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DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

D) UN REGISTRE DE LANGUE PARTICULIER

B) LES PREMIERS SIGNES

Tout comme les premiers mots produits par le jeune enfant en langue orale, les premiers signes reconnaissables en langue des signes sont produits de façon isolée, et cette situation se prolonge pendant plusieurs mois avant que n’apparaissent les premiers « multi-signes ».

Concernant le moment d’apparition des premiers signes,

certaines études (McIntyre, J. Williams [6]) rapportent que les enfants sourds de parents sourds produisent leurs premiers signes beaucoup plus tôt que leurs pairs entendants ne produisent leurs premiers mots. Les premiers signes apparaitraient entre 7 et 9 mois.

Pour expliquer cette précocité, diverses raisons ont été avancées. R. Brown et Schwam [12] ont évoqué que le caractère iconique de certains signes de la langue des signes était un facteur facilitant l’apprentissage. Cette hypothèse a été rejetée du fait que la plupart des premiers signes observés chez les enfants ne sont pas iconiques selon Bonvillian et coll. [12], et que parmi les signes qui sont iconiques pour les adultes, très peu sont iconiques également pour les jeunes enfants d’après Newport et Meier [12]. Au final, les plus récentes études ont montré le rôle mineur joué en général par l’iconicité dans l’acquisition de la langue des signes. Pour Bonvillian [12], si les premiers signes peuvent être

produits « avant l’heure », ce n’est donc pas en raison de leur iconicité mais parce que chez le jeune enfant le développement de la coordination oculo-manuelle précède celui de la motricité articulatoire. Et aussi, parce que les parents peuvent donner lors de la production de l’enfant une aide précise, par le modelage des gestes ébauchés par l’enfant, impossible à fournir pour la production des vocables. Selon Newport et Meier [12], il faut y ajouter le fait que, pour un jeune enfant, les gestes peuvent, bien plus aisément que les mots, être perceptivement isolés, discriminés, identifiés, reconnus et donc de ce fait imités.

Par ailleurs, Bonvillian a souligné les ressemblances et les différences entre l’acquisition d’une langue des signes et celle d’une langue orale. Ils ont relevé que le moment d’apparition des usages référentiels du langage, c’est-à-dire pour nommer ou désigner, apparaissent vers 13 mois et qu’il ne paraît pas dépendre de la modalité, visuo-manuelle ou audio-orale, de la langue proposée à l’enfant. En revanche, les jeunes sujets signants ont produis leur premier signe, acquis un vocabulaire de 10 signes, et émis des combinaisons de deux signes bien avant que les enfants entendants n’aient atteint les mêmes étapes.

Cependant, selon certains chercheurs, les premières

combinaisons de deux signes ne peuvent être considérées comme productions syntaxiques et que, dès lors, elles doivent être envisagées comme caractéristiques de la période de transition entre période prélinguistique et communication

linguistique proprement dite. Une recherche de Kyle, Woll et Ackerman [12] porte sur cet aspect. Les auteurs concluent que les exemples de « signes » produits avant 12 mois doivent être considérés comme « gestes » plutôt que comme item linguistiques. Ackerman et coll. ajoutent que, même en ce qui concerne les productions ultérieures, il n’est pas toujours aisé de distinguer entre « signes » et « gestes ».Ils proposent donc que les signes/gestes émis entre 12 et 18 mois soient eux aussi considérés comme prélexicaux. L’attribution d’un statut véritablement linguistique ne devrait être envisagée que lorsque, à partir de 18mois : la

production des premiers signes se décontextualise, ce qui se marque notamment par des phénomènes de sur-extension de l’usage, et que, l’enfant se montre capable de surcroît de combiner ces signes entre eux.

Pour Volterra, Caselli et Petitto [12] le critère permettant d’attribuer à un signe un statut équivalent à celui du mot, est que ce signe puisse être considéré comme symbolique ;autrement dit, qu’il puisse être produit par l’enfant dans des contextes diversifiés et/ou en l’absence du signifié. Le critère formulé par Orlansky et Bonvillian [12] est moins exigeant : est considéré comme « signe » toute approximation reconnaissable d’un signe de la langue-cible,

utilisée adéquatement dans un contexte approprié. L’adoption de ce critère mène à considérer comme « signe » les productions relevant du stade de communication pragmatique plutôt que symbolique. Ainsi la notion de « signe » en tant que « mot » ne recouvre pas la même notion selon les différents auteurs.

Pizzuto, en vue de caractériser de manière comparable les données recueillies à propos de jeunes enfants sourds et entendants, distingue les étapes suivantes dans l’acquisition de toute langue qu’elle soit orale ou signée :

-Stade I : Transition entre l’étape prélinguistique et la première étape du

développement linguistique. Emergence de la communication intentionnelle, et apparition des premières émissions ressemblant à des mots ou des signes.

-Stade II : Première étape du développement linguistique, caractérisé par un vocabulaire limité (entre 10 et 50 mots), et par la production d’énoncés à un seul mot ou signe.

-Stade III -A : Croissance rapide du vocabulaire et apparition des premières combinaisons de mots ou signes.

-Stade III-B : Production d’énoncés à mots ou signes multiples.

D’autre part, Petitto a montré que, en dehors du « babillage en signes » qui représente un cas particulier, les gestes produits par les enfants sourds entre 9 et 12 mois ne sont pas plus élaborés ni sophistiqués, au point de vue de la forme, du contenu et des fonctions, que les gestes produits par les enfants

entendants du même âge. De surcroît, il a montré que l’exposition à une langue des signes ne facilite pas la compréhension de messages gestuels complexes c’est- à-dire non linguistiques. En effet, il observe que, avant l’âge de 2 ans et demi à 3 ans, les enfants sourds signants pas plus que leur pairs entendants ne saisissent la signification de gestes iconiques complexes produits par un adulte. Autrement dit, les enfants signants traitent différemment les informations linguistiques et non- linguistiques, même si toutes lui parviennent dans la même modalité, gestuelle en l’occurrence.

Caselli et Volterra [12] observent également des similitudes de développement menant de la communication prélinguistique au langage chez les enfants entendants et sourds. Ainsi apparaissent tout d’abord vers 10,12 mois des gestes déictiques c’est-à-dire des gestes d’indication qui sont d’ordre

prélinguistique ; apparaissent plus tardivement, vers 12 à 15 mois les premiers gestes référentiels, ainsi que les premiers mots ; enfin, ces derniers, ne pourront être combinés entre eux que lorsque, vers 17 à 18 mois, le vocabulaire de l’enfant s’étend à 20-40 items.