• Aucun résultat trouvé

Il se dégage des quatre vidéos analysées des aspects fortement militaires. Si dans la vidéo 1 (annexe E), on ne compte que deux prises de vue incluant un personnage de la garde côtière, les vidéos 2 (annexe F), 3 (annexe G) et 4 (annexe H) sont largement « militarisées », et la quasi-totalité de leurs prises de vues possèdent un caractère militaire. Dans le cas notamment des vidéos 2 et 3, le protagoniste principal est habillé d’une chemise camouflage et son titre « Major General » apparait dans le bas de l’écran.

Figure 3. 2. Vidéo 3 - 00:00:04

En ce qui a trait des vidéos 2 et 4, un nombre considérable de leurs prises de vue est attribué à la flotte australienne, incluant plusieurs images de bateaux en mouvement, dont certains peuvent être présumés en action, notamment en train d’approcher de plus petits bateaux ayant à leur bord des personnes portant des gilets gonflables. L’utilisation d’images à caractère militaire est relativement nouvelle en ce qui a trait des campagnes de communication gouvernementales australiennes. On remarque un recours prédominant à des images en liens avec la marine australienne à partir de 2014, soit à la suite des élections de septembre 2013 et de l’entrée au parlement du gouvernement de la coalition34. Cette relativement récente tendance s’inscrit donc dans un durcissement des politiques australiennes vis-à-vis de la migration irrégulière ainsi que dans un courant international de militarisation des frontières (John et Johnson, 2016; Stewart, 2016).

34 Voir premier vidéo à caractère militaire mis en ligne par le gouvernement de la coalition en 2014

La « défense » des frontières australiennes semble posséder un caractère personnel pour le Major Général Craig Furini. Dans la vidéo 2, celui-ci s’exprime : « Under my

command, any people smuggling boat that approaches Australia will be stopped and turned back. This will not change. People smugglers will not get through our defenses. Not on my watch ». Le Major Général semble avoir comme tâche personnelle de

s’assurer qu’aucun bateau non-autorisé n’accède aux côtes australiennes. De même, celui-ci mentionne les passeurs « people smugglers », mais pas les passagers sur ces bateaux. Dans un premier temps, l’usage des mots « will not get through our

defenses » met en lumière le rôle des forces navales montrées dans les autres vidéos. Dans un deuxième temps, en utilisant ces termes, le Major Général renforce l’idée d’une frontière à défendre contre un Autre non invité, qui doit être maintenu à l’extérieur du territoire. Cependant, quel effet ces images sont-elles sensées avoir sur leur public? Cette démonstration de l’organisation de la marine, ainsi que de ses ressources a-t-elle pour but d’intimider les personnes songeant à voyager par bateau vers l’Australie pour y demander l’asile?

3.2.1. Une emphase mise sur la criminalité

Les vidéos présentes sur le site web de l’Operation Sovereign Borders sont très courtes (1 :12 pour la vidéo 1; 0 :15 pour la vidéo 2; 0 :25 pour la vidéo 3 ainsi que 0 :30 pour la vidéo 4). Au total, seuls 171 mots sont prononcés lors des quatre vidéos (combinées). La courte durée des vidéos ainsi que le peu de mots employés peuvent être le résultat d’une tentative de simplification des messages partagés. Or, malgré le peu de mots prononcés, une importante emphase est mise sur le caractère « criminel » de ces voyages par bateaux. Au total, en comprenant l’ensemble des quatre vidéos, le terme « illegal », est prononcé deux fois; le terme « illegaly » est prononcé deux fois, alors que les termes « smuggling » et « people smugglers » sont prononcés deux fois et une

fois respectivement. En ce qui a trait des mots écrits, on peut lire les mots « illegal »

trois fois à diverses occasions lors des vidéos 2 et 4, et on peut lire les termes « illegaly » et « people smugglers » une fois sur l’image 1 (annexe D).

Figure 3. 4. Image 1

La connotation « criminelle » est également tangible dans l’image 1 ainsi que lors de la vidéo 1. Dans l’image 1, l’homme photographié semble enfermé dans ce qui pourrait être une cellule, probablement dans un centre de détention de l’immigration extraterritorial. Main contre le front, l’homme exhibe une expression de résignation. Le caractère « criminel » de la migration irrégulière est également présenté dans le cadre d’une scène de la vidéo 1, lors de laquelle le protagoniste principal paie une

importante somme d’argent comptant à un homme. Les couleurs utilisées lors de cette scène sont particulièrement sombres. Mains ouvertes, le passeur, dont le visage est en majorité dans l’ombre, accepte l’argent du personnage principal d’un signe de tête. L’action est présentée telle une transaction douteuse et probablement illégale. Or, la représentation des personnes en quête d’asile en tant qu’immigrant.e.s illégaux,ales dépouillent ceux et celles-ci d’un droit humain garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme (1949) ainsi que par la Convention relative au statut des réfugiés (1951), soit le droit de bénéficier de l’asile. Ce droit est notamment garanti par l’article 31 de la Convention et stipule clairement qu’aucun ou aucune demandeur ou demandeuse d’asile ne devrait être pénalisé.e pour avoir traversé les frontières d’un État sans visa valide. Cela s’explique en raison du fait qu’il est très difficile, parfois voire impossible pour ces personnes d’obtenir un visa (UNHCR, 2019a; Refugee Council of Australia, 2014).