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Les virus associés aux diatomées

Les parasites de diatomées

1. Les virus associés aux diatomées

Le premier virus de diatomées a été isolé et caractérisé pour la première fois en 2004 sur la diatomée centrique Rhizosolenia setigera (Nagasaki et al., 2004a). Ce virus, Rhizosolenia setigera RNA Virus (RsRNAV), à la morphologie hexagonale, sans queue et de petite taille (32 nm) (Figure 0-7) était capable de se répliquer au sein du cytoplasme de son hôte. RsRNAV, qui ne pouvait infecter aucune autre espèce phytoplanctonique, a montré une forte spécificité sur certaines souches de R. setigera, espèce proliférante sur les côtes du Japon. Le génome de ce premier virus a été complétement séquencé et assemblé (Shirai et al., 2006). Cette structure génomique linéaire à ARN simple brin (ARNsb) positif de moins de 9 kb a montré une organisation particulière, composée de 2 cadres de lecture ouverts (« Open reading frames », ORFs). Le premier ORF représente une poly-protéine codant pour des gènes de réplication tels qu’une hélicace et une « RNA-dependent RNA polymerase » (RdRp), séquence génétique fortement conservée chez les Picornavirus (Koonin et al., 1993) (Figure 0-9, B). Le second ORF quant à lui code pour des protéines structurales de la capside. Les analyses phylogénétiques réalisées dans cette étude ont montré que ce nouveau virus était proche de HaRNAV et SssRNAV, deux virus infectant les Straménopiles Heterosigma akashiwo (Tai et al., 2003) et Schizochytrium sp. (renommé Aurantiochytrium sp., Takao et al., 2005) respectivement, mais n’appartenait à aucun genre ni famille définis (Shirai et al., 2006).

Depuis la description de ce virus, d’autres virus de diatomées centriques ont été isolés et caractérisés, comme montré dans les tableaux 0-1 et 0-2. En plus des virus à génome ARNsb (Kimura and Tomaru, 2015; Shirai et al., 2008; Tomaru et al., 2009, 2013a), l’isolement intensif dans les eaux du Japon notamment a permis de mettre à jour l’existence de virus à ADN simple brin (ADNsb) circulaire (Kimura and Tomaru, 2013, 2015; Nagasaki et al., 2005; Tomaru et al., 2008, 2011c, 2011b, 2013b; Toyoda et al., 2012). De la même façon que les virus à ARN, les virus ADNsb sont de petite taille (< 40 nm), n’ont pas de queue, ont de petits génomes (< 10 kb) mais contrairement aux virus à ARN, ils se répliquent dans le nucléus de l’hôte, où ils ont la capacité à former des « rod-shaped virus-like particles », structures en forme de bâtonnet uniquement observées au sein de la cellule hôte infectée et jamais sous forme libre (Figure 0-8). Les auteurs ont d’ailleurs émis l’hypothèse que ces structures étaient des précurseurs de virions (i.e. virus libres) matures (Tomaru et al., 2015a; Toyoda et al., 2012). Le génome circulaire des virus ADNsb encode également pour une protéine de réplication, une protéine pour la structure de la capside et généralement un ORF à la fonction encore inconnue (Figure 0-9, A). Cependant, une caractéristique propre à ces virus est la présence d’un fragment ADN double brin d’environ 1 kb au sein du génome circulaire (à l’exception de CdebDNAV et CsetDNAV (Tomaru et al., 2008; Tomaru et al., 2013b)). Il est important de noter qu’à ce jour,

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les virus ADNsb ont uniquement été reportés chez les diatomées et dans aucun autre groupe de protistes (Tomaru et al., 2015a).

Figure 0-7. Rhizosolenia setigera RNA virus (RsRNAV), tout premier virus de diatomée isolé en 2004 dans les eaux côtières du Japon (Nagasaki et al., 2004)

Figure 0-8. Image prise en microscopie électronique à transmission représentant la forme “rod-shaped” des particules virales de Csp05DNAV, virus infectant l'espère Chaetoceros, dans le nucléus de son hôte (Toyoda et al., 2012)

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21 Figure 0-9. Organisation génomique des virus à ADN simple brin (A) et des virus à ARN simple brin (B). A. Génome circulaire ADN d’environ 5-6 kb avec un fragment ADN double brin (rectangle grisé). B. Génome linéaire ARN d’environ 9kb encodant 2 ORFS bien définis (rectangles gris). Le génome peut se terminer par une queue poly A. Rep : Réplication, CP : Protéine de la capside, UN : ORF à fonction inconnue, Hel : Hélicase, RdRp : RNA-dependent RNA-polymerase. Figure de Tomaru et al., (2015b)

Ces dernières années, l’augmentation du nombre d’isolats viraux a permis l’élaboration de comparaisons phylogénétiques plus robustes et ainsi l’attribution des virus ARNsb et ADNsb à des groupes taxonomiques définis. Ainsi, les virus de diatomées à ARN font désormais partie du genre des Bacillarnavirus, genre monophylétique (basé sur la RdRp) regroupant uniquement les virus de diatomées et appartenant à l’ordre de Picornavirales

(International Committee on Taxonomy of Viruses, ICTV,

https://talk.ictvonline.org/taxonomy/). Cet ordre regroupe des virus ARNsb infectant une vaste gamme d’organismes, tels que des insectes, des animaux marins, des plantes ou encore des protistes marins avec les genres Marnavirus (virus de Heterosigma akashiwo) et Labyrnavirus (virus d’Aurantiochytrium sp.) (Lang et al., 2009). Les Picornavirales sont principalement caractérisés par (i) un génome RNA à sens positif avec souvent une queue poly-A en région 3’, (ii) une stratégie de traduction du génome en poly-protéines grâce à l’intervention de protéases virales, (iii) des protéines structurales de la capside organisées dans un module contenant trois domaines, formant des petits virions icosaédriques non enveloppés à la une symétrie pseudo T=3, (iv) un module protéique non structurel contenant une hélicase, une protéase (cystéine) et une ARN polymérase ARN dépendante («

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dependent RNA polymerase », RdRp), codé séquentiellement dans cet ordre (Le Gall et al., 2008).

Quant aux virus à ADNsb, le genre Bacilladnavirus avait été proposé pour regrouper tous les membres viraux à ADN associés aux diatomées (ICTV; Tomaru et al., 2011b). Ce genre a été actualisé plus tard à niveau de famille, les Bacilladnaviridae, avec l’ajout de nouveaux représentants infectant des mollusques marins (Kazlauskas et al., 2017). Très récemment, une réorganisation totale de cette famille a eu lieu, avec la création des genres Diatodnavirus, Kieseladnavirus et Protobacilladnavirus, répartissant les virus de Chaetoceros spp. et de mollusques selon les motifs conservés dans les séquences protéiques de réplication (King et al., 2018).

En parallèle des diatomées centriques, les diatomées pennées ont aussi été reportées comme des hôtes potentiels de virus à ADN et ARN (Tomaru et al., 2012), mais avec seulement l’isolement de deux virus sur deux espèces hôtes : Thalassionema nitzschioides et Asterionellopsis glacialis (tableaux 0-1 et 0-2). Au total, 11 virus ADN et 9 virus ARN ont été décrits pour les diatomées, même si des caractérisations génétiques sont toujours nécessaires dans certains cas (Bettarel et al., 2005a; Eissler et al., 2009; Kim et al., 2015a, 2015b). La grande majorité des virus identifiés ont été isolés sur le genre de diatomée Chaetoceros dans les eaux côtières du Japon (tableaux 0-1 et 0-2). Malgré l’effort d’isolement considérable que représentent ces travaux, avec notamment la mise en place de nouveaux protocoles, la restriction de l’aire géographique et des hôtes utilisés pour l’isolement et la sélection des virus laissent à penser qu’une importante diversité virale associée aux diatomées reste à découvrir. Les études environnementales sont un atout dans l’étude de la diversité et de la répartition des organismes en vue de mieux comprendre leur rôle dans les écosystèmes marins. Des études menées via une approche de gène cible (RdRp), l’analyse du génome viral complet (virome) ou encore des métatranscriptomes ont mis en évidence l’importance des Picornavirus dans les milieux aquatiques, avec des abondances et des diversités totalement sous estimées et encore trop méconnues (Culley, 2018). Notamment, des fragments génétiques et des génomes reconstruits à partir de reads environnementaux provenant des eaux tempérées de Colombie Britannique, des eaux tropicales d’Hawaii ou encore des eaux froides de l’Antarctique, ont montré de fortes homologies avec des membres du genre Bacillarnavirus (Culley et al., 2003, 2014; Culley and Steward, 2007; Gustavsen et al., 2014; Miranda et al., 2016; Shirai et al., 2006; Steward et al., 2013). En opposition, les études métagénomiques sur les virus ADNsb sont très limitées. Cependant, Mcdaniel et al. (2014) ont réussi à assembler des génomes putatifs de Bacilladnavirus à partir de séquences environnementales provenant de Floride.

Les virus infectant les diatomées marines seraient donc globalement distribués, avec des abondances parfois très élevées, et pourraient ainsi être des contributeurs majeurs du plancton au sein de ces écosystèmes. Par ailleurs, les auteurs soulignent le fait que la majorité des séquences génétiques environnementales ne sont pas assignées à des séquences

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23 connues, et que souvent celles-ci ne sont pas détectées au sein de clades taxonomiques définis. Cela suggère donc qu’une importante part de la diversité virale associée aux eucaryotes reste à percer.

Le rôle des virus dans la régulation des dynamiques et succession de diatomées dans l’environnement naturel est, à l’heure actuelle, mal compris. Le suivi des dynamiques diatomées-virus en 2011 dans les eaux côtières du Japon a montré que les espèces de Chaetoceros avaient survécu et avaient maintenu leur développement malgré la présence de leurs virus associés (Tomaru et al., 2011a). Une étude plus récente a montré des résultats similaires (Tomaru et al., 2018), appuyant l’hypothèse que les virus de diatomées ne sont pas nécessairement des agents primaires de mortalité de leurs hôtes. Les auteurs proposent des stratégies mises en place par les diatomées pour échapper aux attaques virales, tels que la sédimentation des cellules hôtes infectées, des mécanismes de résistance ou encore une diversité importante dans la sensibilité des hôtes face aux infections virales (Tomaru et al., 2015b). Cependant, le manque de données de terrain empêche les interprétations sur les rôles écologiques de ces virus, confirmant le besoin urgent d’étudier les dynamiques temporelles des systèmes diatomées-virus.

Table 0-1. Caractéristiques morphologiques, physiologiques et génétiques des virus simple brin infectant les diatomées centriques et pennées. CwNIV et CspNIV n’ont pas été totalement décrits mais leurs caractéristiques sont similaires aux ADNsb et sont donc considérés comme appartenant à ce groupe. Tableau modifié à partir de Tomaru et al., 2015b

SSDNA VIRUSES OF CENTRIC DIATOMS Virus Host Particle size (nm) Particle assembly site Rod Shaped virus-like particle Major proteins (kDa) Latent period (h) Burst size (infectious units cell-1) Genome length (nt) Complementary fragment length(s) (nt) Accession number Reference CdebDNAV Chaetoceros debilis 32 nucleus ND 37.5, 41 12–24 55 ~7 knt not fully sequenced

ND AB504376 (Tomaru et al., 2008) ClorDNAV Chaetoceros

lorenzianus 34 nucleus TES <225 48 2.2 × 104 5813 979 AB553581 (Tomaru et al., 2011c) CsalDNAV Chaetoceros

salsugineum 38 nucleus ND 43.5, 46 12–24 325 6000 997 AB193315 (Nagasaki et

al., 2005)

CsetDNAV Chaetoceros

setoensis 33 nucleus YES 31, 37 48 2.0 × 104 5836 67, 70, 72, 76,

90, 107, 109, 145 AB781089 (Tomaru et al., 2013b) CtenDNAV type-I Chaetoceros

tenuissimus 37 nucleus YES 38.5 96 320 5639 875 AB597949 (Tomaru et al., 2011b) CtenDNAV

type-II

Chaetoceros

tenuissimus 37 nucleus YES 39 <24 1737 5570 669 AB971658 (Kimura and Tomaru, 2015) Csp05DNAV

Chaetoceros

sp. strain TG07-C28

33 nucleus YES 40, 75 <24 ND 5785 890 AB647334 (Toyoda et al.,

2012) Csp07DNAV

Chaetoceros

sp. strain SS628-11

34 nucleus YES 38.5 <12 29 5552 827 AB844272 (Kimura and

Tomaru, 2013)

CwNIV Chaetoceros cf.

wighamii 30 nucleus YES ND 8 26 396 ND ND (Eissler et al.,

2009) CspNIV

Chaetoceros cf.

gracilis 25 nucleus ND ND <24 ND ND ND ND Bettarel et al., 2005

SSDNA VIRUSES OF PENNATE DIATOMS

TnitDNAV Thalassionema

nitzschioides 35 nucleus ND ND ND ND 5573 ~600 (not

sequenced) AB781284

(Tomaru et al., 2012)

Table 0-2. Caractéristiques morphologiques, physiologiques et génétiques des virus simple brin ARN infectant les diatomées centriques et pennées. SpaIV and ScocV n’ont pas été totalement décrits mais leurs caractéristiques sont similaires aux ARNsb et sont donc considérés comme appartenant à ce groupe. Tableau modifié à partir de Tomaru et

al., 2015b

SSRNA VIRUSES OF CENTRIC DIATOMS

Virus Host Particle size (nm) Particle assembly site Major proteins (kDa) Latent period (h) Burst size (infectious units cell-1) Genome length (nt) Number of ORFs Accession number Reference CtenRNAV

type-I Chaetoceros tenuissimus 31 cytoplasm

33.5, 31.5,

30.0 <24 1.0 × 104 9431 2 AB37547

(Shirai et al., 2008) CtenRNAV

type-II Chaetoceros tenuissimus 35 cytoplasm

32.2, 29.0,

26.1 24–28 136 9562 2 AB971661

(Kimura and Tomaru,

2015) CsfrRNAV Chaetoceros socialis f. radians 22 cytoplasm 32.0, 28.5,

25.0 <48 66 9467 2 AB469874

(Tomaru et al., 2009) Csp03RNAV Chaetoceros sp. strain SS08-C03 32 cytoplasm 42.0, 34.0,

28.0 <48 ND 9417 2 AB639040

(Tomaru et al., 2013a)

RsetRNAV Rhizosolenia setigera 32 cytoplasm 41.5, 41.0,

29.5 48 3100 8847 2 AB243297

(Nagasaki et al., 2004a)

TgraRNAV Thalassiosira gravida 32 ND ND ND ND ~9 knt ND LC013477 Unpublished

SpalV Stephanopyxis palmeriana 25-30 cytoplasm ND <80 92 ND ND ND (Kim et al.,

2015b)

ScosV Skeletonema costatum 45-50 cytoplasm ND <48 90-250 ND ND ND (Kim et al.,

2015a)

SSRNA VIRUSES OF PENNATE DIATOMS

AglaRNAV Asterionellopsis glacialis 31 cytoplasm ND ND ND 8842 2 AB973945 (Tomaru et

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