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PARTIE II : LES TISSUS ADIPEUX : TYPES, FONCTIONS ET MODIFICATIONS

D. Le vieillissement

1. Description et physiopathologie :

Le vieillissement peut être défini comme l’ensemble des changements qui interviennent au

cours de la vie d’un organisme. D’un point de vue biologique et gérontologique, le terme

« vieillissement » revêt un aspect péjoratif. Il s’agit de la dégradation et de la modification

graduelles des fonctions d’un organisme au cours de la vie d’un individu. Cependant, du point

de vue de la physiologie et de la biologie cellulaire, ce concept apparaît de plus en plus

complexe et semble être intimement lié au phénomène de sénescence cellulaire. Les termes de

vieillissement biologique et de sénescence sont d’ailleurs de plus en plus employés comme

synonymes en biologie298. Pour une cellule, la sénescence se définit comme l’arrêt de la

prolifération. C’est un événement complexe qui peut intervenir dans de nombreux cas. La

plupart du temps, il s’agit d’une sénescence réplicative. C'est un phénomène de régulation

physiologique au cours duquel les télomères se retrouvent fortement raccourcis suite à des

réplications multiples. La cellule arrête alors de proliférer mais reste métaboliquement active

c’est ce que l’on appelle l’état de sénescence175. Dans d’autres cas, l’entrée en sénescence peut

s’activer suite à des dommages de l’ADN induits par des espèces réactives de l’oxygène ou par

l’activation de certains oncogènes298,299. En dehors de l’absence de réplication, il existe de

nombreuses modifications phénotypiques liées à la sénescence. Bien que ces modifications

soient pour la plupart propre à chaque type cellulaire, on trouve de nombreux points communs

comme l’augmentation des sécrétions de cytokines pro-inflammatoires, une surexpression des

ligands des cellules immunitaires, l’augmentation des signaux de survie ou encore l’apparition

d’une activité béta-galactosidase172,298–300. Il est donc clair que la senescence est un phénomène

plus complexe que le simple vieillissement au sens commun du terme. Ainsi l’apparition d’une

sénescence au niveau d’un organisme peut être indépendante du concept d’âge et certains

individus d’âge avancé peuvent ne pas présenter de signes liés au vieillissement biologique ou

à la sénescence. Concernant le tissu adipeux, l’étude de sa senescence est très récente mais de

nombreux résultats semblent indiquer un phénotype particulier et propre à ce tissu ayant

potentiellement un impact sur l’organisme entier. Les causes de la sénescence du tissu adipeux

sont peu connues à l’heure actuelle. Néanmoins deux mécanismes peuvent à ce jours être

proposés.

Tout d’abord, il a été montré que l’accumulation de dommages oxydatifs au niveau de l’ADN

ou la réduction des télomères activaient les voies dépendantes de p53. Cette activation de p53

débouche ainsi sur le changement de phénotype des adipocytes avec l’apparition d’une

résistance à l’insuline ainsi que d’une modification des sécrétions et du métabolisme avec une

augmentation de sécrétion de chimiokines comme CCL2 et CCL9 ainsi qu’une diminution de

la sensibilité à l’insuline et une augmentation de la lipolyse. 175,301,302. Il est à noter que bien que

la question de la senescence ne soit pas directement évoquée dans cet article, une activation de

p53, en particulier suite à des dommages chroniques à l’ADN, est un élément majeur influant

sur l’entrée des cellules en sénescence303. Il est aussi montré, que cet effet est induit par la

réduction de taille des télomères, un événement capable de provoquer la sénescence

cellulaire303. Ces mécanismes pourraient donc être proposés afin d’expliquer l’entrée en

sénescence des adipocytes suite à ces événements. Par ailleurs, cet effet étant induit et renforcé

par l’obésité304, ces études soulèvent la question du lien entre obésité, vieillissement et

sénescence.

Plus récemment la Sirtuin 1 (encodée par le gène SIRT1), une désacétylase dépendante du

NADP, a été mise en évidence comme une enzyme majeure impliquée dans le contrôle du

vieillissement et de la sénescence305. La Sirtuin 1 est en temps normal une protéine anti-

vieillissement qui va permettre d’augmenter la longévité d’un organisme et d’améliorer la

fonction de certains organes comme le cerveau, le foie, le pancréas mais aussi et surtout le TA

blanc. Dans ce dernier, la Sirtuin 1 va favoriser la lipolyse, la sensibilité à l’insuline et l’activité

mitochondriale, tout en limitant la lipogenèse, l’inflammation, la différenciation adipocytaire

et l’entrée en sénescence. Cet effet est en particulier dépendant de l’activation de PGC-1α et de

l’inhibition des activités de PPARγ, et NF-κB306 (Figure 19). Dans certaines situations

pathologiques (régime trop riche en lipides, stress oxydatif important …)306,307, la Sirtuin 1 va

être phosphorylée par JNK-1 puis dégradée par le protéasome308. La perte des fonctions de la

Sirtuin 1 va ainsi aboutir au développement de nouvelles pathologies ainsi qu’à un

vieillissement biologique et une sénescence des différents tissus. Il est à noter que l’effet de la

Sirtuin 1 est intimement lié à l’état énergétique du tissu adipeux. En effet, l’obésité307 diminue

l’activité de la Sirtuin 1 alors que la restriction calorique l’augmente309. La question se pose

donc à nouveau de la place de la sénescence dans l’obésité et du rôle protecteur d’une restriction

calorique faible contre cette pathologie.

2. Les effets sur les différents tissus adipeux

Tout comme dans l’obésité, le vieillissement du tissu adipeux associe à la fois des modifications

morphologiques et sécrétoires des tissus adipeux.

Du point de vue de la morphologie et de la répartition des dépôts adipeux blancs, on observe

globalement une diminution des dépôts sous-cutanés et une augmentation des dépôts viscéraux.

Concernant les différents types de tissus adipeux, on observe une perte du TA brun280 avec l’âge

ainsi qu’une diminution des dépôts beiges, en particulier dans le tissu sous-cutané310. Il en

résulte donc une perte globale des fonctions de thermogenèse associée à un déséquilibre

énergétique. Au niveau de l’adipocyte blanc, tout comme dans l’obésité, on observe une

hypertrophie (augmentation de la taille de la gouttelette) et une hyperplasie (augmentation du

nombre d’adipocytes au sein du tissu)175,298.

Le TAPP réagit lui aussi au vieillissement puisque le volume des dépôts de TAPP est fortement

corrélé à l’âge du patient. On assiste donc à une expansion du TAPP avec le vieillissement du

patient235,236. Ce phénomène se retrouve aussi associé au lien entre âge et cancer de la prostate

que nous décrirons dans une prochaine partie.

Les adipocytes médullaires suivent les mêmes modifications morphologiques que les

adipocytes blancs et on observe une forte augmentation de la masse adipeuse médullaire311. On

voit alors apparaître chez l’individu âgé un envahissement médullaire par le tissu adipeux ainsi

qu’une dégradation de la matrice osseuse et l’apparition d’ostéoporose11,266,311.

Concernant les modifications phénotypiques et sécrétoires, on retrouve un état inflammatoire

du tissu adipeux mais avec une différence majeure. Les adipocytes sécrètent, dans ce cas, de

plus grandes quantités de COX-2, d’IL-1, d’IL-6 et de TNF-α. Contrairement à l’obésité où

l’inflammation vient en grande partie de la suractivation des macrophages présents au sein du

tissu174, ces sécrétions sont capables d’augmenter le recrutement de cellules immunitaires mais

aussi leur activation vers un état inflammatoire latent300,312. Bien que le mécanisme reste mal

connu, cet état pro-inflammatoire des adipocytes semble particulièrement lié à l’expression de

certains récepteurs comme le récepteur à la Ghreline172.

La senescence du tissu adipeux a, par ailleurs, de nombreuses implications dans d’autres

pathologies. Il semblerait qu’elle soit corrélée à l’apparition du diabète de type 2, de l’obésité

et de certains cancers. Nous décrirons le lien entre cancer et tissu adipeux sénescent au cours

d’une prochaine partie171,298,313.

Au cours de cette partie nous avons pu voir que le tissu adipeux est un organe complexe, avec

de nombreuses spécificités et une grande variabilité. Il est aussi capable d’exercer de

nombreuses fonctions aussi bien métaboliques que sécrétoires. Afin d’étudier le lien qui existe

entre le tissu adipeux et le cancer de la prostate et l’influence que ce tissu peut avoir sur les

capacités invasives d’une tumeur. Dans notre prochaine partie, nous nous intéresserons donc au

microenvironnement tumoral et plus précisément au rôle que peut avoir le tissu adipeux dans

cet environnement.