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2. Diversité de l'organisation florale et pollinisation chez les Iridaceae

2.3. Diversité des nectaires et des élaiophores

Le nectar est la ressource la plus commune collectée au sein de la famille des Iridaceae. Il constitue une source de nourriture pour de nombreux animaux, incluant les abeilles, les mouches et de nombreux autres insectes et oiseaux. Les organes floraux qui produisent le

nectar, le volume produit, la concentration ainsi que les proportions des différents types de sucres contenus dans le nectar varient de manière importante à l'intérieur de la famille (Goldblatt & Manning, 2008).

La présence de nectaires dans les cloisons de l'ovaire est une plésiomorphie pour la famille. Ces nectaires s'insèrent dans une cavité qui résulte d'une fusion incomplète d'une petite région située en bordure des carpelles (Fig. 8). Ils sont particulièrement répandus dans deux sous-familles : les Crocoideae et les Nivenioideae (Daumann, 1970; Goldblatt, 1993; Rudall et al., 2003). Ces nectaires sécrètent le nectar vers l’extérieur à l’aide d’étroits canaux débouchant dans la partie apicale de l’ovaire, proches de la base du style en position opposée aux tépales internes (Goldblatt & Manning, 2008).

Figure 8. Coupe transversale de l’ovaire de (A) Klattia stokoei L.Guthrie (Nivenioideae) et (B) Tritoniopsis burchellii (N.E.Br.) Goldblatt (Crocoideae) indiquant la position (flèches) des nectaires dans les cloisons (Rudall

et al., 2003).

Hormis pour le genre Diplarrena (cf. chapitre 2.1), les Iridoideae se caractérisent par l'existence de nectaires périgoniaux au sein de nombreux genres répartis dans les quatre principales tribus de la sous-famille (Rudall et al., 2003; Goldblatt & Manning, 2008). Ils sont localisés habituellement à la base des tépales externes au sein de la tribu des Irideae, à la base de la colonne staminale chez les Sisyrinchieae, et généralement sur les tépales internes des espèces appartenant aux tribus strictement américaines des Trimezieae et des Tigridieae, bien

qu’occasionnellement aussi distribués sur les tépales externes (Molseed, 1970; Vogel, 1974; Rudall et al., 2003). La coexistence à la fois de nectaires dans les cloisons de l’ovaire et de

nectaires périgoniaux à l’intérieur d’une même famille est très inhabituelle et les Iridaceae constituent peut être un cas unique de ce point de vue (Rudall et al., 2003). Par ailleurs, le développement important des élaiophores de type trichome au sein de la sous-famille des

des structures productrices de ressources utilisés par les pollinisateurs chez les Iridaceae (Rudall et al., 2003; Goldblatt & Manning, 2008).

Au sein de la sous-famille des Iridoideae, les nectaires et les élaiophores prennent de nombreuses formes différentes et il y a apparemment parmi les Iridoideae une prédisposition au développement de structures sécrétrices périgoniales (Rudall et al., 2003). La position des

nectaires de plusieurs espèces d’Iris à la base du périanthe et de la colonne staminale (Daumann, 1935), extrêmement proches de la base du style, pourrait laisser supposer que les nectaires périgoniaux aient pu évoluer par hétérotopie à partir des nectaires présents dans les

cloisons de l’ovaire, l’évolution de ces structures sécrétrices au sein des Iridoideae s’étant

accompagnée de leur déplacement dans une position de plus en plus distale sur les primordia des organes concernés (Alberch et al., 1979; Bateman, 1994; Baum & Donoghue, 2002;

Rudall & Bateman, 2002). De plus, il semble peu probable qu’une toute nouvelle source de

nectar ait évoluée au sein des Iridoideae au même moment où les nectaires présents dans les cloisons de l’ovaire ont disparu, sans qu’il existe une relation développementale entre les

deux évènements et les deux structures (Rudall et al., 2003). Le développement des élaiophores de type trichome dans la même position que celle des nectaires périgoniaux, à

l’intérieur de la seule sous-famille où se sont développés ces derniers n’est certainement pas dû au hasard et il est probable qu’il existe aussi un lien évolutif et développemental entre ces

deux types de structures sécrétrices (Rudall et al., 2003; Goldblatt & Manning, 2008).

Le système de pollinisation reposant sur la collecte des lipides floraux est plus particulièrement développé dans la zone biogéographique néotropicale et les zones tempérées adjacentes du continent américain. En effet, le nombre d’espèces d’Iridaceae produisant ces

lipides et le nombre d’espèces d’abeilles spécialisées dans leur collecte sont très nettement supérieurs à ce qui peut être observé dans les autres zones biogéographiques du globe (Rudall et al., 2003; Goldblatt & Manning, 2006; Goldblatt & Manning, 2008). Il semble donc probable que le développement des élaiophores de type trichome ait joué un rôle prépondérant dans la diversification de la famille sur le continent américain (Goldblatt et al., 2008). L'origine de la diversification des Iridoideae à travers cette région du globe serait donc liée à l'évolution de caractères floraux différents de ceux qui ont conduit à l’extraordinaire

diversification des Crocoideae en Afrique sub-saharienne. En effet, l’apparition et le

développement de la zygomorphie associée à la présence d’un tube floral, ainsi que

l’existence de nectaires à la base de l’ovaire semblent avoir joué un rôle majeur dans ce

Plus de 92% des espèces d’Iridaceae de la zone sub-saharienne présentent un système de

pollinisation spécialisé où le nombre d’espèces d’insectes ou d’autres animaux intervenant

dans la pollinisation de chacune des espèces est très faible. Le nombre d’espèces généralistes

visitées par différents types de pollinisateurs est extrêmement faible, comptant pour moins de 3% des espèces (Goldblatt & Manning, 2006) et deux systèmes de pollinisation spécialisés coexistent chez les espèces restantes (Goldblatt et al., 2000a, 2000b, 2002b, 2004; Manning & Goldblatt, 2005). Le fait que les Iridaceae soient des plantes vivaces à durée de vie relativement longue, que la reproduction végétative tienne une grande place dans la

dissémination des espèces et qu’elles soient relativement dispersées dans les ecosystèmes où

elles se développent, constituent certainement des conditions favorisant le développement de stratégies de pollinisation spécialisées (Johnson & Bond, 1994; Waser et al., 1996; Goldblatt

& Manning, 2006, 2008). Il semble donc légitime de s’interroger sur l’importance du

développement des élaiophores à l’intérieur de la sous-famille des Iridoideae et d’évaluer si

cette stratégie de pollinisation spécialisée a joué un rôle dans la diversification des Iridaceae à

l’intérieur de la zone biogéographique néotropicale et des zones tempérées adjacentes.

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