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QUESTIONNAIRE DE 24 MOIS (à remplir par les parents)

B ) COMPARAISON DES RESULTATS AVEC LES ENFANTS ENTENDANTS

2) LE VERSANT ORAL

L’orthophoniste chargée d’évaluer la compréhension et la production à l’oral de S. et M. n’a obtenu aucun résultat significatif. Au niveau de la

compréhension, aucun de ces enfants n’a été capable de désigner l’image

correspondante au mot dit ou d’effectuer le geste LSF adéquat; et au niveau de la

production aucun mot n’a pu être énoncé à l’oral sur présentation d’image.

En revanche, concernant A., 16 mots de la précédente liste ont été compris et identifiés à l’aide du LPC tels que: « attention », « au revoir », « beau », «bébé », « bonjour », « chat », « chaud », « école », «encore », « fleur », «papa »,

« maman », « merci », « où », « sale », « tomber » et le nom de l’enfant. Et 8 mots ont été produits à l’oral: « maman », « papa », « où », « bébé », « sale », « chat », « beau » et « bonjour ».

On peut penser que A. en même temps qu’elle acquiert la langue des signes s’approprie des rudiments de langue vocale que lui transmettent en parallèle ces parents oralisants et son éducation oraliste aux Chanterelles.

De ce fait, on peut supposer que l’enfant sourd s’imprègne plus au moins rapidement et est plus ou moins sensible à cette éducation oraliste selon la qualité de son gain prothétique, ses compétences et appétences propres et l’importance des stimulations de son environnement.

CONCLUSION

L’ensemble de cette étude a tenté d’offrir une approche de l’acquisition précoce du lexique gestuel de la langue des signes chez l’enfant sourd congénital né de parents sourds. Le fil conducteur de cette recherche a été de savoir si l’acquisition du langage chez l’enfant sourd s’exprimant sur le mode gestuel pouvait être rapprochée de celle de l’enfant entendant s’exprimant dans une langue orale et dans le cas contraire quelles en étaient les spécificités propres.

Pour ce faire nous avons tenté, dans un premier temps, de recueillir l’ensemble des données théoriques nous permettant de comprendre et de définir les contours de notre sujet d’étude .C’est ainsi que nous avons abordé, dans un premier chapitre, l’audition, ce qui nous a permis de tracer les différents aspects de la surdité et sa prise en charge. Puis, nous avons consacré un chapitre à la langue des signes en passant par son historique, sa description et son fonctionnement ainsi que son importance dans la culture sourde. Enfin, notre dernier chapitre s’est intéressé au développement du langage chez l’enfant entendant et chez l’enfant sourd dans son aspect formel mais également dans son aspect interactionnel avec la mère, interlocuteur privilégié de l’enfant.

Dans un second temps, nous avons réalisé une partie pratique faisant le lien avec notre partie théorique. Nous avons ainsi présenté les objectifs de notre travail, le test utilisé, son protocole de passation et la population sur laquelle a porté notre étude. Nous avons ensuite procédé à une analyse quantitative et qualitative des résultats de la population des enfants sourds et nous les avons comparés à ceux des enfants entendants.

Ces différentes analyses nous ont conduit aux observations suivantes:

 la compréhension de signes chez l’enfant sourd précède la production de signes et elle est quantitativement supérieure à cette-dernière, c’est-à-dire que l’enfant sourd comprend beaucoup plus de signes qu’il n’en produit, à l’instar des enfants entendants lorsqu’ils effectuent leurs « premiers pas lexicaux » dans la langue orale;

 au niveau qualitatif, le lexique signé des enfants sourds est composé des mêmes catégories lexicales que celui des enfants entendants avec une dominance de substantifs faisant référence aux animaux, aux aliments et aux parties du corps;

 la combinaison syntaxique chez les enfants sourds s’exprimant en langue des signes est réalisée au même âge que chez les enfants entendants, autour de 24 mois. Néanmoins, rappelons que la syntaxe de la Langue des Signes Française est fondamentalement différente de celle de la langue orale: ici on considère que cette notion de « combinaison syntaxique » concerne le stade de la juxtaposition et l’association de 2 ou 3 items lexicaux gestuels chez l’enfant sourd congénital de parents sourds et oraux chez l’enfant entendant;

 néanmoins le niveau de compréhension de signes chez les enfants sourds participant à notre étude semble sensiblement inférieur par rapport au niveau de compréhension orale des enfants entendants.

 en contrepartie, la production de signes chez les enfants sourds de notre

population est supérieure à la production de mots chez les enfants entendants à 24 mois. On peut supposer que cela s’explique par le fait que la réalisation d’un signe gestuel est plus aisé que la réalisation d’un mot, du fait que l’émission d’un mot suppose une sélection et une combinaison phonologique précise garante du sens ainsi qu’une réalisation praxique fine des organes buccaux-phonateurs. En revanche, la réalisation d’un signe gestuel fait également appel au principe de sélection et de combinaison de différents paramètres porteurs de sens à l‘instar de la réalisation d‘un mot mais son principe semble moins « rigide », un signe, souvent analogique, produit d’une façon approximative pouvant être plus facilement compris. De plus, sa réalisation praxique engageant les mains et le corps semble de moindre difficulté en regard de celle nécessitant la maîtrise fine des organes buccaux-linguaux-faciaux dans la réalisation du mot. On peut ainsi penser que la réalisation d’un mot demande une « maturité » phonologique et praxique supérieure à celle d’un signe d’où cet écart observé entre les enfants entendants et les enfants sourds de notre étude.

 la longueur moyenne des énoncés n’a pas pu constituer un critère de

comparaison, cette notion ne répondant pas à la structure grammaticale spécifique de la langue des signes;

 enfin concernant le versant oral, les résultats ne sont pas significatifs, seul un enfant sourd de notre population a pu comprendre et émettre quelques mots à l’oral, ce qui peut se comprendre en vue de l’absence de bain de langage oral et de leur manque de perception auditive.

L’ensemble de ces observations nous permet de faire le constat général que de nombreuses similitudes se retrouvent entre l’acquisition du lexique en langue des signes chez les enfants sourds et l’acquisition du lexique dans la langue orale chez les enfants entendants. Mais plus encore, il semblerait d’après nos résultats que la production linguistique gestuelle des enfants sourds soit « avancée » par rapport aux enfants entendants du même âge. Cette dernière conclusion semble en faveur de la théorie décrite par certains auteurs selon laquelle les enfants sourds de parents sourds produisent leurs premiers signes beaucoup plus tôt que leurs pairs entendants ne produisent leurs premiers mots. Comme nous l’avons suggéré précédemment, cette observation peut s’expliquer par le fait que la langue des signes est une langue visuo-gestuelle plus globale que la langue audio-verbale qui s’appuie sur des processus analytiques plus complexes notamment au niveau phonologique, praxique et syntaxique.

Egalement, en vue des résultats obtenus concernant le versant oral chez les trois enfants sourds participant à notre étude, le mode de communication dominant reste la langue des signes, support de la communication familiale, au détriment de l’oral car la langue des signes constitue, dans ce contexte particulier d’un enfant sourd né de parents sourds, la langue maternelle que l’enfant va s’approprier en étant immergé dans ce bain de langage gestuel que lui apporte ses parents au quotidien.

Ainsi notre analyse corrobore notre idée de départ qui est que l’acquisition du lexique gestuel chez les enfants sourds congénitaux nés de parents sourds et l’acquisition du lexique verbal chez les enfants entendants présentent des points

communs, mais également elle nous a permis de révéler les différences les

caractérisant. Néanmoins, rappelons toutefois que ces conclusions ne peuvent être définitives et irréfutables si l’on considère le nombre restreint d’enfants testés. Il faudrait, dans un développement ultérieur possible de cette étude, rassembler un nombre plus important d’enfants afin de confirmer ou d’infirmer nos résultats.

Egalement, il serait intéressant de suivre le développement langagier des enfants sourds de parents sourds depuis les premiers signes communicationnels jusqu’à la maîtrise de la langue gestuelle; Par ailleurs, d’autres thèmes de

recherche peuvent venir alimenter la connaissance de la langue des signes tel que l’étude spécifique des interactions précoces mère-enfant afin de tracer les contours de l’appropriation de la langue des signes en tant que langue maternelle en

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

1. AIMARD.P

« Les débuts du langage chez l’enfant », Dunod, Paris 1996, 226 pages.

2. AIMARD.P

« Le langage de l’enfant », puf, Paris 1981, 196 pages.

3. AIMARD.P

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