• Aucun résultat trouvé

TROISIÈME PARTIE R

VIOLENCE OU ACCÈS POUR CHACUN AU PARTAGE DES PRINCIPAUX RÉFÉRENTS CULTURELS

"Le droit de recevoir par l'instruction et l'éducation communication de l'héritage de la culture humaine est lui aussi un droit fondamental : il est soumis dans son exercice aux possibilités concrètes dont est capable une société donnée, et la justice peut interdire d'en revendiquer hic et nunc l'usage pour chacun, si cela n'est concevable comme dans le cas de la société esclavagiste de l'ancienne Rome ou le cas de la société féodale du Moyen Age, - cette revendication restant cependant légitime comme à réaliser avec le temps. Il reste alors de faire effort pour changer l'état social en question".

Jacques Maritain.

Le partage élargi des biens symboliques et culturels grâce à l’éducation, en effet, nous semble une finalité, par dessus toutes, désirable. Nous ne saurions renoncer à cette finalité d’un partage plus juste et universel du patrimoine humain par l’éducation, elle est trop profondément ancrée dans nos valeurs les plus fondatrices, judéo-chrétiennes ou humanistes. Elle fait partie des droits fondamentaux de la personne.

Or, depuis le temps que le souci de partage de l’instruction et de l’éducation se manifeste, si une démocratisation certaine de l’éducation est incontestable elle est insuffisante et contrariée par toutes sortes d’effets pervers sur lesquels on s’interroge. Il semble difficile de parvenir à éradiquer l’exclusion massive dans nos sociétés à laquelle l’école contribue. Trop d’élèves demeurent exclus de la culture de base à partager pour une compréhension réciproque minimale dans une société d’accueil. Exclus de la communauté parlante, surtout lorsque celle-ci exige, comme dans nos sociétés post-modernes, d’être conçue comme une hyper-communauté avec des idiomes différenciés sur le plan culturel, discursif et textuel. Exclus du partage de l’écrit avec ce qu’il implique d’accès à la citoyenneté et à un processus d’identification personnelle. La surscolarisation générale souligne impitoyablement la dévaluation des autres. Le décalage pour ceux qui restent sur le bord du chemin se creuse, il devient plus pénalisant encore. Aussi des phénomènes de violence se généralisent-ils dans l’école et dans la société dont les sources et le procesus divers confluent et interfèrent au point d’altérer profondément le dialogue et le partage culturel communautaire.

Quoique ces phénomènes aient déjà été étudiés dans leurs paradoxes et leur ambivalences , il semble utile de projeter sur eux les lumières de l’anthropologie

relationnelle pour en mettre les concepts à l’œuvre et à l’épreuve.

La violence est manifestée par le fait que l’accès à la culture et aux différents référents culturels est encore trop inégalement réparti sur le plan social, tous n’y ont pas accès ou ne peuvent en bénéficier. Mais, fait à première vue paradoxal, elle semble encore accrue depuis la relative démocratisation de l’enseignement et par l’accueil d’élèves différents sur le plan socio et ethno-culturel. Ces deux aspects ou interprétations d’un même phénomène entraînent, bien souvent, des réponses opposées sur le plan des politiques éducatives ce qui ne cesse de faire problème.

Loin d’opposer ces deux modèles d’interprétation ou de les mettre en concurrence, il nous semble plutôt nécessaire de les considérer enfin dans leur imbrication apparemment contradictoire, pour voir, dans quelle mesure, ils interfèrent et s'éclairent réciproquement. Mettre en lumière la complexité du réel présente de toute façon l'assurance d'un préalable épistémologique moins violent que les explications unilatérales, partielles et partiales.

Etapes de la démocratisation de l’enseignement et de l’émergence d’un problème de l’échec scolaire

l’Ecole n’est plus réservée à quelques élites, c’est un fait incontestable. Dans la société française, depuis la fin du siècle dernier, l’école est devenue laïque gratuite et obligatoire, ce qui a parachevé un mouvement continu et régulier d’accès élargi à l’éducation, depuis le Moyen Age ou même depuis l’Antiquité. Rappelons-en, ici, allusivement, le mouvement. Cet accès élargi s’est principalement fait à travers le partage des codes symboliques de l’écrit.

* Alphabétisation et accès au savoir

Sans remonter au déluge, on peut voir dans l’invention et la transmission de l’écrit, un effort pour élargir l’accès à la connaissance et la diffusion du patrimoine du savoir. Le l'école suscite ambivalence et ambiguïté dans les critiques ce qui n'a pas échappé aux analystes de ses mutations:

"l'École, nous dit-on, est trop sélective : elle reproduit les inégalités sociales, comme

l'expliquent les analyses sociologiques vulgarisées par les media. L'école dit-on aussi, n'est pas assez sélective : elle mélange dans les mêmes classes les élèves doués et ceux qui ne savent même pas lire..(..) Cependant, les réactions sont plus ambiguës que ce qu'une analyse trop manichéenne laisserait croire a priori. Tous les milieux sociaux trouvent l'école hypersélective, car nul n'est totalement protégé de la sélection par son origine sociale. Tous les milieux déplorent la promiscuité scolaire car il y a toujours plus défavorisé que soi, avec qui on ne veut pas mélanger ses propres enfants." Charlot, B., "L'école en mutation". Payot

1987. p.12

Il semble possible de comprendre cette contradiction apparente avec l'anthropologie relationnelle.

savoir dans les diverses sociétés traditionnelles est réservé à quelques personnages privilégiés, sa possession est associée à un pouvoir sacré, sa transmission à une longue et difficile initiation. L’invention de l’écriture permettra une transmission facilitée du patrimoine. L’écriture alphabétique surtout, par le gain prodigieux de temps et l’économie qu’elle représente au niveau de l’apprentissage de graphèmes (par rapport à l’écriture idéographique) donne la possibilité d’une plus large diffusion (temps d’apprentissage réduit). Avec l’invention de l’écriture se développent des écoles de scribes et de clercs. Un certain mode de diffusion du savoir est désormais devenu possible.

* Développement de l’imprimerie et des moyens de diffusion de la pensée

L’invention de l’imprimerie qui suit d’ailleurs, de près, la libération de l’accès aux textes religieux par la Réforme, multiplie les possibilités d’accès au livre. Il faudra cependant attendre l’invention de la presse et des moyens technologiques d’une diffusion plus ample (industrie du papier, multiplication des livres, plume sergent major, etc...) pour voir se développer après la Révolution les moyens d’une véritable libéralisation de l’alphabétisation (Ozouf, Furet, Chartier, Hébrard,..).

* Les lois de l’école laïque

Les lois Guizot et Jules Ferry instituant l’école laïque, gratuite et obligatoire vont accentuer le phénomène de généralisation de l’accès à l’école pour les plus pauvres. L’alphabétisation commencée dans les villes par les congrégations religieuses les guildes et les philanthropes, se poursuit dans les campagnes et pour les femmes. Elles s’achèvera véritablement par la familiarisation à l’écrit par l’écriture (et non pas seulement par la lecture). La philosophie de l’école laïque conduisait à penser qu’infailliblement la généralisation de la scolarisation entraînerait un partage progressif et égalitaire de l’écrit et du savoir. Cet effort d’ouverture de l’école aux enfants du peuple culminera avec l’institution du collège unique qui autorise un accès plus diversifié aux cursus du secondaire puis du supérieur.

* Démocratisation de l’enseignement et collège unique

A partir de la réforme Berthoin (1959) qui promulguait l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, la réforme Fouchet allait pouvoir instituer le collège pour tous. Véritable acte fondateur de la démocratisation de l’enseignement. L’espoir d’un enseignement secondaire de qualité, généralisé à toutes les couches de la population, se fait enfin jour.

* Démocratisation de l’enseignement et formation professionnelle et technologique

Cette volonté de désacralisation du social ou dé-hiérarchisation dans l’école et par l’école, se manifeste encore, à travers le souci de diversifier les filières et les voies hiérarchie manifestant la volonté d’instituer une violence institutionnelle pour canaliser et empêcher la violence anomique : idée développée avec force par l’anthropologie de Durkheim, de Dumont mais surtout de Girard.

d’accès à la qualification supérieure. A partir de 1965, des bacs techniques sont créés, et en 1966, c’est le tour des IUT (Instituts Universitaires de Technologie). L’offre comme la demande d’éducation se sont considérablement accrues et étendues à la totalité du spectre social. L’expansion démographique de l’école est même, désormais, incontestablement établie comme un fait général : ”Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France

comptait près de 150 000 inscrits en sixième, 50 000 candidats au baccalauréat et 137 000 étudiants. En 1988 on dénombre 850 000 pour les premiers, 280 000 pour les deuxièmes et près d’1 million pour les derniers. Aujourd’hui aux Etats Unis d’Amérique, non seulement la quasi-totalité des élèves âgés de moins de dix-huit ans sont scolarisés, mais en outre, la moitié d’une génération se trouve sur les bancs de l’Université. En 1950, l’Afrique comptait un peu plus de 8 millions d’élèves ; aujourd’hui on estime cette population à 120 millions “ (Cherkaoui, M., 1990.)

Mais, fait paradoxal, c’est au moment même où l’école est le plus ouverte à la diversité des élèves qu’elle apparaît comme, encore trop ségrégative et insuffisamment avancée dans le processus de démocratisation. Lorsque la violence est vraiment très forte sur le plan organique et institutionnel elle est tellement légitime qu’elle n’est pas visible, étant occultée par des phénomènes de l’ordre de la méconnaissance. Dès qu’elle s’amoindrit, elle devient plus évidente et, éclatant au grand jour, elle engendre, en réaction, la violence de critiques plus ou moins sévères. Cette explication quoique recevable n'est sans doute pas suffisante pour rendre compte du fait. On pourrait aussi y voir des effets de l’intense concurrence au niveau des diplômes sur le marché du travail. On pense aussi à des manifestations de désespoir consécutives au manque de débouchés professionnels en période de crise économique.

Il faut pénétrer encore plus loin dans le paradoxe : au fur et à mesure que diminue la violence institutionnelle et que se manifeste l’ouverture de l’école vers le souci d’un accès généralisé à la culture et à la qualification (niveau bac pour 80% d’une classe d’âge et qualification validée pour tous d’ici l’an 2000) semble croître une violence endémique interpersonnelle et intercommunautaire dans l’école. Cette montée de la violence “anomique “ (Durkheim) oblige à formuler quelques hypothèses. On pourrait, plus en accord avec les données de l'anthropologie paradoxale, considérer qu'une baisse des exigences rituelles institutionnelles et disciplinaires comme des interdits entraînent une indifférenciation généralisée. D'autant plus que ce processus n'est pas isolé.

L’accroissement du niveau de qualification des jeunes, en situation de crise économique et de chômage, augmente, en effet, la concurrence dans l’école et autour de l’école. l’Ecole devient un champ de course aux diplômes qui, pour autant, se dévaluent au fur et à mesure que s’enfle la compétition à la surqualification (Charlot, Cherkaoui, etc.). Nos sociétés démocratiques, égalitaires (du moins dans leurs valeurs revendiquées) ne peuvent supporter la violence de la ségrégation, de l’exclusion, que celle-ci s’opère à l’issue

"La situation ne fait que se dégrader : aujourd'hui, non seulement les jeunes peu formés

sont condamnés au chômage, mais ceux-là mêmes à qui l'école a délivré un diplôme trouvent de plus en plus difficilement du travail" Charlot, B, L'école en mutation. -op. cit.

ou en amont du processus éducatif. La violence organique et sacrale est stigmatisée par les valeurs démocratiques. Mais que faire contre l'autre violence endémique qui enfle et qui n’est toujours pas comprise ni même vue dans son engendrement ?

Certains analystes de l’école entrevoient cette double violence de l’école. Elle les plonge dans la perplexité : “ L’Ecole, nous dit-on, est trop sélective : elle reproduit les

inégalités sociales, comme l’expliquent les analyses sociologiques vulgarisées par les media. L’école dit-on aussi, n’est pas assez sélective : elle mélange dans les mêmes classes les élèves doués et ceux qui ne savent même pas lire..(..) Cependant, les réactions sont plus ambiguës que ce qu’une analyse trop manichéenne laisserait croire a priori.Tous les milieux sociaux trouvent l’école hypersélective car nul n’est totalement protégé de la sélection par son origine sociale. Tous les milieux déplorent la promiscuité scolaire car il y a toujours plus défavorisé que soi, avec qui on ne veut pas mélanger ses propres enfants.”

Nous ne pouvons comprendre cette contradiction apparente qu’en prenant au sérieux la notion de mutation et de passage d’un modèle à l’autre qui, en période transitoire, exaspère sans doute même certains dysfonctionnements. Les concepts de l’anthropologie relationnelle donnent à cela de l’intelligibilité.

Convoquant les analyses de l’éducation en regard de certaines hypothèses de l’anthropologie ( Girard, Dumont), nous pouvons voir qu’il y a actuellement dans l’école trois gisements supperposés et interactifs de violence. Leurs déroulements processuels concourent selon nous, à une catastrophe anthropologique, par opposition à laquelle, seule l’intégration relationnelle du tiers apparaîtra comme véritable alternative.

Le premier est celui de la violence sacrale d’une société endoreproductrice qui persiste. Le second est celui d’une société en crise différentielle résultant d’une désacralisation, en cours. Le troisième est celui d’une société en voie de resacralisation selon les catégories d’une échelle méritocratique fondée sur une rationalité abstraite. Ces trois sources de violence doivent être bien distinguées par l’analyse, elles sont pourtant en perpétuelle interférence et recoupement.

La longévité du modèle sacral et hiérarchique

Une société hiérarchique , traditionnelle (sacrale) ne tolére pas la violence “anomique” et interpersonnelle, qui résulte de la confrontation et de la proximité des différents groupes sociaux avec l’inévitable engendrement de violence suscitée par l’envie et la concurrence. Violence endémique et désordre anomique que la société archaïque redoute et veut prévenir, par dessus tout. Aussi, la séparation en castes est-elle bien homogène et protégée par des rituels et des interdits sévères. La fermeture de la famille protège contre une certaine exogamie. Les produits des unions illégitimes sont dévalués et

Charlot, op. cit. p.12.

Comme dans d'autres institutions de notre société selon des différences qu'il faudrait étudier ailleurs.

rejetés. Toute violation d’un interdit rituel concernant la séparation des castes est durement punie, les sanctions prévoient des excommunications. Une juridiction méticuleuse légifère sur les rares possibles réintégrations. Un certain système “d’écluses rituelles” permet le passage d’un espace social à l’autre par la création de sous-castes mais toute aspiration à la mobilité sociale reste gravement compromise par la peur de contagion ✁

qui caractérise le sacré archaïque. Sur le plan de la culture, la segmentation territoriale est très verrouillée. Dumont, dans son intéressante étude sur l’Inde, comme modèle de société hiérarchique, montre combien ces sociétés sacrales résistent aux influences qui les menacent. Si la

commensalité et le connubium sont farouchement gardés dans les sociétés hiérarchiques,

lacondisciplinarité doit, bien forcément, l’être aussi, à sa manière.

Dans un tel modèle de société sacrale qui veut contenir la violence sociale par la hiérarchisation cloisonnée du social, la séparation des groupes est très étanche et elle est maintenue par un système de privilèges très ritualisé. Cloturée en dernière instance par les sacrifices. L’école est, dans ces sociétés, réservée à des castes d’élites. Le savoir est, considéré comme l’apanage des clercs et il n’y a aucune revendication du partage du savoir dans la diversité d’un corps social qui se reproduit de façon endogène et organique.

Dans une telle société il n’y a pas d’aspiration à la démocratisation de l’enseignement. La ségrégation sociale est telle que l’échec scolaire n’existe presque pas, la sélection se fait en amont de l’admission dans l’école. On ne peut pas véritablement parler de violence par l’école, encore moins dans l’école, si ce n’est la violence minimale et nécessaire qui consiste en la discipline (interdits et rites introjectés sans distance) pour l’acquisition des savoirs et la transformation de soi en conformation aux normes. Ici, la violence est la violence minimale et maximale, initiatique, impliquée par la ritualisation du social. Chaque institution exerce une violence rituelle avec ses rites d’institutions pour

"...un homme rendu impur par des contacts graves avec des substances ou des gens

impurs met en danger par ce que Hutton appelle "contagion", le statut non seulement de sa famille mais de tout son groupe : il faut donc se séparer de lui, comme on ampute un membre gangrené : davantage qu'une punition c'est une mesure de sauvegarde." Dumont, op. cit. p. 229

Le sort de la religion chrétienne égalitaire en Inde est significatif en cela qu'elle dût souvent se compromettre avec la sévère loi des castes :

"...la division entre Shudras et Intouchables s'impose : les missionnaires ne peuvent rester

en contact avec les premiers qu'à condition de ne pas entrer dans les maisons des Parias, et la séparation entre les deux catégories se fait sentir dans le culte, les Parias assistant au même office, mais se tenant dans un bâtiment distinct. Rome quoique, au début, au moins, disposée à approuver l'adaptation ou l'accommodation aux usages sociaux des civilisations supérieures (à l'exclusion de la superstition et de l'idolâtrie), ne manqua pas d'être particulièrement sensible à cette discrimination entre Chrétiens jusque dans le lieu saint." idem. p. 259.

Dumont rappelle aussi que Gandhi qui remettait en cause les fondements de la société de caste a été assassiné par un brahmane extrémiste (idem, p. 281). Il souligne, enfin, que les Intouchables ne seront affranchis que par eux-mêmes (idem, p. 282.).

reproduire le modèle de “sujet” assujetti à ses valeurs, ou “ membre affilié ” comme disent les ethnométhodologues. Chaque institution participe ainsi, à cette reproduction de la violence sociale exercée pour maintenir un ordre préétabli.

Violence organique d’une société qui hiérarchise, sans que l’école ait l’initiative de cette division du social. L’institution éducative est, là, hermétiquement endoreproductrice. Cette endoreproduction sacrale, quoique diminuée, n’a pas totalement disparu de nos sociétés (élite prise en priorité dans l’establishment, discrimination à l’égard des femmes et des migrants, ségrégation des classes pauvres, etc.). Il y a actuellement, incontestablement, rémanence d’une violence sacrale traditionnelle. Elle persiste plus ténue, mais sans doute aussi plus intolérable dans la mesure où elle se combine à d’autres logiques. L’homéostasie et la résistance du modèle sacral, malgré l’apparition d’un modèle sociétal égalitaire, puis égalitariste (Homo aequalis Dumont) est telle que nos sociétés modernes démocratiques n’ont pas pu complètement laisser disparaître toute hiérarchisation, dans l’école et par l’école. Les analyses des théories de la Reproduction avec la description fine de la permanence des“rites d’institution” (Bourdieu) ont, assez minutieusement, mis ces phénomènes, en lumière. Et, ce que Dumont souligne, pour d’autres sociétés à quelque degré demeure vrai, chez nous aussi : ”Les valeurs de caste

enveloppent et englobent les ferments modernes. Le désir de sécurité et les vielles solidarités l’emportent sur les velléités d’indépendance. On ne saurait trouver meilleure démonstration, à ce jour, de l’impuissance de l’éducation moderne et des transformations économiques et sociales à ébranler le système traditionnel.”

Si dans l’éducation traditionnelle, on pouvait constater une initiation très homogène des jeunes, dans les règles des corporations et des rites compagnonniques, on ne peut pas dire qu’à l’époque actuelle, une éducation mêlée et totalement hétérogène des jeunes selon les milieux sociaux lui ait fait place. La violence hiérarchique demeure ✁

, pour une large part, incontestablement.

Désacralisation et exacerbation d’une violence anomique et endémique

"C'est ceci qu'il fallait pratiquer sans négliger cela" ,

Mat. 23; 26.

Quoique l’ordre hiérarchique subsiste en partie avec sa violence spécifique il est évidemment très largement ébranlé depuis longtemps. Il laisse désormais, de plus en plus place à ce que Durkheim appelait la violence “anomique“ et qui semble émerger du social comme spontanément, et de manière inorganisée. Une violence “endémique” (Goffmann) affleure en permanence dans le social où elle “couve” prête à s’emporter en fièvres plus ou

op. cit. p. 283.

Cela n'a bien sûr pas échappé à Simone Weil qui a écrit dans un article intitulé "Survivance des castes" : "L’administration Universitaire est en retard de quelques milliers

Documents relatifs