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Analyse des données

7. ANALYSE DES DONNEES

7.2 F AÇON DE COMPRENDRE LA PROBLÉMATIQUE

7.2.3 La violence en partant de la victime

La définition de la victime

Deux professionnels ont relevé dans leur définition des violences le fait que la victime subisse les comportements violents que lui inflige l’auteur.

Ainsi, pour Pascal : « La victime c’est celle qui subit le jeu de l’autre. »

Etienne nous dit ceci : « La victime c’est celle qui subit les violences. Celle qui est prise dans les violences et qui n’arrive pas à en sortir. » Il précise aussi que la victime a une perception biaisée de la réalité.

Deux catégories de victimes

Dans sa définition des violences, Amélie fait référence à deux sortes de victimes : Les vraies victimes et les victimes qui ont de fausses prises de pouvoir : « Il y a les gens qui sont toujours en train d’être déprimés et en réalité, ils mobilisent tout leur entourage pour qu’on vienne à leur secours, pour les culpabiliser, donc ça c’est une prise de pouvoir à l’envers. Il y a les autres victimes, les gens qui sont tout bêtement victimes au premier degré, c’est-à-dire des gens qui sont agressés. » Son discours sous-entend que certaines personnes se prétendent victimes sans l’être réellement pour ainsi prendre le pouvoir sur leurs proches.

C’est ce qu’elle a nommé la prise de pouvoir à l’envers.

116Adresse URL : http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/mag_2001/mag0518/ps_4031_amour_manipuler.htm (consultée le 3 novembre 2011).

Etre victime à répétition

Ismaël précise un point important. Pour lui, tout le monde est victime à un moment donné ou l’autre de sa vie. Il souligne le fait que ce statut devient néfaste lorsqu’il se répète dans le temps et que cela touche profondément la personne.

Le ressenti de la victime

Certains professionnels ont axé une partie de leur définition des violences sur le ressenti éprouvé par la victime de violence. « La violence apparaît sitôt qu’un partenaire n’est pas, n’est plus en phase ou n’est plus d’accord avec ce qui se passe, ce qui se déroule, dans la situation. ».

La culpabilité éprouvée par la victime est ressortie à trois reprises dans la définition de la violence des professionnels. En effet, selon les personnes interrogées, la jeune victime se sent responsable de la /ou des violences qui lui sont infligées par son partenaire. Elle culpabilise également de ne pas avoir su réagir face à la situation.

Maria nous a donné son opinion sur le fait que la victime culpabilise de la situation qu’elle vit avec son partenaire : « Ce qui est dramatique c’est que la victime, à priori, elle dit c’est de ma faute. Ca c’est horrible. Il y a une intériorisation de la culpabilité, de la responsabilité qui est incroyable. »

Nina nous a aussi parlé du sentiment de culpabilité de la situation ressenti par la plupart des victimes. Elle précise également que souvent celles-ci éprouvent de la peur face à leur partenaire, ce qui entraîne la perte de la spontanéité dans leur façon d’être et d’agir avec celui-ci.

Le seuil de tolérance de la violence

Dans plusieurs interviews, nous avons retrouvé dans le discours des professionnels, lorsqu’ils nous parlaient des violences, le thème du seuil de tolérance de la violence. Ce dernier a été abordé sous l’angle des victimes d’une part, et celui des professionnels d’autre part.

Trois professionnels ont abordé le seuil de tolérance que tout être humain peut avoir de la violence. En effet, la définition de la violence est propre à chacun. Certaines personnes trouveront qu’une insulte représente déjà un acte violent, alors que pour d’autres il n’en est rien. D’autres considéreront que la violence commence à partir du moment où il y a la notion de répétition de la situation.

Le seuil de tolérance de la victime

Pour Etienne, toutes les personnes victimes ont un seuil différent de la violence. Il donne l’exemple d’une insulte. Certaines le prendront très mal et de manière violente tandis que d’autres ne seront pas du tout touchées. Dans le même ordre d’idées, Viviane pense qu’une personne peut se sentir agressée dans une situation alors qu’une autre ne le serait pas. Elle parle du terme de violence comme étant subjectif.

Le seuil de tolérance du professionnel

Deux professionnels nous ont parlé de leur propre seuil de tolérance de la violence.

Ismaël en parle et fait également une nuance avec la notion de gravité selon la forme de violence subie par la victime et celle de la répétition de la violence dans le temps : « Ca devient extrêmement néfaste quand ça touche profondément dans l’être humain ou quand c’est répété dans la durée. Si ça vous arrive une fois de vous faire insulter ou de ramasser une claque, votre vie ne va pas basculer, vous voyez ce que je veux dire. Par contre, si vous êtes victime d’une agression sexuelle même une seule fois, votre vie peut basculer. Si vous êtes giflés tous les jours par votre mari ou votre copain, ce n’est pas bon pour votre existence. Vous voyez l’impact, en fonction de la gravité et de la répétition. » Dans le discours d’Ismaël, nous constatons qu’il y a une banalisation de certaines formes de violence, ici notamment de la violence physique et verbale. Pour lui, certains actes violents, comme la violence sexuelle, sont plus marquants que d’autres dans l’existence de la personne victime, indépendamment de la notion de répétition de ladite violence dans le temps.

Viviane nous fait part d’une situation qui lui est arrivée, à savoir qu’elle était référente d’une jeune victime de violence psychologique qui en plus, était dans la même institution que son copain. Cela a rendu le travail difficile pour les éducateurs car tous n’avaient pas le même seuil de tolérance de la violence. En effet, certains ne voulaient pas intervenir dans cette situation estimant que c’était de l’ordre de l’intimité. Ils ne se sentaient donc pas à l’aise de s’en mêler. D’autres estimaient qu’en cas de violence entre deux jeunes, ils se devaient d’agir face à la situation qu’ils soient en couple ou non.

Ces différents points de vue nous font penser que la prise en charge des adolescentes victimes de violences diffère d’un professionnel à un autre, et selon leur propre seuil de tolérance mais également celui de la victime. Le seuil de tolérance détermine à partir de quand une personne décide s’il s’agit d’une violence ou pas.

Les manques de la victime face à la situation de violence

Nous avons constaté, d’après les dires de trois professionnels, que les victimes de violences présentent des manques à différents niveaux par rapport à la situation de violence dans laquelle elles se trouvent : le manque de moyens et le manque d’affirmation de soi.

Le manque de moyens de la victime

François nous a expliqué que selon lui, une victime manque de moyens pour se défendre.

Elle ne parvient pas à s’affirmer face à l’auteur de violence.

Quand à Nina, elle nous a parlé du manque de moyens de la victime à se respecter et de la souffrance qu’elle peut ressentir face aux violences subies : « La victime c’est une personne qui n’a pas les moyens de se respecter, qui laisse autrui la maltraiter mais ce n’est pas forcément conscient. Elle souffre et subit les violences des autres. »

Myriam nous a confié que les adolescentes qu’elle côtoie ont souvent un manque de connaissance par rapport aux relations amoureuses. De ce fait, elles ne savent pas qu’elles ont le droit de dire « oui » ou « non » à leur partenaire. De plus, elle relève que ces jeunes

ont un manque de conscience de où se situe la limite de l’acceptable ou non dans la relation qu’elles entretiennent avec leur copain, la limite de la violence.

Astrid définit la victime comme étant une personne qui constate que quelque chose ne fonctionne pas pour elle dans sa relation amoureuse mais qui n’arrive pas à s’en détacher ou en tous cas à mettre des limites.

Le manque d’affirmation de soi de la victime

Pour certaines personnes, la victime de violences ne parvient pas à s’affirmer dans sa relation amoureuse. Elle a de la difficulté à reconnaître ses besoins et réfléchit en fonction des conséquences que pourraient avoir ses faits et gestes sur son compagnon : « Moi (la victime) j’ai envie de faire ça, mais si je fais ça, il (le partenaire) va faire ça donc je fais ça. » Nous pouvons en déduire que la victime va agir selon ce qui serait susceptible de plaire à son partenaire ou du moins ce qui éviterait de le contrarier. De ce fait, elle en oublie ses propres besoins et envies et privilégie ceux de son copain.

Résumé

La violence a été appréhendée de manière différente par les professionnels interrogés.

Certains l’ont abordée sous l’angle des diverses formes d’actes de violence qui en découlent, dont les plus relevées sont aussi les plus connues à savoir : les violences physiques, verbales, sexuelles et psychologiques.

D’autres professionnels définissent la violence en parlant des conséquences qu’elle peut avoir sur les adolescentes victimes. La violence touche directement la victime dans sa personne, que ce soit au plan de l’estime d’elle-même ou au niveau de sa santé de manière générale (physique, mentale).

Comme nous l’avons constaté, plusieurs professionnels ont expliqué la violence en abordant les facteurs de risques117 liés à celle-ci, notamment : l’influence de l’histoire de vie sur le comportement de la personne (victime et auteur) dans ses relations, l’insécurité personnelle118 que peuvent ressentir les auteurs de violences et l’influence des pairs sur ceux-ci.

D’autres ont défini la violence en partant du comportement de l’auteur. Ce dernier se montre irrespectueux envers sa partenaire comme exprimé dans la plupart des interviews. Le terme de non-respect est apparu à différents stades dans les entretiens que nous avons effectués.

D’après des professionnels, l’auteur peut adopter une attitude de non-respect envers sa partenaire autant sur le plan verbal que physique. Il ne la respecte également pas du point de vue de sa personne, c’est-à-dire son intégrité, sa dignité.

Il ressent en outre le besoin de prendre le pouvoir sur la victime et de ce fait la dominer. Pour les personnes interviewées, celle-ci se voit alors forcée d’effectuer certaines choses à contre- cœur autrement dit sous la contrainte. L’auteur peut aussi avoir recours au chantage pour que la victime mette à exécution ce qu’il exige. De plus, il correspond, selon les professionnels, à quelqu’un de très manipulateur119. L’auteur pense qu’il peut aller loin dans ce genre de fonctionnement car la victime éprouve de l’amour pour lui. Il a donc le sentiment qu’elle ne le quittera de toute façon pas.

Enfin, certains professionnels ont évoqué au moment de définir la violence, la notion de victime. Cette dernière est la personne qui subit les violences de l’auteur. Elle manque de moyens à plusieurs endroits. En effet, elle ne parvient pas à se respecter et le manque de connaissances par rapport aux relations amoureuses l’empêche de percevoir la limite entre ce qui est acceptable ou non de la part de son partenaire. Elle s’affirme très peu dans sa relation et met de côté ses propres besoins.

Elle ressent de la culpabilité par rapport à la situation de violence qu’elle vit.

Par rapport au seuil de tolérance de la violence, nous constatons que les professionnels accompagneront de manière différente une adolescente victime en fonction de leur propre seuil de tolérance à la violence et aussi de celui de la jeune.

117 cf. Les facteurs de risque. In : la violence en général. p.54

118 cf. L’insécurité personnelle. In : la violence en général. p.54

119 cf. La manipulation. In : La violence en partant du comportement de l’auteur. p.56

Il faut cependant faire attention car il existe deux sortes de victimes comme l’a relevé une des personnes : celles qui subissent vraiment des violences de la part de l’auteur et celles qui se victimisent pour faire culpabiliser leur entourage et ainsi prendre le pouvoir sur lui.

Un autre aspect essentiel retenu dans la définition de la violence est celui de la répétition de l’acte violent. Tout le monde se trouve un jour ou l’autre dans sa vie dans la position de victime. Cependant, il a été relevé dans une interview que c’est lorsque ce statut se répète sur la durée que cela devient néfaste pour les personnes concernées.

7.3 L

ES STRATÉGIES