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2. Diversité de l'organisation florale et pollinisation chez les Iridaceae

2.5. Les autres vecteurs biotiques

Alors que la pollinisation par les abeilles est prédominante à l’échelle de la famille, l’intervention d’une vaste gamme de pollinisateurs différents caractérise en Afrique sub-saharienne la sous-famille des Crocoideae, et dans une moindre mesure celle des Nivenioideae (Goldblatt & Manning, 2006, 2008). Un récapitulatif des informations disponibles pour les différentes catégories de pollinisateurs des Iridaceae en Afrique sub-saharienne est présenté dans le Tableau 5.

Tableau 5. Vecteurs biotiques pollinisant les espèces de la famille des Iridaceae en Afrique sub-saharienne. Les chiffres indiquent le pourcentage d'espèces pollinisées pour chaque sous-famille représentée dans cette région du globe (d'après Goldblatt & Manning, 2008).

Catégories de pollinisateurs Aristeoideae Nivenioideae Crocoideae Iridoideae Total

Pollinisateurs spécialisés Hyménoptères (abeilles) 90 32 47 72 57 Hyménoptères (autres) 0 0 0 5 1 Diptères 2 32 16 0 12 Lépidoptères (papillons nocturnes) 0 0 9 1 6 Lépidoptères (papillons diurnes) 0 0 2 0 2 Coléoptères 8 0 6 7 6 Oiseaux 0 29 10 0 8

Pollinisateurs généralistes ou coexistence de deux types de pollinisateurs spécialisés

0 7 10 15 8

Diptères : parmi les vecteurs biotiques autres que les abeilles, les mouches à longue trompe de la famille des Nemistrinidae et des Tabanidae (Diptera) jouent un rôle prépondérant, pollinisant 15.9% des espèces de Crocoideae et 32% des espèces de Nivenioideae d’Afrique

sub-saharienne (Goldblatt et al., 2000a, 2000b, 2002a; Goldblatt & Manning, 2006, 2008). Parmi les Iridaceae de la flore d’Afrique du Sud, plus de 250 espèces sont pollinisées

exclusivement par ces insectes. Les fleurs de ces espèces se caractérisent par la présence d’un

long tube étroit de 25 à 100 mm de long à la base du périanthe, contenant la plupart du temps du nectar dans la moitié inférieure, celui-ci n’étant accessible qu’à ces mouches qui possèdent une trompe suffisamment longue pour l’atteindre. Généralement, le tube floral est légèrement

plus long que la trompe de l’insecte qui visite la fleur, forçant celui-ci à entrer en contact avec les anthères et les surfaces stigmatiques. Certaines espèces du genre Hesperantha (Crocoideae) dupent ces pollinisateurs avec des fleurs présentant le même type de morphologie mais ne produisant pas de nectar ; néanmoins ce système de pollinisation par tromperie reste exceptionnel (Goldblatt et al., 2004).

La pollinisation des Iridaceae par d’autres types de diptères est extrêmement rare et seules 0,1% des Crocoideae sont concernées par ce système de pollinisation en Afrique sub-saharienne (Manning & Goldblatt, 2008). Dans la zone néotropicale, un seul cas de pollinisation par des mouches de la famille des Syrphidae a été enregistré sur une espèce de Sisyrinchium (Iridoideae: Sisyrinchieae) ne produisant ni nectar ni lipides floraux (Freitas &

Sazima, 2003). L’absence d’autres observations concernant la pollinisation des Iridaceae par les diptères ne permet pas de tirer de conclusions quant à l’importance de ce système de

pollinisation dans cette zone biogéographique. Bien que cela ne soit pas documenté par des observations permettant de les qualifier de pollinisateurs, il est probable que des mouches sphécoides (Sphecidae) puissent être des agents de pollinisation de certaines espèces du genre Tigridia (Iridoideae: Tigridieae) distribuée au Mexique et au Guatemala. Leurs fleurs produisent du nectar à partir de trichomes glandulaires répartis sur les tépales internes et dégagent une odeur fétide (Molseed, 1970). D’autres diptères ont aussi été observés visitant

plusieurs espèces de Sisyrinchium et d’Olsynium (Iridoideae: Sisyrinchieae) mais aucune information ne permet de confirmer leur rôle en tant que pollinisateurs (Arroyo et al., 1982; Freitas, 2002).

Lépidoptères (papillons nocturnes) : la pollinisation des Iridaceae par les papillons de nuit (appartenant pour la plupart aux familles des Drepanogynidae, Geometridae et Noctuidae)

n’est connue qu’en Afrique sub-saharienne. Il est peu probable qu’elle existe dans d’autres

régions du globe où aucune espèce d'Iridaceae ne présente le même type de caractères floraux. Elle est particulièrement importante au sein des genres Gladiolus et Hesperantha (Goldblatt & Manning, 2002; Goldblatt et al., 2004) et concerne quelques espèces de Babiana, Freesia, Moraea, Savannosiphon et Tritionopsis, représentant au total 9% des Crocoideae et 1% des Iridoideae (Goldblatt & Manning, 2008). Les fleurs de ces espèces sont caractérisées par des

tépales de couleur pâle, la présence d’un tube étroit et long à la base du périanthe, un parfum

puissant durant l’anthèse et une période d’anthèse vespérale et/ou nocturne (Goldblatt & Manning, 2006).

Lépidoptères (papillons diurnes) : les grands papillons appartenant aux familles des Papilionidae et des Satyridae tiennent une place extrêmement restreinte parmi le cortège des pollinisateurs et ce système de pollinisation ne semble développé que pour quelques espèces

d’Iridaceae d’Afrique sub-saharienne et uniquement parmi les Crocoideae, représentant environ 2% des espèces de cette région (Goldblatt & Manning, 2002, 2006, 2008; Goldblatt et al., 2004). Les fleurs de ces espèces sont caractérisées par des tépales rouge-orangés, rarement jaunes ou pourpres, la présence d’un long tube étroit à la base du périanthe, une absence de

parfum et un nectar particulièrement dilué, probablement parce qu’un nectar plus concentré

serait trop visqueux et ne pourrait être collecté par ces papillons dont la trompe est particulièrement étroite (Goldblatt & Manning, 2006).

Coléoptères : la pollinisation par les membres de la famille des Scarabaeidae est l’un des

systèmes de pollinisation le plus surprenant au sein de la famille des Iridaceae. Ces scarabées utilisent les fleurs actinomorphes et brillamment colorées de nombreuses espèces de Moraea (Irioideae) et d’Ixia (Crocoideae), mais aussi d’autres genres d’Aristeoideae, de Nivenioideae

et de Crocoideae, comme sites pour se rassembler et se reproduire (Goldblatt et al., 1998; Steiner, 1998, Goldblatt et al., 2005). Ils peuvent occasionnellement consommer le pollen des

fleurs qu’ils visitent mais ce comportement est considéré comme subsidiaire dans les

interactions établies avec les Iridaceae (Goldblatt & Manning, 2008). La plupart des fleurs des

espèces d’Iridaceae pollinisées par ces scarabés présentent des marques foncées disposées au centre du périanthe et mimant le corps des scarabés de façon étonnament fidèle. Leur rôle

supposé est d’inciter les scarabés à visiter préférentiellement ce type de fleur (Goldblatt &

Manning, 2006). En Afrique sub-saharienne, les scarabées sont responsables de la pollinisation de 8% des Aristoideae, 6% des Crocoideae et 7% des Iridoideae (Goldblatt & Manning, 2008). Ce système de pollinisation est couramment combiné avec la pollinisation par des abeilles collectant le pollen, seule ressource produite par la plupart de ces espèces (Goldblatt et al., 2005).

Ce type de pollinisation n’est pas documenté pour les espèces d’Iridaceae de la zone néotropicale et des zones tempérées adjacentes, néanmoins quelques observations indiquent que des membres de plusieurs familles de coléoptères pourraient jouer un rôle dans la pollinisation d'espèces appartenant aux genres Cypella, Herbertia (Iridoideae: Tigridieae) et Olsynium (Iridoideae: Sisyrinchieae) (Arroyo et al., 1982; Devoto & Medan, 2008).

Hymenoptères (autres que les abeilles) : quelques rares espèces du genre Ferraria (Iridoideae: Irideae) en Afrique du Sud présentent un système de pollinisation particulièrement inhabituel au sein de la famille, faisant intervenir des guêpes de la famille des Vespidae comme vecteurs de pollinisation (Goldblatt & Manning, 2006). Les fleurs de Ferraria sécrètent du nectar très peu concentré à partir des pièces du périanthe qui forment une coupe profonde et dégagent une odeur fétide intervenant certainement dans le système de pollinisation (Goldblatt et al., 2009).

En dehors de ce genre sud africain, il est probable que des guêpes appartenant aux familles des Vespidae et des Pompilidae puissent être des agents de pollinisation de certaines espèces du genre Tigridia (Iridoideae: Tigridieae) en raison de leurs nombreuses similitudes florales avec le genre Ferraria, en particulier en ce qui concerne la forme du périanthe, la présence de

nectar et le parfum dégagé par les fleurs. Le nectar, dont la concentration est inconnue, est secrété à partir de trichomes glandulaires présents sur les tépales internes (Molseed, 1970). Oiseaux : La pollinisation par les oiseaux (appartenant principalement à la famille des Nectariniidae) s’est développée chez 64 espèces de Nivenioideae et de Crocoideae, uniquement distribuées en Afrique sub-saharienne (Goldblatt et al., 1999). Ce système de pollinisation tient ainsi un rôle majeur au sein de ces deux sous-familles, concernant respectivement 29% des espèces de Nivenioideae et 10% des Crocoideae de cette zone

géographique (Goldblatt & Manning, 2008). Les fleurs d’Iridaceae pollinisées par les oiseaux

sont pour la plupart rouge-orangées et possèdent généralement un tube allongé à la base du périanthe. Le nectar sécrété en grande quantité est accumulé dans la moitié inférieure du tube.

La longueur du tube est souvent corrélée à la longueur du bec de l’oiseau pollinisateur. Les fleurs sont typiquement zygomorphes au sein des Crocoideae et actinomorphes au sein des Nivenioideae et ne dégagent aucun parfum (Goldblatt et al., 1999). L’inflorescence est

souvent portée par une tige robuste et beaucoup plus rigide que celle que l’on observe chez les espèces pollinisées par les insectes, une caractéristique qui permet à l’oiseau de se percher sur la tige pendant qu’il collecte le nectar (Goldblatt & Manning, 2006). En Afrique sub-saharienne, la pollinisation par les oiseaux est particulièrement développée au sein des genres Gladiolus (Crocoideae) et Watsonia (Nivenioideae) où elle a évoluée indépendament dans plusieurs lignées (Goldblatt & Manning, 2008).

Ce système de pollinisation est rare dans les autres régions du monde où sont distribuées les

Iridaceae, mais les colibris (Trochilidae) sont les principaux pollinisateurs de l’espèce nord

américaine Iris fulva Ker Gawl. (Iridoideae: Irideae) et de quatres espèces de Tigridia (Iridoideae: Tigridieae) au Mexique (Cruden, 1971; Emms & Arnold, 2000; Wesselingh & Arnold, 2000). La coloration rouge foncée des fleurs d’I. fulva est inhabituelle à l’intérieur du genre et l’absence de parfum dégagé par la fleur, associées au fait que les tépales externes

forment avec les branches du style une longue gorge dans laquelle s’accumule le nectar en grande quantité, forment un contexte morphologique unique à l’intérieur du genre qui semble

particulièrement adapté à la pollinisation par les oiseaux (Wesselingh & Arnold, 2000).

Les caractéristiques particulières des fleurs des quatre espèces de Tigridia pollinisées exclusivement par des colibris sont si inhabituelles au regard des caractères morphologiques

généralement exprimés à l’intérieur de ce genre que ces espèces furent placées dans un genre

différent nommé Rigidella (Cruden, 1971). A la différence de la plupart des fleurs d’Iridaceae

s'accumule dans des poches profondes formées par les tépales. En revanche, la quantité relativement importante de nectar produit ainsi que la coloration rouge du périanthe sont bien caractéristiques des fleurs pollinisées par les oiseaux (Goldblatt & Manning, 2008). Il semble de plus ce système de pollinisation ait évolué plusieurs fois de manière indépendante à

l’intérieur du genre Tigridia, comme dans le cas des genres Gladiolus et Watsonia en Afrique (Rodríguez, 1999).

3. Systématique de la sous-famille des Iridoideae : présentation des tribus

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