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PARTIE I : LA PROSTATE : SA PHYSIOLOGIE ET SES PATHOLOGIES CANCEREUSES

F. Le traitement des cancers de la prostate disséminés et métastatiques

et métastatiques :

Lorsque le cancer de la prostate dissémine à distance, il devient alors nécessaire d’utiliser des

chimiothérapies au sens large du terme : chimiothérapie anti-tumorale conventionnelle,

hormonothérapie ou thérapie ciblée. Seuls ces traitements administrés par voie systémique

peuvent permettre une atteinte des différents sites métastatiques.

1. La chimiothérapie anti-tumorale :

La chimiothérapie est le traitement de référence dans le cancer de la prostate métastatique

hormono- et chimio-naïf76,131. Ce traitement est la plupart du temps associé à l’hormonothérapie

lorsque le cancer n’est pas résistant à la castration131,132. A l’heure actuelle l’utilisation de cette

chimiothérapie est couramment acceptée dans les protocoles de traitements mais la question

reste néanmoins posée sur le moment du début du traitement. Il n’existe actuellement pas de

consensus pour savoir si le traitement doit être commencé dès la découverte des métastases

même si le patient reste asymptomatique76. Les chimiothérapies les plus couramment utilisées

sont des dérivés des taxanes (principalement le docetaxel133 et en seconde ligne le cabazitaxel

134) et la mitoxantrone133,134 qui ont fait leurs preuves lors de plusieurs essais cliniques. Les

chimiothérapies conventionnelles ayant une action systémique elles présentent de nombreux

effets indésirables qui nécessitent aussi l’administration de médicaments et des soins associés

afin de les limiter.

2. L’hormonothérapie :

L’hormonothérapie est un autre traitement essentiel du cancer de la prostate. En effet, le cancer

de la prostate fait partie des cancers dont la croissance est hormonodépendante (dépendante de

la testostérone)76,135,136. On peut donc traiter ce cancer en diminuant la production de

testostérone d’un patient. Lorsque ce traitement n’est pas utilisé comme adjuvant de la

radiothérapie, il est surtout utilisé de façon systémique pour traiter la maladie métastatique en

association avec la chimiothérapie classique76. Il existe deux classes majeures de médicaments :

les antagonistes et agonistes de LH-RH et les anti-androgènes136. Les antagonistes et agonistes

de LH-RH vont agir en amont en mimant ou en bloquant l’action de la LH-RH, une hormone

hypothalamique. Ils vont ainsi diminuer la production de testostérone et sont capables d’induire

une castration chimique rapide par diminution du taux de testostérone. Les anti-androgènes

vont bloquer l’action des androgènes en diminuant leur métabolisme (comme le finastéride un

inhibiteur de la 5α-réductase) ou en bloquant les récepteurs à la testostérone, que ces inhibiteurs

soient stéroidiens (comme la spironolactone) ou non stéroïdiens (comme l’enzalutamide).

Beaucoup plus récemment, on a aussi vu apparaître l’abiratérone, un nouvel inhibiteur du

métabolisme des androgènes mais agissant sur le CYP17 et non pas sur la 5α-réductase comme

les autres molécules137,138. Ce médicament présente des résultats très prometteurs et

encourageants en association avec une chimiothérapie anti-tumorale conventionnelle. Sa

grande efficacité a en particulier été montrée récemment par les résultats des essais STAMPED

et LATITUDE montrés cette année à l’ASCO 2017137,138. Les effets indésirables de

l’hormonothérapie restent limités par rapport à une chimiothérapie classique. Les effets sont

directement liés à la perte hormonale et s’apparentent aux symptômes d’une andropause. On

peut observer des bouffées de chaleurs, des troubles de l’érection, une baisse de la libido, une

prise de poids, de l’ostéoporose et une gynécomastie139. Par ailleurs, tous ces effets indésirables

peuvent faire l’objet de traitements symptomatiques efficaces. Dans de très rares cas,

l’hormonothérapie peut être une castration chirurgicale au lieu d’une castration chimique.

3. Les traitements de la métastase osseuse :

Parmi le traitement des maladies métastatiques, le traitement de la métastase osseuse du cancer

de la prostate fait l’objet d’une approche thérapeutique qui lui est propre. En effet, cette

métastase est particulièrement douloureuse et handicapante pour le patient. Ces symptômes font

donc l’objet d’un traitement à part entière.

Les bisphosphonates représentent la première ligne de traitement contre les symptômes de la

métastase osseuse. Ils agissent en inhibant l’activité des ostéoclastes, diminuant ainsi la

résorption osseuse nécessaire au remaniement dû à la métastase. La molécule principalement

utilisée est l’acide zolendronique. Il s’agit d’un traitement avec une très bonne tolérance mais

une légère toxicité rénale chez les patients prédisposés. Il présente aussi très peu d’effets

indésirables en dehors d’un risque peu fréquent d’ostéonécrose de la mâchoire mais qui peut

être facilement prévenu par un suivi clinique et une évaluation préalable des facteurs de

risque.76,140

Le denosumab est un anticorps bloquant dirigé contre RANK-L, un puissant liguant activateur

des ostéoclastes. Il présente donc la même activité que les bisphosphonates mais avec une

efficacité plus grande. On peut aussi noter un abord plus facile (injection sous-cutanée au lieu

d’intraveineuse), une absence de toxicité rénale et un risque équivalent d’ostéonécrose. Il peut

par contre induire une hypocalcémie à cause de son inhibition forte des ostéoclastes et nécessite

donc un suivi. Il est aussi plus récent que les bisphosphonates et il n’y a donc pas autant de

recul sur l’utilisation pratique de ce médicament en clinique.76,140

Le chlorure de radium-233 est un composé radioactif donc la structure atomique est très proche

de celle du calcium. Il est donc intégré dans la matrice osseuse à la place du calcium et est

capable d’émettre des particules alpha (hautement énergétiques mais de faible pénétration)

pendant une courte période. Ces particules vont ainsi endommager l’ADN des cellules

tumorales métastatiques sans pour autant avoir un effet délétère sur la moelle osseuse. Ce

composé est bien toléré avec peu d’effets indésirables en dehors de diarrhées et d’une faible

toxicité médullaire (en particulier thrombopénie). Il n’est utilisé que depuis peu de temps en

France où il n’a obtenu son AMM qu’en novembre 2013. Il existe encore à l’heure actuelle une

discussion concernant la place et le moment d’utilisation de ce traitement par rapport à la

chimiothérapie et/ou l’hormonothérapie.76,141,142

Au cours des dernières années, de plus en plus de traitements tentent d’agir sur le système

immunitaire afin de favoriser l’immunité anti-tumorale. Plusieurs médicaments ont été créés ou

utilisés dans ce sens dans le traitement du cancer de la prostate.

4. Les immunothérapies anti-tumorales :

L’ipilimumab est un anticorps inhibiteur de CTLA-4 et une des immunothérapies anti-

tumorales les plus connues. CTLA-4 est une molécule d’adhérence qui induit un co-signal

inhibiteur de l’activité des lymphocytes T lors de l’activation du TCR. L’inhibition de CTLA-

4 permet donc d’empêcher l’inhibition de la réponse lymphocytaire T et l’échappement

immunitaire143,144. Ce médicament est indiqué à l’heure actuelle en première ligne de traitement

dans le mélanome avancé avec une efficacité modérée. Concernant le cancer de la prostate, il

ne semble cependant pas présenter d’effet thérapeutique notable et n’a donc pas été utilisé76,145.

Les inhibiteurs de PD-1 suivent un mécanisme semblable aux inhibiteurs de CTLA-4. La

molécule PD-1 induit en temps normal l’apoptose dans les lymphocytes T. En inhibant cette

molécule, on peut donc restaurer là-aussi l’activité des lymphocytes T146. Jusqu’à présent, la

plupart des études n’ont cependant trouvé aucun effet bénéfique significatif sur le cancer de la

prostate. Très récemment, une étude clinique est allée contre cette idée, montrant un effet

probant de ces traitements en association. Il s’agit cependant d’un unique essai de phase II

portant sur 10 patients et les résultats doivent être encore confirmés. Néanmoins, à la vue de

ces résultats, il apparaît clairement que ce médicament reste encore à étudier76,147. Certains

inhibiteurs de PD-1 utilisé dans le cadre du cancer du poumon, comme le durvalumab,

commencent aussi à obtenir des extensions d’AMM afin de pouvoir être utiliser dans le

traitement des cancers de la prostate métatatiques.

Le cancer de la prostate est aussi un des cancers solides à avoir obtenu l’AMM pour un vaccin

anti-cancer. Le Sipuleucel-T est utilisé pour traiter des cellules présentatrices d’antigènes

isolées du patient. Ces cellules chargées par le vaccin lui sont ensuite réinjectées pour induire

une activation des lymphocytes T et une réponse antitumorale. Pour le moment ce médicament

s’est révélé efficace mais uniquement sur des formes de plutôt bon pronostic (Gleason <7). Il

est donc encore nécessaire d’étudier l’efficacité et d’affiner ses conditions d’utilisation afin de

mieux évaluer l’indication et la spécificité de ce traitement.76,148