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Chapitre 3 – Etude de polluants atmosphériques

II. Vieillissement du squalène en présence de polluants

Afin de comprendre les phénomènes mis en jeu lors de l’exposition ex vivo à la fumée de cigarette, une étude a été réalisée sur le modèle non-biologique SFS présenté précédemment. L’objectif de cette étude a été de mettre en évidence d’une part l’impact de divers polluants de la fumée de cigarette sur l’oxydation des lipides, et d’autre part d’évaluer et expliquer les conséquences de cette oxydation sur la physico-chimie de surface de la peau.

Le squalène, un important lipide de la famille des triterpènes de formule brute C30H50, présent dans le sébum et les lipides épidermiques, a été choisi comme lipide modèle car il est facilement oxydable, en raison de ses nombreuses insaturations (Pham et al. 2015) (Figure 26).

Figure 26. Structure chimique du squalène de formule C30H50

Ainsi, la mise en évidence de l’impact des polluants sur l’oxydation lipidique sera facilitée par l’utilisation de ce lipide. De plus, ses principaux produits d’oxydation, les peroxydes de squalène, contribuent à certaines modification physiologiques : ils sont notamment impliqués dans la formation des comédons (Chiba et al. 2000; Pham et al. 2015). Le suivi du vieillissement de ce lipide en présence de polluants est donc pertinent et apportera de nouvelles informations pour répondre aux objectifs du projet UrbaSkin.

Deux catégories de polluants ont été sélectionnées pour cette étude : les HAP et les métaux lourds. Ainsi, trois composés modèles ont été utilisés : du benzo(a)pyrène (B(a)P) (>96% de pureté, Sigma-Aldrich, Saint-Louis, Missouri) qui appartient à la famille des HAPs, du plomb et du nickel (poudre de plomb >99.95% de pureté et nickel >99% de pureté,

139 Sigma-Aldrich), connus pour leur toxicité et présents dans la fumée de cigarette (Borgerding and Klus 2005). Le choix de ces polluants permet de modéliser de façon simple certaines familles de composés contenus dans la fumée de cigarette. Ils font également partie des polluants atmosphériques primaires réglementés et fréquemment présents dans l’atmosphère. Ils sont donc pertinents pour modéliser la pollution atmosphérique de façon plus générale.

II.1. Conditions d’exposition

Plusieurs solutions de squalène avec ou sans polluants ont été préparées et laissées vieillir sous différentes conditions. L’objectif était de définir des conditions de vieillissement suffisamment douces pour ne pas trop altérer la qualité du squalène vieilli seul, tout en étant suffisantes pour mettre en évidence l’effet des polluants sur l’oxydation du squalène. Les différentes conditions d’exposition sont regroupées ci-dessous (Tableau 11). Deux conditions de vieillissement ont été choisies : le vieillissement à température ambiante (TA) sous lumière du jour pendant 45 jours (noté L) et le vieillissement en température à l’étuve (60°C) à l’obscurité pendant 15 jours (noté E). La validation de l’une ou l’autre de ces conditions sera discutée dans la partie 3 de ce manuscrit.

Tableau 11. Conditions de vieillissement du squalène et mélanges étudiés

Conditions Nom Composition des mélanges

TA + lumière du jour S1L (témoin) Squalène 0,5 g

TA + lumière du jour S2L Squalène 0,5 g + B(a)P 10 mg

TA + lumière du jour S3L Squalène 0,5 g + Pb 10 mg + Ni 10 mg

60°C + obscurité S1E (témoin) Squalène 0,5 g

60°C + obscurité S2E Squalène 0,5 g + B(a)P 10 mg

60°C + obscurité S3E Squalène 0,5 g + Pb 10 mg + Ni 10 mg

Toutes les solutions ont été préparées dans des flacons de 22 mL scellés avec un septum en Teflon®, agités à l’aide d’un agitateur magnétique à 400 rpm/min pour les conditions (L) et agités mécaniquement dans les conditions (E).

II.2. Méthodes d’analyse Analyse chimique

Pour analyser la qualité du squalène et son niveau d’oxydation, deux méthodes ont été utilisées : la résonnance magnétique nucléaire (RMN) 1H et la chromatographie liquide à ultra-haute pression couplée à la spectrométrie de masse.

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Les spectres RMN 1H ont été enregistrés pour chaque mélange après 45 jours de vieillissement pour les conditions (L) et après 15 jours pour les conditions (E), en diluant les solutions dans du chloroforme deutéré CDCl3.

La chromatographie liquide à ultra-haute pression couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS : Liquid Chromatography – Mass Spectroscopy) a été la méthode d’analyse chimique principale de cette étude de vieillissement. Elle a été utilisée pour analyser la qualité du squalène après 15, 30 et 45 jours de vieillissement dans les conditions (L) et après 15 jours de vieillissement dans les conditions (E).

La chromatographie liquide à ultra-haute pression (UHPLC) est une méthode séparative qui repose sur la séparation des composés d’un mélange complexe en fonction de leur affinité (chimique ou physique) pour un mélange de solvants (phase liquide mobile) et pour une phase stationnaire solide (colonne chromatographique). Elle se compose donc, de façon simplifiée, d’un injecteur, d’une colonne séparatrice et d’un détecteur. Chaque composé est caractérisé par un temps de rétention qui correspond au temps nécessaire pour que la molécule soit détectée en sortie de colonne chromatographique : plus le temps de rétention est long, plus l’affinité du composé avec la phase stationnaire est grande et/ou son affinité avec la phase mobile est faible et inversement. Dans le cas d’une analyse LC-MS, le spectromètre de masse joue le rôle de détecteur.

La spectrométrie de masse repose sur la détermination de la masse de composés d’un mélange grâce à leur rapport m/z (masse/charge). Pour cela, les espèces à analyser doivent être ionisées, grâce à une source d’ionisation. Une fois ionisés, les analytes sont séparés par un analyseur, en fonction de ce rapport m/z. Un détecteur permet alors de déterminer ce rapport m/z et d’identifier les formules brutes des molécules en présence.

Les éléments essentiels de la technique LC-MS sont regroupés ci-dessous (Figure 27). Les échantillons à analyser ont été préparés comme suit : 7 mg de chaque mélange ont été dissouts dans 1 mL d’un mix de solvants dichlorométhane / acétonitrile 1:1 (Fisher Scientific SAS, Illkirch, France, de grade Optima© de très haute pureté). Les solutions obtenues ont ensuite été filtrées grâce à une membrane PTFE de 0,22 µm de porosité (Fisher Scientific SAS).

141 Figure 27. Principaux éléments constituants l’appareillage LC-MS

La séparation des analytes a été réalisée grâce à l’appareil UHPLC Agilent serie 1290 (Agilent Technologies, Waldbronn, Allemagne), contrôlé par le logiciel Agilent MassHunter (pour l’acquisition et l’analyse des données). 5 µL de chaque échantillon ont été introduits dans une colonne séparative de type Poroshell 120 EC-C18 (Agilent Technologies) de dimensions 2,1 x 55 mm, de taille de particules de 2,7 µm. Les échantillons ont été analysés 2 fois afin de répéter et confirmer les spectres et chromatogrammes obtenus. La phase mobile utilisée était constituée d’eau ultrapure traitée par UV (résistivité de 18 MΩ.cm-1 à 25°C), d’acétonitrile et d’acide formique tous deux de grade Optima© (Fisher Scientific SAS). Le mélange eau/acétonitrile dopé avec 0,1% d’acide formique a été maintenu à un débit de 0,4 mL/min. Un ratio eau/acétonitrile 50:50 a été utilisé de 0 à 5 min, puis ce ratio était augmenté pour atteindre 0:100 après 8 min d’analyse. Ce ratio était ensuite maintenu jusqu’à 17 min, correspondant au temps total de l’analyse (Mountfort et al. 2007).

La détection des analytes par spectrométrie de masse a été réalisée sur un spectromètre Agilent Q-ToF 6530 (Agilent Technologies) piloté par le même logiciel Agilent MassHunter. Les échantillons étaient introduits dans la source d’ionisation directement via le flux sortant de la colonne séparative. L’ionisation a été réalisée par une source APCI (Atmospheric Pressure Chemical Ionization) en mode ions positifs. Cette source permet de générer les composés mono-chargés avec des adduits H+, Na+, K+ ou NH4+, de faible masse moléculaire et présentant une polarité moyenne telles que celle caractéristique du squalène et de ses dérivés. Après optimisation, les conditions d’analyse ont été définies comme suit :

- Température du gaz de vaporisation (N2) : 500°C - Température du gaz séchant (N2) : 325°C

- Débit du gaz séchant : 8 L/min sous 35 psi - Intensité de l’aiguille de décharge Corona : 4 µA - Tension du capillaire : 1900 V

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Les acquisitions ont été réalisées entre 50 et 1700 m/z. L’analyseur utilisé est un analyseur à temps de vol opérant à une résolution d’environ 20 000 m/z.

Afin de déterminer la composition chimique des composés présents dans les échantillons analysés, l’algorithme du logiciel Agilent MassHunter a été utilisé. Celui-ci permet de générer les formules brutes des composés en fonction des critères suivants :

- Pic de masse de plus de 5000 occurrences - Formule contenant 30 atomes de carbone

- Formule contenant entre 0 et 62 atomes d’hydrogène - Formule contenant entre 0 et 30 atomes d’oxygène - Formule contenant entre 0 et 30 atomes d’azote

- Formule ayant un score MGF (Mascot Generic Format) d’au moins 50 - Composition vraisemblable

Le choix a été fait de se focaliser sur les dérivés peroxydés du squalène, de formule brute C30HXOY car ce sont les premiers produits d’oxydation du squalène. Ainsi, les peroxydes de squalène sont des marqueurs pertinents de l’oxydation lipidique (Nakagawa et al. 2007; Mountfort et al. 2007; Pham et al. 2015). De plus, ce sont ces composés qui sont impliqués dans la comédogénèse. Certains composés oxydés pourraient présenter une chaîne carbonée plus courte, mais seraient plus volatils et auraient donc moins d’impact sur la surface de la peau. Des composés de chaînes plus longues seraient issus de l’étape de terminaison du processus d’oxydation du squalène, et seraient donc observés dans une moindre mesure.

Analyse physico-chimique

Afin de déterminer l’impact du vieillissement du squalène sur la physico-chimie de surface de la peau, le modèle SFS a été utilisé. Le revêtement lipidique décrit précédemment a été remplacé par les mélanges décrits dans le Tableau 11 (même protocole de dépôt, réalisé à température ambiante), après 45 jours de vieillissement pour les conditions (L) et après 15 jours pour les conditions (E). Les surfaces ainsi préparées ont été analysées par mesure de l’angle de contact afin de déterminer leur énergie libre de surface.