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II. Méthodologie de la recherche

3.1. L’ANALYSE DE LA REPRÉSENTATION DES INTERVENANTS AUPRÈS DES ENFANTS DE LA RUE

3.1.2. Les enfants de la rue considérés comme des « délinquants »

Pour d’autres intervenants, les enfants des rues sont perçus comme des délinquants. Face à certains problèmes rencontrés dans les rues, les enfants sont dans l’obligation de développer un ensemble d’actions visant à assurer leur survie. Pour certaines institutions, comme l’a souligné Pérez López (2009), c’est le manque de socialisation des enfants de la rue qui les poussent à commettre des actes de délinquance. C’est ainsi qu’ils arrivent à commettre des actions qualifiées de « délinquances » comme le vol, la consommation de la drogue, etc., et des actions violentes comme des assassinats, considérant la délinquance comme un ensemble d’actions qui vont à l’encontre des normes et des valeurs partagées par une société. Ainsi, certains intervenants représentent les enfants de la rue comme des délinquants.

Les enfants de la rue sont agressifs, des retardés scolaires, comment pourrais-je dire cela…, agressifs, retardés scolaires, ensuite, ils sont très vulnérables. (int3, inst1)

La représentation des enfants de la rue, selon les intervenants, c’est un mélange de violence et un manque d’éducation scolaire qui font d’eux des êtres vulnérables selon les intervenants. Agnelli (1986) considère que l’enseignement scolaire devrait être un moteur de progrès social servant à améliorer les conditions de vie des déshérités. En ce sens, un manque de scolarité peut entrainer des actes de violence chez l’enfant qui ferait de lui un délinquant. Tandis que pour d’autres intervenants c’est le système de rue qui occasionne la délinquance des enfants de la rue comme le témoigne cet intervenant.

Les enfants de la rue ont tous les défauts du monde. Ils sont des voleurs, ils se battent constamment. Comme le système de rue est dangereux. De plus, ils sont des malades parce qu’ils veulent toujours avoir des rapports sexuels avec d’autres enfants de leur âge et de plus ce sont des hommes. (Int3, inst2)

La rue symbolise le lieu où l’on apprend toutes les valeurs négatives de la vie sociale selon les intervenants. De plus, comme la sexualité est encore taboue dans la société haïtienne, ceux qui ont des rapports sexuels particulièrement avec d’autres hommes sont jugés comme étant des malades. Par ailleurs, pour d’autres intervenants, ce sont les actes de banditisme et vandalisme commis par les enfants qui font d’eux des délinquants. En ce sens, un intervenant décrit les actes de délinquance et de banditisme que les enfants ont commis dans les rues ainsi :

Les enfants de la rue particulièrement les plus âgés me disent que les soirs, ils tentent de rançonner certains passants dans certaines zones. Ils utilisent la violence pour forcer les passants à vider leur portefeuille. Ils utilisent des fausses armes pour tromper et faire peur aux gens afin d’obtenir ce qu’ils cherchent. Ce sont les plus âgés qui ont cette pratique et souvent ils utilisent les plus petits pour commettre aussi ces actes de banditisme. Ils ordonnent aux enfants de commettre une action sans sa participation directe. En ce sens, ils utilisent les plus petits pour rançonner les passants. Ce ne sont pas tous les enfants qui participent à ces actions de banditisme et de délinquance, mais très peu y participent. (Int4, inst1).

Ainsi, certaines stratégies utilisées par les enfants pour assurer leur survie prouvent selon les intervenants qu’ils sont des délinquants. En ce sens, l’utilisation de la violence et des fausses armes contribue à faire peur aux passants et les contraindre à donner tout ce qu’ils avaient en leur possession. Mais, il existe également une hiérarchisation dans les groupes ou les plus âgés contraignent les plus petits à commettre des actes de délinquance. Tandis que pour d’autres intervenants, ce sont les actes d’agressivités et de violences qu’exercent les enfants envers d’autres personnes extérieures à leur bande qui font croire qu’ils sont des délinquants.

Généralement, ils se définissent en opposition à ceux qui sont extérieurs au groupe et ils sont très violents. Ils peuvent tuer, blesser pour la moindre des choses, ils sont très agressifs. Certains enfants avec qui je travaille possèdent des armes à feu, certains d’entre eux, m’ont déjà dit combien de personnes qu’ils ont déjà tuées. Ils décrivent comment ils volent les personnes et pourquoi ils tuent. Ils sont très, très violents, ils peuvent vous tuer pour un

rien et généralement, ils ont des rasoirs ou des petites lames de rasoir sur eux. (Int1, ins1).

Par ailleurs, pour vivre dans la rue, les enfants ont tendance à se regrouper et vivre en bande. Or, pour les intervenants s’ils s’organisent ainsi c’est pour faire face à l’insécurité et la solitude. Ainsi, une étude réalisée par des Organisations travaillant auprès des enfants en situation difficile dans le pays confirme que le baz « se bwadeyebanan tout negkiladann » (« la base est le support de celui qui en fait partie ») (AMI, UNICEF et Haïti protection Cluster/Child protection, 2011 :10). C’est ainsi que ceux qui ne font pas partie de leur monde ne sont pas les bienvenus puisqu’ils peuvent être très violents envers eux. De plus, selon les intervenants, certains enfants ont des comportements meurtriers et se comportent comme des bandits puisqu’ils ont confirmé le nombre de personnes tuées. En ce sens, les intervenants se représentent les enfants de la rue comme des délinquants.

Par ailleurs, d’autres intervenants représentent les enfants comme des acteurs, mais pas comme des victimes ni comme des délinquants.