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La vie du projet après l'atelier, évolutions et réussites

Partie II. Mise en perspective des projets étudiés avec les principaux enjeux des

III. Enjeux autour du format des projets, vers une démarche inclusive

5. La vie du projet après l'atelier, évolutions et réussites

a) La temporalité des projets, un facteur d'appropriation de l'espace

La temporalité des réalisations, leur durée de vie, fait partie des sous-objectifs à définir au début du projet. Ce facteur peut avoir une influence sur la conception et la construction, mais également sur l’évolution de l’aménagement après les ateliers.

« Que les espaces publics de proximité ne soient pas figés pour 30 ans, mais qu’ils restent en

chantier, évoluant en fonction des populations, des usages, des interventions, de manière

"incrémentale" (Kroll). Et par là même retrouver des formes de synchronisations sociales, perdues

au fil des années, pourtant vecteurs de rencontres intergénérationnelles et intersociales. "La ville

idéale serait la ville éphémère, œuvre perpétuelle des habitants" (Lefèbvre)

"Une construction n’est pas un objet mais un milieu d’échange, un outil d’intégration qui doit (…)

comme un paysage, évoluer dans le temps" (Team Zoo). Alors nous devons repenser en termes

d’évolutivité, de flexibilité, ou de mutabilité, conditions d’une appropriation des espaces. Car c’est en agissant sur eux qu’ils deviennent nôtre. Y travailler, dès la conception [...] Imaginer que les espaces créés puissent évoluer dans le temps, en fonction des usages. Ne pas être figés mais accepter des modifications, des corrections, des améliorations. »[12]

Si l’objectif de la participation est notamment de créer un moment de construction commun qui permette la rencontre et la mise en commun de points de vue et de savoir-faire, correspondant à un moment particulier d'appropriation de l'espace, on peut se demander si l'objectif n'est pas de multiplier ces actions pour multiplier ces expériences, plutôt que de créer un aménagement pérenne. «[…] "la construction d’une situation est l’édification d’une micro-ambiance transitoire et

d’un jeu d’événements pour un moment unique de la vie de quelques personnes" (Constant/Debord). Et de se jouer des temporalités : "Au temps de l’éphémère, en effet, semble correspondre souvent un espace de l’exception, de l’extra-ordinaire, espace où précisément peuvent s’exprimer de puissantes manifestations d’ordre symbolique même si elles se déroulent dans de courtes durées" (Chaudoir). »[12]

Pour que le projet puisse être appropriable par le plus grand nombre, il est nécessaire que les choses ne soient pas figées.

Cette question se pose d’autant plus dans le cadre du travail dans les centres d’accueil car ceux qui auront participé aux ateliers correspondront à une minorité de résidents par rapport à ceux qui transiteront par les centres. Il peut ainsi être judicieux de multiplier ces moments-actions.

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«Certains animateurs disent que les projets doivent coller au mieux à la temporalité des résidents à un moment T d’autres envisagent ces projets comme des fils conducteurs déconnectés de la temporalité du public. » (Quentin, Robins des Villes)

Inclure les projets dans une démarche à moyen ou long terme, par la mise en place d’ateliers de construction successifs apportant chaque fois une dimension nouvelle permettrait la « construction

d'un commun par micro actions »[15]

De plus, un projet pour l’espace sur le long terme rend possible les allées et venues entre les équipements réalisés, les usages induits et les projections sur l’espace. Cela permet ainsi de tester la viabilité des micro-équipements et de permettre une « souplesse dans l'évolution des

pratiques et des désirs » [15]

Dans les projets étudiés, une contrainte était posée impliquant de fixer et de lester le mobilier, ainsi aucune modulation n'est possible une fois le projet terminé. Cependant, cette dimension flexible pourrait être amenée également par le mobilier. Des unités modulables permettraient à tout un chacun de déplacer les éléments, les superposer, les changer de sens. C’est notamment ce qui a été proposé par le collectifs Etc. pour répondre aux demandes des résidents du Camps de Vintimille (voir fig.14). [11]

La dimension évolutive du projet est apportée ici par le végétal, son côté éphémère, fragile, vivant, oblige à apporter un certain soin au quotidien pour qu’il perdure.

De plus, il est nécessaire d’opérer un renouvellement : de nouvelles plantations, de nouveaux apports de substrats etc. qui incite les arrivants à participer et à s'approprier le projet et l'espace.

b) Vie de l’aménagement, une appropriation par le plus grand nombre

i. Appropriation par les participants

« La dynamique d’un projet augmente quand les acteurs concernés se l’approprient : le projet prend de la

valeur s’il est porté et soutenu par les acteurs concernés. Il n’en sera que plus vivant, plus solide. » (Osons

Agir, 2016)

Le projet d’aménagement de manière générale et le projet participatif en particulier ont pour objectif d’améliorer la qualité des usages voire de modifier les usages d’un espace. Ces attentes en matière d’usages sont formulées, en fonction du diagnostic, lors de l’intention de projet. Elles permettent alors de définir les critères de réussite de cette évolution. Tout spécialement dans le cadre d’un projet participatif, l’espace aménagé doit permettre une appropriation des lieux puisque ce sont les usagers eux-mêmes qui ont décidé des changements à apporter.

« Ca va être aussi, je pense, aux animateurs et aux salariés de Forum Réfugiés de réutiliser ces aménagements, de les mettre en avant, de créer un environnement autour et un climat qui amène tout un chacun à venir utiliser et user de ces choses-là. [...] Il y a aussi tout l'aspect social pour le coup et ce qu'on va pouvoir apporter autour qui va faire que chacun fasse que ça va vivre. » (Quentin, Robins des Villes)

Or, dans ce contexte particulier, avec le roulement constant des arrivés et départs au sein des centres, rares sont les participants qui pourront profiter de l’aménagement. Ainsi, il peut être nécessaire d’animer des temps sur ces espaces afin que chacun se l'approprie.

Ici, l’objectif était d’investir des lieux sans usage particulier ou sans usage connu. Le projet de mur végétal dans le CADA Saint Jérôme n’a pas modifié les usages en soi mais a permis de rendre le lieu plus agréable.

Figure 14 : Photo des modules construits pour le projet dans le camp de Vintimille (Collectif Etc., 2016)

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« Alors moi j'y vais pas trop parce que, tu sais, mon bureau est de l'autre côté »(Aude, Forum Réfugiés)

Au centre de transit, des usages ont pu se développer, mais le retour sur le projet souligne surtout des dégradations et un manque de soin apporté dans la gestion qui a conduit à la disparition de la plupart des végétaux. Le respect des aménagements est à mettre en lien avec le nombre de participants impliqués par rapport au nombre d'usagers potentiels du lieu. Les personnes n'ayant pas participé sont moins susceptibles de s'approprier le projet et peuvent plus facilement être à l'origine de dégradations. Il devient alors intéressant de se questionner sur le nombre de personnes impliquées et de mettre cet aspect en perspective avec le temps de résidence des demandeurs d’asile dans le CADA.

« Ce que je souhaiterais c'est pour l'an prochain dire "voilà y'a cet espace qu'est-ce qu'on en fait ?" au

printemps dès le mois de mars, au moment des plantations. On reprendra le projet vraiment, en fait c'est pas mal qu'on l'ait fait, on démarre un truc et ça va être repris et on sera vraiment sur "qu'est-ce qu'on fait avec ces bacs et il manque une poubelle comment on la construit ?" » (Aude, Forum Réfugiés)

ii. Valorisation du projet

La valorisation du projet peut passer par la mise en place d’un « événement festif qui manifeste,

d’une certaine manière, le bonheur associé à la réalisation du projet » (Macaire, 2006). « L’idée est de créer des moments d’échange ouverts à tous, qu’il s’agisse de concerts, de repas partagés ou de débats publics. »[15]

Le format de projet in-situ favorise l’inauguration des aménagements rapidement après la fin des ateliers. Une fois les ateliers finis, les éléments sont en place, directement utilisables, un moment de convivialité peut être organisé, afin de permettre à tout un chacun de venir profiter des lieux, y compris les personnes n'ayant pas participé au projet étant touchées de près ou de loin par sa réalisation. Ce moment de convivialité peut être associé à un moment de créativité, dans la mise en place d'une scénographie festive par exemple. Cela participe au processus inclusif de ce type de projet. [12]

Dans les projets étudiés, la création d’événements festifs était prévue pour inaugurer les projets. Au CADA, il n’a finalement pas été mis en place. Au centre de transit, un barbecue a été organisé un moment après la fin des ateliers, à cause de différentes contraintes (ramadan, vacances des salariés..). Tous les demandeurs d'asile ayant participé n’étaient donc plus présents lors de l'événement. Dans ce partenariat, l'organisation de ces événements relève plutôt de la responsabilité des animateurs Forum Réfugiés.

« La multiplication des temps de productions collectives, couplés à une programmation festive et événementielle pourraient donc permettre de mettre en mouvement des lieux pour construire du

commun. » [12] L’inauguration permet de mobiliser autour du projet et de le rendre visible,

cependant, pour assurer la vie de l’aménagement après les ateliers, un passage de relais est nécessaire.

iii. La transmission

Puisque le projet a un « devenir incertain » (Macaire, 2006), il est essentiel de mettre en place des méthodes de transmission afin qu’il soit appropriable par la suite. La transmission se fait à plusieurs niveaux : entre les participants et au sein des entités qui encadrent le projet, mais également à un public élargi. Un objet de diffusion attrayant permet à la fois de valoriser le projet et de le transmettre, le rendre appropriable par le plus grand nombre. Cela peut passer par un article de blog, une publication, une vidéo.

Les participants étant ici un public temporaire, une transmission doit se faire entre les résidents afin que le projet et l’aménagement survivent au départ de ses initiateurs. De surcroit, pour les projets intégrant du végétal, la survie et donc la qualité de l’aménagement dépendent de cette transmission. Les animateurs des centres peuvent avoir un rôle à jouer dans cette étape.

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« Oui après c'est effectivement un petit peu différent si c'est Aude en tant qu'animatrice, personne qui ne vit pas dans le CADA, qui propose ou si c'est quelqu'un qui y vit, qui y a vécu et qui transmet à quelqu'un qui va être dans la même situation. » (Nathalie, Robins des Villes)

La transmission au sein des entités qui interviennent est essentielle pour garder la mémoire des projets. Cela permet d’enrichir la méthodologie et de la rendre appropriable par l’ensemble des personnes travaillant au sein de ces structures. Cet enjeu d’appropriation est particulièrement fort lors du départ d’un salarié, qui peut emporter avec lui son expérience et son savoir-faire. C’est pourquoi, il faut essayer de retracer au mieux les démarches, « le marquage des étapes participe

ainsi de la dynamique du travail » (Macaire, 2006).

Ici, le retour sur expérience formel est quasiment absent chez Robins des Villes. La transmission se fait plutôt de manière informelle, orale.

c) Evaluer le projet, une étape bilan

Les critères d’évaluation sont fonction des objectifs, remplis ou non. Cette évaluation permet d’estimer la réussite ou les points de blocage du projet, et d’agir en fonction pour les projets suivants : ce qui peut être reconduit et ce qui doit être amélioré pour remplir les objectifs.

Ici il existe une difficulté pour évaluer le projet en dehors des éléments tels que l’aménagement de l’espace et l’implication des résidents, qui sont des objectifs remplis selon les différents acteurs.

« Je disais même que c'était un indicateur de réussite du projet de dire : "ils se sont impliqués dans la

conception à tel point qu'ils ont envie que ça survive et qu'ils vont peut-être découvrir un plaisir à s'en occuper et une responsabilité aussi"» (Yaël, Robins des Villes)

« C'est avec les enfants, je m'étais pas trop projetée en fait nous au départ c'était plus un atelier d’adultes […]

On se fait des sessions Mölkky et c'est génial on l'utilise vraiment et ils sont super contents parce que en plus là y'a encore les enfants qu'ils l'ont fait donc ils sont fiers et […] y'a des adultes qui sont sur les bancs pendant qu'on joue et ils ont aussi envie de jouer avec nous. Donc pour moi ça c'est un objectif qui a été dépassé. »

(Aude, Forum Réfugiés)

Les autres objectifs n’étant pas clairement définis en amont, on peut s’interroger sur les critères de réussite et les critères avec lesquels ils sont en lien : l’implication du plus grand nombre, la création d’une équipe de travail, la durée de vie de l’aménagement, l’apparition de nouveaux usages ?

Cette mise en perspective permet de faire ressortir des leviers d'action et des pistes de réflexion concernant les projets participatifs avec les demandeurs d’asile. Certains outils mis en place répondent aux spécificités des résidents des centres, d’autres éléments pourraient également être développés, c’est ce que nous allons aborder dans la partie suivante.

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Partie III. Pistes d'adaptation de la méthode des projets participatifs aux demandeurs d'asile

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