation. En tenant compte de cette limite, de la rigidité des échantillons et de la loi de comportement du stack, on peut déterminer la course maximum que va fournir le stack. Ainsi pour un échantillon rigide (G = 40M pa), le stack P 84210 aura une course de 4µm à 800Hz et de 1.8µm à 5000Hz. Cette limitation n’est pas trop gênante dans la mesure où les sollicitations vibratoires réelles chutent également avec la fréquence (pour plus de détails, voir [? ]). Afin de pouvoir successivement "tirer" et "pousser" le porte-éprouvettes, ce sont des stacks pré-chargés qui ont été utilisés. Sur la photo 3.1, les stacks sont des PI P 84210.

Un des points difficiles lors de la conception de ce type de moyen d’essai est de parvenir à éliminer un maximum de modes de vibrations de la bande de fréquence d’intérêt. Le premier axe pour éviter les modes parasites a été de concevoir une structure entièrement suspendue, donc isolée du monde extérieur, voir

photo 3.1, les élastiques sont jaunes. Ce montage présente le double avantage d’être ni pollué par des modes vibratoires liés à la fixation du viscoanalyseur sur son support, ni pollué par des sources d’excitation liées à l’environnement vibratoire du laboratoire. Le montage suspendu est à notre connaissance particulièrement original dans le domaine de la viscoanalyse. Pour que ce type de montage soit possible, là encore la symétrie est nécessaire puisque c’est elle qui garantit la reprise d’effort, sans qu’il n’ y ait de risque de séparation de certains composants. Dans le cas de ce viscoanalyseur, les efforts appliqués par les stacks sont repris successivement par les portes-éprouvettes, puis par les éprouvettes et enfin par les mâchoires. Il faut d’autre part éviter la présence de modes internes à la structure durant l’essai. Un soin particulier a été porté à la géométrie de chacune des pièces pour éviter la présence de modes internes excitables par l’actionnement des patchs. Pour éviter la présence des modes, c’est la compacité du montage qui reste le meilleur atout. Dans sa version définitive, le montage tient dans une main. Après optimisation de la géométrie, le premier mode du montage est finalement lié à la rigidité de cisaillement des échantillons. Afin de pouvoir élargir la bande de fréquence utile, il est donc nécessaire d’utiliser des échantillons les plus fins possible. Toutefois, il n’est parfois pas possible d’atteindre les5000Hz visés.

Figure 3.3 – Courbes maitresses exprimées en module et phase de la rigidité linéïque d’un échantillon de matériau viscoélastique

Le banc est instrumenté avec des capteurs de forces montés en bout d’actionneur et des accéléromètres, voir figure 3.1, qui sont les capteurs cinématiques ayant la meilleure précision à ces fréquences. Les accéléromètres sont au nombre de six pour mesurer les mouvements absolus de chaque porte-éprouvettes, mais également la déformation des mâchoires. Deux procédures de post-traitement ont été mises en équation tenir compte des déformations des mâchoires et pour retrancher les forces consacrées à vaincre l’inertie des portes-éprouvettes. Nous ne détaillons pas ces procédures mais le lecteur doit savoir qu’elles sont indispensables et que les mesures brutes ne permettent pas de déterminer les comportements à hautes fréquences. Plus de détails dans [? ] en annexe de ce mémoire.

Pour illustrer les capacités de ce montage, un résultat est présenté dans la figure 3.3. Ce résultat permet d’apprécier la largeur de bande de la caractérisation. Un mode de structure à faible participation est visible mais il ne pollue pas outre mesure l’essai. Notons également que les essais se font par balayage en fréquence

sur une bande d’octave. La courbe présente plusieurs essais mis bout à bout, d’où les légers sauts visibles sur la courbe.

Figure 3.4 – Courbes maitresses exprimées en module et phase de la rigidité linéïque d’un échantillon de matériau viscoélastique. Faisceau de courbes montrant l’effet de la précharge exercée dans l’axe orthogonal au cisaillement par la vis de serrage.

L’autre aspect des capacités du viscoanalyseur est de pouvoir caractériser un matériau en cisaillement en fonction de la pré charge qui lui est appliquée. Sur la figure 3.4, la pré charge [200N 5000N] exercée par la vis et contrôlée durant tout l’essai accentue la rigidification du matériau et la valeur de la phase. Le concept illustré ici a été étendu récemment pour effectuer des tests à plus haute fréquence et pour d’autres modes de sollicitation. Un nouveau banc d’essai a été développé autour d’un actionneur produit par la société CEDRAT Technologies. Ce nouveau banc a fait l’objet d’un brevet [? ] et les premiers essais laissent penser que la barre des 10kHz pourra être franchie lors de test sur des échantillons rigides. En dehors de ce brevet, aucune communication n’a encore été publiée, c’est pourquoi le lecteur devra faire preuve d’un peu de patience pour en savoir plus !