• Aucun résultat trouvé

2.3 Les diagnostics

2.3.1 VISAR

Le VISAR (Velocity Interferometer System for Any Reflector) est un diagnostic interfé- rométrique qui permet de mesurer par effet Doppler la vitesse d’une surface réfléchissante en mouvement [9] [10]. Ce diagnostic optique est largement utilisé dans les expériences de choc du fait de sa grande précision sur la mesure de la vitesse de la surface réfléchissante. Nous allons montrer ici son principe de fonctionnement ainsi que l’utilisation pratique que nous en avons fait lors de notre expérience.

2.3.1.1 Interféromètre de Mach Zehnder

Le schéma de principe d’un interféromètre de Mach Zehnder est présenté sur la figure 2.14. Le faisceau incident est séparé en deux bras par la lame d’entrée. Chaque faisceau secondaire

FIGURE 2.14: Schéma de l’interféromètre de Mach Zehnder.

va se réfléchir sur un miroir et les deux faisceaux se recombinent ensuite sur la lame de sortie qui est légèrement inclinée d’un angle α par rapport aux miroirs et à la lame d’entrée. Les chemins optiques parcourus par chaque faisceau sont identiques sur la lame de sortie.

Lorsque le faisceau 1 arrive sur la lame de sortie, il repart ensuite avec un angle α vers une lentille qui permet de recombiner les deux faisceaux. Des franges horizontales d’interfrange i = sinβλ vont alors se former sur l’écran situé à une distance d de la lentille. β correspond à l’angle avec lequel les faisceaux se recombinent sur l’écran. Dans l’approximation de l’optique géométrique, on peut écrire : i ∼ λd.

2.3.1.2 Ajout de l’étalon

Un étalon est maintenant placé devant un des miroirs et va provoquer une réfraction et un retard du faisceau sonde.

FIGURE 2.15: Schéma de l’interféromètre de Mach Zehnder avec étalon.

FIGURE 2.16: Chemin des rayons dans l’étalon. A son passage dans l’étalon, le faisceau sonde

subit une réfraction.

L’étalon est placé devant le miroir 1, comme indiqué sur la figure 2.15. Il provoque une ré- flexion hors axe qui crée une image apparente du miroir plus proche de l’observateur. Ce mi- roir va devoir être reculé d’une distance d1 pour que les rayons qui proviennent du miroir 1 se

recombinent avec les rayons issus du miroir 2 toujours au même endroit au niveau de la lame de sortie, que l’étalon soit présent ou pas.

En l’absence d’étalon, le rayon 2 parcourt une distance 2D dans l’air. Cette distance devient égale à 2nD0en présence de l’étalon, comme indiqué sur la figure 2.16. Dans l’approximation des petits angles, le retard introduit est alors égal à :

τ = 2nD

0 − 2D

c '

2ne − 2d2

c . (2.2)

Cette approximation nous permet aussi d’écrire : d2 ' e/n. Le retard τ s’exprime alors :

τ ' 2e

Par ailleurs, l’indice de l’étalon change légèrement en fonction de la longueur d’onde. Pour des vitesses de l’ordre du km/s, ce qui est notre cas, le changement de longueur d’onde est relativement petit et on peut considérer que l’indice de réfraction varie linéairement avec la longueur d’onde : n(λ) = n0 +  dn dλ  λ0 (λ(t) − λ0). (2.4) 2.3.1.3 Surface immobile

Si la surface réfléchissante est immobile, le bras 1 va interagir avec le bras 2 retardé de τ . Les champs électriques associés à chaque bras s’écrivent :

E1 = E0 exp[i(ω0t − kx)] (2.5)

E2 = E0 exp[i(ω0(t − τ ) + kxx − ky)] (2.6)

Sur la séparatrice, l’intensité lumineuse s’écrit alors :

I(y) = 2E02[1 + cos(ω0τ + ky sin α)] . (2.7)

Les franges observées après le passage du faisceau dans le VISAR sont alors verticales, fixes dans le temps et séparées en y par i = λ/ sin β.

2.3.1.4 Surface en mouvement

Maintenant, si la surface est en mouvement, les franges vont évoluer dans le temps. La modification de la longueur d’onde du faisceau sonde par effet Doppler introduit une variation temporelle du déphasage via le retard introduit par l’étalon.

Le changement de longueur d’onde du faisceau sonde par effet Doppler s’écrit : λ(t) = λ0

1 + v(t)/c

1 − v(t)/c (2.8) avec v(t) la vitesse de la surface réfléchissante, c la vitesse de la lumière et λ0 la longueur

d’onde du faisceau incident. Comme v(t)  c, on peut écrire : ∆λ ' −2λ0

v(t)

c . (2.9)

On réécrit alors l’expression du retard introduit par l’étalon en prenant en compte l’équation 2.4 : τ ' 2e c " n0 +  dn dλ  λ0  −2λ0 v(t) c  − 1 n0 # (2.10) τ ' τ0 + 2τ0 v(t) c δ (2.11)

λ0

et :

τ0 =

2e

c (n0− 1/n0). (2.13) Dans le cas le plus simple, on suppose que la vitesse est constante à partir du temps t = 0. On écrit v(t) = Γ(t)V0, où Γ(t) est l’échelon de Heavyside. La pulsation du rayonnement qui

entre dans l’interféromètre est donnée par :

ω(t) =  ω0 si t < 0 ω0/(1 − 2V0/c) si t > 0.

Lorsque t < 0, les champs électriques s’écrivent comme précédement : le profil d’intensité est déphasé uniquement par la présence de l’étalon. Lorsque 0 < t < τ , l’onde 1 voit sa fréquence modifiée par effet Doppler. La fréquence de l’onde 2 en revanche, en retard de τ par rapport à l’onde 1, n’est pas modifiée car le faisceau sonde se réfléchit sur la surface immobile. Les champs électriques associés s’écrivent :

E1 = E0 exp[i (ω(t)t − kx)] (2.14)

E2 = E0 exp[i (ω(t)(t − τ ) + kxx − kyy) (2.15)

L’intensité en sortie est alors égale à : I = 2E02  1 + cos  2V0 c − 2V0 ω0t + ω0τ + ky sin α  . (2.16) Si t > τ , les deux bras de l’interféromètre ont eu leur fréquence modifiée par effet Doppler. Cette fois, les champs électriques associés s’écrivent :

E1 = E0 exp[i ( ω0 1 − 2V0/c t − kx)] (2.17) E2 = E0 exp[i ( ω0 1 − 2V0/c (t − τ ) + kxx − kyy)] (2.18)

L’intensité en sortie s’écrit alors : I(y) = 2E02  1 + cos( ω0τ 1 − 2V0/c ) + ky sin α  . (2.19) Dans notre cas, V0/c est petit, on peut alors écrire :

ω0τ

1 − 2V0/c

On appelle φv la composante de la phase liée à la vitesse : φv = 2ω0τ V0 c = 4πτ V0 λ0 (2.21) Le décalage des franges, F, vaut 1 lorsque φv = 2π. On a alors l’expression :

F = φv 2π =

2τ V0

λ0

. (2.22)

Cette expression permet de relier le décalage des franges observé et la vitesse de la surface. On peut également introduire δ dans l’expression de F :

F (t) = 2τ (1 + δ)v(t) λ0

. (2.23)

Cette dernière équation est appelée l’équation du VISAR. La constante de proportionnalité entre le décalage des franges et la vitesse est appelée la sensibilité du VISAR. Elle s’exprime en km.s−1.frange−1.

2.3.1.5 Indice de réfraction du milieu

FIGURE 2.17: La surface réfléchissante est celle du front de choc qui se propage dans la face

arrière de la cible.

Dans notre expérience, les intensités laser sur cible sont suffisamment fortes pour que la couche en face arrière (CH ou diamant) se métallise au passage du choc. Le diagnostic VISAR nous donne donc une mesure de la vitesse du choc dans cette dernière couche. Le faisceau sonde se réfléchit alors à l’interface entre le CH (resp. diamant) métallisé et le CH (resp. diamant) froid. Dans ce cas, les deux chemins optiques sont :

S1 = 2(L + nL0) (2.24) et S2 = 2[L + n(L0− v(t))]. (2.25) On a alors : F (t) = 2 nτ (1 + δ)v(t) λ0 (2.26)

Sensibilité (km.s−1.frange−1) 12.448 32.782 Sensibilité corrigée par le CH

(km.s−1.frange−1)

7.83 20.62 Sensibilité corrigée par le diamant

(km.s−1.frange−1)

5.19 13.66 TABLE2.1: Caractéristiques des deux VISAR avec leurs sensibilités.

où n est l’indice de réfraction en conditions standards du CH ou du diamant. 2.3.1.6 Utilisation pratique

FIGURE2.18: Schéma du VISAR.

Dans notre expérience, nous avons utilisé deux VISAR avec des étalons d’épaisseur et de sensibilité différente, voir figure 2.2 et tableau 2.1.

Pour pouvoir déduire une mesure de vitesse à partir du décalage des franges, il est néces- saire d’utiliser deux VISAR. En effet, comme seule la partie fractionnaire du décalage de frange est observable, chaque interféromètre donne en fait une série de valeurs possibles correspon- dant à des nombres entiers de franges différents. Le croisement des valeurs possibles pour les deux interféromètres de sensibilités différentes permet toutefois de lever l’ambiguïté.

Comme indiqué sur la figure 2.2, le faisceau sonde utilisé pour les VISAR est un laser pulsé à cristal Nd :YAG, de longueur d’onde 532 nm. Pendant les tirs laser, un filtre interférentiel vert à bande étroite (2 nm) est placé devant chaque caméra streak, de façon à couper le laser principal et à enregistrer uniquement le signal provenant du laser sonde réfléchi sur la cible.

une surface. Lorsqu’on utilise des matériaux comme le diamant ou le plastique qui sont trans- parents dans les conditions standards, et pour pouvoir mesurer la vitesse du choc, le choc doit être réfléchissant. Pour cela il faut donc s’assurer que ces surfaces vont devenir réfléchissantes dans les conditions où elles vont être portées. Les propriétés du diamant sont maintenant bien connues dans un large domaine de son espace des phases et notamment sa pression de métal- lisation est d’environ 8 Mbar [20]. La pression de métallisation du plastique est aussi connue, environ 1 Mbar, d’après [65]. Des simulations hydrodynamiques préliminaires ont permis de s’assurer que de telles pressions seront bien atteintes lors de la compression de la face arrière de la cible lors de l’expérience.

2.3.1.7 Données expérimentales

Lorsque la surface de la cible est immobile et froide, on a un système de franges donné. Lorsque le choc arrive, deux phénomènes ont lieu. D’une part les franges d’interférence se décalent du fait de la mise en mouvement de la surface réfléchissante sous l’effet de la propa- gation du choc. D’autre part, on observe un changement de l’intensité de la réflectivité à cause du changement de nature de la surface réfléchissante : on passe de l’aluminium réfléchissant avant le passage du choc au diamant lorsqu’il a été comprimé.

Concrètrement, le VISAR, assorti d’une caméra streak, permet d’obtenir une image résolue en temps et en espace des franges d’interférence. La figure 2.19 (a) est une image VISAR typique obtenue avec une cible CH/Al/CH, où le temps s’écoule de haut en bas. On distingue bien différentes zones sur l’image : sur le haut de l’image les franges immobiles et verticales apparaissent nettement. Cet intervalle de temps correspond à la réflexion du faisceau sonde sur l’aluminium avant que le choc ne se soit propagé dans la face arrière. Ensuite on observe un décalage des franges, accompagné d’une augmentation de l’intensité de la réflectivité. Cette zone correspond au passage de l’onde de choc dans la couche de CH de la face arrière. La surface réfléchissante est à présent le plastique sous choc qui s’est métallisé. Cette surface en mouvement provoque alors le décalage des franges d’interférence. Enfin, sur le bas de l’image, l’intensité de la réflectivité chute et les franges ne sont plus distinguables. Le choc a traversé l’épaisseur de la face arrière et débouche en créant un plasma en expansion dans le vide. La face arrière en détente n’est alors plus réfléchissante car elle a changé d’état : d’une surface métallique elle s’est transformée en un plasma absorbant [13].

Les images VISAR nous donnent deux types d’informations :

– une mesure de la réflectivité de la surface réfléchissante, ce qui n’est pas le propos de notre étude.

– une mesure de la vitesse de l’onde de choc au cours du temps et aussi une vitesse moyenne, lors de la propagation dans la dernière couche de la cible (CH ou diamant). Pour retrouver la vitesse du front de choc, on peut utiliser comme nous l’avons vu précé- demment le décalage des franges d’interférence. En connaissant la sensibilité du VISAR, la vitesse peut être déterminée.

VISAR par le décalage de franges et/ou par la mesure du ∆t pendant lequel les franges se décalent. En raison d’un problème de franges parasites sur la face arrière de la cible avec du diamant, tous les tirs n’étaient pas de suffisamment bonne qualité pour déduire un décalage de frange. Pour ces tirs, nous avons donc déduit la vitesse à partir de la mesure de ∆t. Nous allons ici détailler cette procédure.

Pour chaque tir, une fenêtre temporelle est choisie pour la caméra streak. La correspon- dance pixel - temps peut être alors établie. Puis on mesure, en pixel d’abord en seconde en- suite après conversion, l’intervalle de temps ∆t pendant lequel les franges se décalent. En- fin, connaissant l’épaisseur de la couche de plastique ou de diamant, on en déduit la vitesse moyenne du choc. Le ∆t peut être déterminé directement à partir de l’image brute ou en réa- lisant une coupe temporelle de l’image où on observe l’augmentation de la réflectivité lors du passage du choc, comme le montre la figure 2.19.

FIGURE 2.19: (a) Image VISAR typique obtenue avec une cible CH/Al/CH. L’intensité sur

cible était de 7.45×1013 W/cm2 et la vitesse de choc de 42.3 km/s. (b) Coupe temporelle de

l’image VISAR.

Comme on peut l’observer, l’image VISAR de ce tir présente une bonne qualité pour dé- terminer un décalage de frange et en déduire la vitesse de choc instantanée, comme le montre la figure 2.20. Dans ce cas, on peut vérifier la cohérence entre les deux mesures. On a alors une double information qui permet également de vérifier la fiabilité de la méthode qui mesure le ∆t.

FIGURE 2.20: Profil temporel de la vitesse du choc déduit par le décalage des franges de la

figure 2.19.

En observant plus attentivement la figure 2.19 (a), on remarque une zone de l’image juste avant le décalage des franges où l’intensité du signal reçue par le VISAR diminue. Ce phéno- mène est visible qualitativement sur le graphique de la figure 2.19 (b).

Cette baisse de la réflectivité est due aux rayons X produits par le plasma de couronne qui viennent modifier l’état de la surface réfléchissante initiale, l’aluminium. Cela a pour effet de préchauffer la cible avant que le choc ne se propage et donc de décaler légèrement l’Hugo- niot principale de l’aluminium. Ce résultat expérimental est cohérent avec les simulations qui montrent un préchauffage de l’ordre de 0.1 eV et avec des travaux précédents [13].