• Aucun résultat trouvé

II. Méthodologie de la recherche

3.2. Les stratégies d’intervention mises en œuvre

3.2.4. La vie dans les centres

Les enfants qui acceptent d’intégrer les centres de prise en charge se voient obliger de réorienter leur mode de vie. En fait, une fois arrivés, ils sont tenus de respecter les règles et les principes de l’institution d’accueil, qui le plus souvent sont contraires à leur façon de vivre dans la rue. Quelles que soient les structures qu’ils choisissent d’intégrer, ils sont soumis à de nombreuses contraintes. En effet, le bon fonctionnement des institutions est régi par un ensemble de règles et

de principes qui permettent les interactions entre les personnes. Ainsi, les enfants sont tenus de se conformer aux règlements internes en fréquentant ces espaces. Selon les intervenants, dès que les enfants viennent dans le centre ils sont dans l’obligation de se conformer aux disciplines comme l’affirment ces intervenants :

On a établi un ensemble de règles et de principes leur disant ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire. Dans le cas où un enfant persiste, on le contraint de laisser le centre. (Int3, inst1).

On a des principes dans le centre parce que sans les principes il n’existe pas de vie dans un espace. On les forces ne pas y rester parce qu’elles sont libres. (Int2, inst3).

Les institutions qui ont des structures ouvertes et semi-ouvertes reçoivent les enfants de jour et les soirs, ils retournent dans leur baz. Dans ce cas de figure, les enfants sont libres de faire des va-et-vient entre la rue et les centres. Mais, ils doivent respecter les principes et la discipline établis pour qu’ils puissent bénéficier de certains services, en cas de non-respect ils seront expulsés. En ce sens, en fréquentant ces espaces, leur liberté est plutôt restreinte contrairement à leur manière de vivre dans les rues. Par ailleurs, ceux qui choisissent d’intégrer une structure fermée perdent totalement leur liberté puisque la vie dans le centre est réglementée et chronométrée. Les institutions qui ont des structures fermées ressemblent beaucoup plus aux structures familiales. Certains intervenants expliquent la vie dans les centres fermés ainsi :

Tous les matins, ils doivent faire leur lit bien qu’il y a une ménagère. Ils doivent participer dans les taches ménagères, c’est le principe du centre. On croit à la méthode participative. Ce sont les enfants qui font les vaisselles, nettoient les cours, les chambres à coucher, les salles de bain, etc. Cependant, ils les ont faits par équipe, il y a diverses équipes et chaque semaine une équipe à la responsabilité des tâches domestiques. (Int1, inst2).

La participation des enfants dans les tâches ménagères est nécessaire. Ainsi, les enfants intégrant les structures fermées doivent participer à tous les travaux dans les centres. Ces structures exercent un contrôle systématique sur les enfants comme le soulignent ces intervenants :

…ils reviennent de l’école à 13 h. Entre 13 h et 14 h, ils mangent

après, ils doivent être dans la salle du suivi scolaire. Madame Manuela et moi, nous devrions vérifier s’ils ont des devoirs, des leçons afin d’assurer le suivi. Les leçons doivent être sues et les

devoirs faits, avant de rentrer chez nous vers les 16 ou 16 h 30. (int1, inst2).

…vers les 16 h, c’est moi qui suis responsable et c’est aussi mon problème. C’est moi qui suis responsable de l’animation. Je dois jouer avec eux, on fait toutes sortes de jeux : dominos, cartes, etc. On joue également au football. Ensuite, vers 19-20 h après le souper, je dois prier avec eux. Parce que vers les 20 h, ils doivent être au lit. (Int3, inst2).

La vie dans le centre est réglementée par un ensemble d’activités visant à modeler le comportement des enfants. Ces derniers ne sont pas libres puisque le temps du coucher, des repas et du réveil est réglementé. Par ailleurs, les enfants doivent aller à l’église tous les dimanches comme le témoigne cette intervenante :

Tous les dimanches, ils doivent aller à l’église. C’est l’une des

raisons pour lesquelles nous réalisons des entretiens tous les samedis parce que nous voulons savoir ce qu’ils n’aiment pas dans le foyer et à l’école. Après avoir expliqué ce qu’ils aiment et ce qu’ils voulaient avoir. On leur demande de préparer leurs chaussettes parce qu’on demande à la lessiveuse de ne pas laver leurs chaussettes et leurs slips (sous-vêtements). (Int1, inst2).

Les responsables de cette institution emmènent tous les enfants à l’église. Alors, aller à l’église fait partie des règles des institutions à vocation religieuse. Ces institutions enseignent aux enfants qu’ils sont les enfants de Dieu et en tant que tels ils doivent régulièrement aller à l’église. En effet, elles se servent de la religion pour socialiser les enfants. Par conséquent, tous les enfants qui refusent de respecter les règles établies seront punis selon cette intervenante :

… on ne peut pas donner deux punitions à l’enfant, le fouetter et le mettre à genou en même temps. Je vais vous donner un exemple, si l’enfant devait nettoyer la salle de bain et qu’il a fait quelques choses de grave je vais ajouter les vaisselles. C’est ainsi qu’on les punit. (Int1, inst2).

Dans la société haïtienne les châtiments corporels sont très présents. Pour punir un enfant, on utilise généralement le fouet. Ainsi, les institutions veulent dépasser cette tradition faisant croire que seuls les châtiments corporels peuvent porter un enfant à changer son comportement. Donc, l’augmentation des tâches ménagères est priorisée par les institutions. Dans un tel contexte,

Lubin (2007) semble avoir raison quand elle affirme que bon nombre de ces enfants laissent les centres pour retourner dans la rue.

En effet, lorsque l’enfant manifeste la volonté d’intégrer une structure quelle soit fermée, ouverte ou mixte, l’enfant doit se sentir en sécurité et prêt à développer des relations durables avec les intervenants qui l’encadre. Les enfants qui ont fui leur foyer pour des raisons cherchent quelqu’un à se confier. C’est en ce sens que les structures institutionnelles doivent permettre aux enfants de construire des liens interpersonnels forts et durables, fait d’affection, de confiance et d’estime réciproques durables (http://portailenfantsdesrues.org/, 2011).