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CHAPITRE 2 PERCEPTION DE LA PAROLE ET VIEILLISSEMENT

2.2 V IEILLISSEMENT DE LA PERCEPTION DE LA PAROLE

2.2.2 Facteurs explicatifs des difficultés de perception de la parole liées à l’âge

2.2.2.2 Déficit du traitement central lié au vieillissement cérébral

2.2.2.2.1 Vieillissement de la cognition

La PPb peut être affectée par des processus non auditifs tels que les habiletés cognitives. Une méta-analyse de 253 articles incluant des mesures cognitives de l’attention, de la mémoire, du fonctionnement exécutif, du quotient intellectuel et de la vitesse de traitement de l’information a montré une association faible, mais présente, entre les performances cognitives globales et la PPb de

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pour la vitesse de traitement de l’information, 0,34 pour le contrôle inhibiteur, 0,28 pour la mémoire de travail, 0,26 pour la mémoire épisodique, et 0,18 pour le quotient intellectuel ont été observées. Toutes ces fonctions sont susceptibles d’être affectées par le vieillissement normal (pour des revues, voir Grady, 2012; Harada, Natelson Love, & Triebel, 2013) et donc d’expliquer le déclin de la PPb. Plusieurs études ont effectivement observé un lien entre des déficits du traitement cognitif et le déclin de la PPb, incluant l’attention (Tun et al., 2002), la vitesse de traitement de l’information (Pronk et al., 2013), la mémoire de travail (Gordon-Salant & Fitzgibbons, 1997; Pichora-Fuller, Schneider, & Daneman, 1995) ou une combinaison de ces fonctions (Fullgrabe, Moore, & Stone, 2014).

Le modèle Ease of Language Understanding (Rönnberg, 2003; Rönnberg et al., 2013; Rönnberg, Rudner, Foo, & Lunner, 2008) suggère que la mémoire de travail joue un rôle essentiel dans la récupération des signaux de la parole et dans l’inhibition des autres signaux (p. ex. bruit) en condition d’écoute dégradée. La mémoire de travail se définit comme un ensemble de processus qui permettent aux informations nécessaires aux activités quotidiennes d’être temporairement conservées en mémoire et manipulées (Baddeley & Hitch, 1974). Par conséquent, un déclin de la mémoire de travail chez les adultes âgés pourrait entraîner des difficultés à se concentrer sur le signal de la parole pertinent, tout en ignorant les autres bruits concurrents. Des études ont suggéré que les adultes âgés avec une bonne mémoire de travail peuvent compenser pour les difficultés de PPb (Gordon-Salant & Cole, 2016) et qu’un entraînement cognitif visant à améliorer la mémoire de travail peut améliorer la PPb (Ingvalson, Dhar, Wong, & Liu, 2015; Wayne, Hamilton, Jones Huyck, & Johnsrude, 2016).

De plus, des études de neuroimagerie ont observé des différences dans l’activation de régions impliquées dans le traitement cognitif chez les adultes âgés comparativement à de jeunes adultes lors de tâches de PPb. Une récente revue a montré que la perception de la parole dans des conditions normales engage entre autres la voie dorsale de la parole, incluant le gyrus supérieur temporal bilatéral et le gyrus inférieur frontal gauche (Peelle, 2018). Toutefois, lorsque la perception de la parole s’effectue en condition d’écoute dégradée, les ressources supplémentaires comprennent le plus souvent des régions d’un réseau fronto-pariétal et du réseau cingulo-operculaire, mais également du cortex prémoteur. L’auteur propose que l’activation des régions fronto-pariétales reflète un processus attentionnel alors que l’activation des régions du réseau cingulo-operculaire reflète un processus de surveillance de la performance et que l’activation du cortex prémoteur reflète un processus lié à la mémoire verbale. La revue de Peelle (2018) est cohérente avec une récente méta-analyse des études de perception de la parole en condition d’écoute dégradée suggérant qu’un effort plus élevé de PPb

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serait associé à une activation des régions frontales (gyrus frontal inférieur gauche), pariétales (lobule inférieur pariétal gauche) et du réseau cingulo-operculaire (insula bilatérale) chez les adultes âgés (Alain, Du, Bernstein, Barten, & Banai, 2018).

Dans la littérature, des résultats limités suggèrent que l’activation des régions frontales pourrait être associée à un moyen de compensation pour les personnes âgées (Eckert et al., 2008; Erb & Obleser, 2013; Wong et al., 2009), c’est-à-dire que l’activation de ces régions chez les adultes âgés est positivement associée à la performance contrairement aux jeunes adultes. La structure de régions préfrontales, notamment le gyrus frontal supérieur, s’est aussi révélée être un prédicteur de la performance en PPb chez un groupe d’adultes âgés, mais pas chez un groupe d’adultes jeunes (Wong et al., 2010). Une récente étude d’IRM a révélé qu’une faible performance en PPb chez des adultes d’âge moyen était associée à un faible volume de matière grise dans cinq régions frontales, soit le gyrus frontal moyen droit, le gyrus précentral gauche, le cortex médial frontal droit, le gyrus paracingulaire gauche et le cortex insulaire droit (Rudner et al., 2019), appuyant le rôle des régions frontales en PPb chez les adultes âgés.

Les résultats d’autres études appuient que le déclin lié à l’âge du réseau operculo-cingulaire, impliqué lorsque la perception de la parole requiert une attention soutenue (Vaden et al., 2013; Wild et al., 2012), est associé au déclin de la PPb au cours du vieillissement (Eckert et al., 2008; Harris et al., 2009; Vaden et al., 2015; Vaden et al., 2016). Ce réseau comprend le gyrus cingulaire antérieur, l’insula antérieure et l’opercule frontal. Les résultats de l’étude de Harris et al. (2009) proposent que les jeunes adultes montrent une activation du gyrus cingulaire antérieur dorsal lors d’une réponse incorrecte, alors que les adultes âgés montrent un degré d’activation similaire peu importe la réponse donnée. De même, il a été observé que l’activation du réseau cingulo-operculaire avant la présentation d’un stimulus est susceptible d’entraîner une bonne reconnaissance de mots dans le bruit (Vaden et al., 2015; Vaden et al., 2016), mais pas dans la même mesure pour les jeunes adultes que les adultes âgés (Vaden et al., 2015). Le bénéfice de l’activation du réseau cingulo-operculaire avant la présentation d’un stimulus était significativement plus faible pour les adultes âgés par rapport aux jeunes adultes. Ces résultats suggèrent que le déclin d’un réseau exécutif lié à l’attention et à la surveillance de la performance chez les adultes âgés peut nuire à la PPb.

Bien que la cognition soit impliquée en PPb, des études soutiennent l’idée que le vieillissement des fonctions cognitives n’est pas le principal facteur contributif des difficultés. En

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effet, certaines études ne révèlent aucune contribution du déclin de la cognition dans les difficultés de PPb (p. ex. Humes et al., 1994; Schoof & Rosen, 2014). D’autres études suggèrent que des difficultés sont toujours présentes même lorsque la cognition est contrôlée statistiquement (Fostick et al., 2013; Tremblay, Brisson, & Deschamps, en révision). En somme, la présence de difficultés au- delà de l’audition périphérique et de la cognition suggère l’implication d’autres facteurs tels qu’un déclin du traitement auditif central et du traitement de la PPb dans la voie dorsale de la parole.

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