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III. Impact des troubles cognitifs

III.3. Vie familiale

Vivre avec la sclérose en plaques impose aux familles de véritables challenges, la maladie venant bouleverser l’équilibre émotionnel de chacun. Les troubles cognitifs, eux-mêmes, peuvent exacerber les conflits familiaux mais aussi resserrer les liens de confiance, d’amour et de complicité. Il n’est pas possible de prévoir ce que la SEP va modifier dans la vie des familles. Cela va dépendre de différents éléments comme :

- la maladie elle-même (type de SEP, symptômes, gravité)

- les expériences et sentiments antérieurs que chacun peut avoir de la SEP, les représentations qui s’y rattachent

- l’âge de chacune des personnes concernées et la période de vie qu’elle traverse, son histoire, ses expériences passées, sa personnalité

- le lien qui unit le membre de la famille à la personne malade (conjoint, parent, enfant, frère ou sœur, parent éloigné…)

- le type de relation préexistant à la maladie (bonne entente, conflits, rivalité) - la configuration familiale

- la capacité et la disponibilité de l’entourage à aider et à accompagner le patient - les conditions de vie de la famille, son réseau social et relationnel

- le niveau socio-économique et la situation professionnelle de chacun - l’histoire et l’organisation de la famille

- les croyances familiales (religion mais aussi croyances sur la santé, la maladie, la médecine et le monde médical en général)

- les modes de communication entre patients et proches

Au fil des ans, les familles ont tendance à développer leur propre rythme : une façon prédictible de gérer la routine quotidienne. Les troubles cognitifs peuvent empêcher la personne ayant une SEP

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de continuer de remplir le même rôle au sein de sa famille et de tenir les mêmes responsabilités, par exemple quand les problèmes mnésiques mènent à un manque de fiabilité (oubli d’aller chercher les enfants à l’école).

De ce fait, c’est le rythme de la famille entière qui est amené à être remanié. Les changements cognitifs viennent donc modifier l’équilibre de la relation entre les différents membres de la famille. Le conjoint en bonne santé va parfois endosser de plus en plus de responsabilités et de corvées ménagères, ce qui peut le conduire à se sentir délaissé de l’ancien partenariat. Les enfants de tout âge peuvent ressentir une certaine pression à endosser un rôle plus protecteur et à se retrouver graduellement dans un rôle de dispenseur de soins qui menace leur propre sentiment de sécurité et leur sensation de bien-être.

Les membres de la famille peuvent devenir anxieux du bien-être de la personne atteinte de SEP qui est facilement perdue, oublie d’effectuer des actes importants (comme couper la gazinière ou fermer la porte), passe au feu rouge, manque d’autres signaux en conduisant ou perd ses capacités de jugement. En raison de cela, il arrive qu’ils ressentent le besoin de superviser la personne qu’ils aiment.

Enfin, ils peuvent être amenés à douter des capacités, des compétences, du jugement de la personne souffrant de SEP, cela venant affecter leur confiance en l’autre voire leur respect pour l’autre.

Que cela soit reconnu ou non, cette redistribution des rôles vient perturber l’interaction et la communication intrafamiliale. Dans les cas les plus dramatiques, ces reconfigurations successives mènent à un appauvrissement de la relation ou à des séparations et des divorces, plus fréquents que dans la population générale (Pfleger et al., 2010).

Les personnes atteintes de SEP expriment souvent la sensation que les autres ne prennent pas au sérieux leur plainte à propos des troubles cognitifs. Des membres de la famille ou des amis bien intentionnés peuvent par exemple leur dire « Moi aussi j’oublie des rendez-vous, ça arrive à tout le monde » ou « On devient juste vieux ! ». De tels mots de réconfort ont tendance à banaliser et à invalider ce qui est un véritable problème reposant sur une maladie neurologique.

Malheureusement, les médecins renforcent parfois ces démentis en utilisant de très brefs tests comme le MMS (Mini Mental State) qui échouent à détecter autre chose que des troubles cognitifs sévères.

Ainsi, les amis et la famille ne réagissent pas toujours aux troubles cognitifs de manière adaptée, n’étant pas informés ou en tout cas pas suffisamment pour relier les changements de

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comportement qu’ils voient aux conséquences de l’atteinte neurologique de la maladie. De plus, ces changements ayant tendance à se mettre en place de manière insidieuse, ils sont souvent peu compris, non seulement par l’entourage mais aussi parfois même par la personne souffrant de SEP elle-même.

Du ressentiment peut survenir lorsque la personne ayant une SEP a le sentiment d’avoir des problèmes cognitifs que la famille nie ou minimise ou, à l’inverse, lorsque qu’elle nie avoir un problème que les membres de la famille ont repéré et essaient de nommer.

Il est facile pour le conjoint ou les enfants de mal interpréter les problèmes d’attention et de mémoire en pensant par exemple « Tu n’écoutes pas… » « Tu ne fais pas assez attention pour te souvenir ! » ou les problèmes d’organisation en disant « Tu bâcles tout ce que tu fais… », « Tu as l’air de ne plus rien suivre », réagissant avec une certaine frustration. Cette frustration peut aussi être leur propre forme de déni. Ainsi, lorsqu’ils ne sont pas compris, colère et confusion peuvent accompagner les troubles cognitifs.

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