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L e s e n t i e r d a n s l es p i n s

R a ro g n e : la flèche aiguë et, « sous ta n t de paupières », le sommeil d ’un poète.

Mais en face, à m i-h a u te u r de l ’a b ru p t v ersan t que l ’om bre déjà en vahit, une toile blanche suspen­ due a ttire v o tre reg ard : la chapelle de W a n d flu h . L ’in s ta n t que vous donne le tra in ou la voiture, vous a p p a r a ît le tracé du sentier qui y m o n te en zigzags, chapelet aux grains de nacre a b a n d o n n é aux rares buissons. Si on a lla it v o ir ?

Petites prairies perdues entre des haies de noisetiers ; passerelle h u ­ m ide sur le to rre n t qui n ’échappe à la gorge que p o u r être assagi dans un canal f u y a n t sur le côté, et le sentier p re n d en éch arp e la m o n ­ tagne.

U n e assise séculaire ; la roche limée p a r les clous ; des em pierre­ m ents qui n ’o n t pas bougé et que

ni la sèche v égétation ni les

aiguilles de pins n ’ont jam ais t o t a ­ lem ent revêtus.

Je me recueille p o u r saluer les personnages qui m ’a tte n d e n t dans

leurs guérites. P o in t. Elles sont

vides, la prem ière, la seconde,

toutes, ju squ’à l’avant^dernière, où un christ est resté debout, seul, cou­ ronné d ’épines et p o r t a n t une longue croix de bois. Seul ! T o u t a dé­

serté, m êm e les b o u rreaux. S’il

tom be, qui le relèvera ?

P a r to u t le grillage enfoncé, la p o rte couchée à l’intérieu r ou de guingois ; sur les murs, des g ra ffiti qui ne sont p a s l’ouvrage des sol­ dats romains.

Q u ’ils sont p o u r ta n t jolis, ces

oratoires ! Lignes pures, h a rm o ­

nieuses p ro p o rtio n s ; le to it en

ardoise de K a lp e tra n , à un ou deux pans selon la distance du rocher. I n tro d u is a n t à la v o û te en berceau que p o rte une corniche, le cintre de l’o u v ertu re est bo rd é d ’un p a re ­ m en t de tu f à simples mais élégantes moulures.

Jaillie lumineuse de l’escarpe­

m ent gris, la chapelle m ajeure fait

penser au « C a n tiq u e des C a n ­

tiques » :

M a colombe qui te tiens dans le creux de la rocaille à l’abri des sombres parois, avance et m ontre-m oi ton visage, car ta v o ix est mélodieuse et ton visage est beau.

La p aro i de f r o n t é ta n t coupée en diagonale p a r la m ontagne, c’est la p a ro i du côté p lain e qui est

R e c u e i l l e m e n t

L a c h a p e l l e m a j e u r e

l’unique façade. Je crois l’édifice ferm é depuis longtem ps ; les portes s’o u v re n t et les h a b ita n ts de ce p a ­ radis oublié s’étonnent de voir un m ortel. L ’intérieur répond au bref

signalement de D o n n e t : m

aître-autel baroque, grille en fer forgé ; autel latéral de la Vierge p a r J o ­ h a n n R itz, avec rem arquable statue de sainte A g ath e ; ex-voto. Sauf que je cherche en v ain cet autel latéral, sans savoir encore que dans

moins de deux heures m on ange m ’a u ra c o n d u it en sa présence. Je lis avec émoi de naïves légendes au fo n d de plus naïves images, g ra ti­ tudes contem poraines de ma g rand- mère : 1822, 1832...

A u-delà, le sentier continue, m a ­ nifestem ent désaffecté. A v a n t le téléphérique d o n t la benne rouge brille sans b ru it dans un ra y o n au- dessus de m a tête, il d evait être l’unique passage entre la plaine et

D a n s l a c h a p e l l e

U n C h r i s t e s t r e s t é d e b o u t

les villages que j ’ignore. Des p a y ­ sans y descendaient p o u r aller à leurs petites vignes de S ain t-G er- main. Les stations d u chem in de croix et la maison de la Vierge étaient des étapes de leur nocturne ascension ; elles leur d o n n aien t cou­ rage et assurance.

J e les suis, nullem ent équipé. Les lacets m e r a m è n e n t en surplom b sur le to it du sanctuaire et v o n t v ire r à l ’abîm e, au b o rd de la gorge

obscure. Puis la p ente bascule

com m e une p o rte de garage ; la pierre f a it place à l’herbe sèche, le genévrier au bouleau blanc. A p p a ­ ra ît enfin le h a u t pays' : quelques fenils, quelques « W eiler » in h a b i­ tés. Le sentier déroule ses boucles dans une de ces charrières à bétail qui m o n te n t to u t droit, voué au m aquis d ’églantine, d ’épine-vinette et de m û rier sauvage. U n e route goudronnée développe ses boucles à dro ite et à gauche, c o u p an t et re­ c o u p a n t cette « roa » sauvage et ses inutiles murgères avec le rieur mépris de la jeunesse à l’égard des vieilles barbes.

L a p ente se replie encore ; vien­ n e n t les cham ps en étages que séparent des retables envahis d ’ab­ sinthe. D es paysans y « décreusent » les pommes de terre au « p io ch ard »,

comme autrefois. Mais les villages, surgis tous à la fois dans le p a y ­ sage qui se déplie en éventail, ont percé de brillantes fenêtres peintes dans leurs p arois brunies, et leurs églises neuves o n t l’air de cath é­ drales.

L ’une d ’elles, où je vais m ’asseoir en a tte n d a n t la poste de Viège, dé­ ploie, sur une b lanche paro i de m u ­ sée, un vaste autel b a ro q u e d o n t la beauté me saisit.

Le jeune curé se prom ène dans le ch œ u r en lisant son bréviaire. Je vais, sans av o ir repris m on souffle, lui d em a n d e r d ’où v ient cette m er­ veille. J ’a p p re n d s que c’est l’autel de W a n d flu h , l ’autel de R itz.

— N e p o u rra it-o n pas repeupler

les oratoires, réno v er la chapelle ? — Le chemin... Il n ’y passe pas dix personnes à l’année.

— E t des pèlerinages ?

— A utrefois. A la messe de

N otre-D am e-d es-S ep t-D o u leu rs, le

15 septembre, il y a v a it pas m al de monde. D e Loèche, de Viège, de Conches, de to u t le H a u t-V a la is.

— Alors ?

Il fro tte le pouce sur l’index. — Alors, il fa u t de ça.

— Si le tourism e d o n n a it la m ain au pèlerinage ?

C hem in balisé, chapelles réno­ vées, to u t re p re n d ra it vie. U n itiné­ raire com m e celui-là — comme bien d ’autres qui joignaient à la plaine les p la te a u x supérieurs — ce ne

sont pas les bennes rouges du télé­ phérique qui en v iennent à bout. Des « vrais voyageurs », il y en a encore et, p a rm i eux, de ceux q u ’un chemin de prière, loin d ’effrayer, attire. Le Valais que nous voulons leur faire c o n n aître est-il unique­ m en t celui des auberges, des hôtels, des barrages et des curiosités n a tu ­ relles ? Les « vrais voyageurs », les vrais touristes, o n t besoin de re tro u ­ v er les vrais chemins et, au bout, les vraies richesses.

E t puis, il ne f a u t p eut-être pas t a n t d ’arg en t que ça. Il f a u t des jeunes qui, au lieu de fu ir n o tre

civilisation en a lla n t chez les

Arabes, découvrent cet O rie n t de

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