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Chapitre 3 Réponse de l’océan à la tempête Klaus

III. Réponse en température et salinité

III.1 Variations de la SST

III.1.1 Réponse en SST simulée par le modèle

Fig. III.48 - Carte journalière de la SST (°C) d’après le modèle SYMPHONIE le 22, 24, et 26 janvier 2009. Les lignes de contour, noires, indiquent les isobathes -1000 et -200 m.

La SST en hiver (voir situation pour le 22/01 sur la Fig. III.48) est marquée par de forts gradients entre la plaine et les plateaux Armoricain et Celtique, avec des valeurs minimales (< 9°C) le long des côtes françaises dans les 100 premiers mètres. Dans la plaine, la distribution de la SST est contrainte par la mésoéchelle, des eaux de 12-13°C étant entraînées depuis le sud et l’ouest par les tourbillons vers l’est et le nord. Ces cartes mettent en évidence l’absence de réponse significative en SST à grande échelle au passage de la tempête. Néanmoins, l’interprétation du signal de SST est compliquée par la présence de tourbillons et filaments. On peut se poser la question du réalisme de certaines de ces structures tourbillonnaires. J’ai donc récupéré les images SST à haute résolution issues de l’imagerie infra-rouge (données MODIS) les plus « complètes », disposant de données dans cette partie du Golfe pour le mois de janvier 2009 et les ai comparées à la température de surface du modèle pour le même jour (Fig. III.49).

Fig. III.49 - Cartes de SST (°C) à partir des observations IR MODIS (missions Terra et Aqua) et à partir des sorties journalières de la simulation BAOBIS_G1 pour le 11/01/09 (a) et le 17/01/09 (b), dans la partie sud du Golfe de Gascogne, de 8°W à 1°W et de 43°N à 47°N. Les contours noirs indiquent les isobathes -200 m et -1000 m.

On retrouve dans les données satellite des structures fines de SST d’échelles comparables à celles simulées. Certaines structures tourbillonnaires présentes dans le modèle semblent réalistes, notamment celle située entre 3 et 4°W et la structure chaude vers 44°N entre 5 et 8°W. D’autres le sont un peu moins, comme la structure « allongée » présente sur le plateau vers 1.8°W. Pour ’filtrer’ le signal associé aux tourbillons, j’ai calculé la moyenne de la température en surface sur la région sud-est du golfe, en séparant la réponse sur le plateau de celle de la zone plus profonde (Fig. III.50). Ces courbent illustrent le refroidissement hivernal, intense jusqu’au 10-12 janvier et plus marqué sur le plateau que dans la plaine. La tendance au refroidissement est interrompue lors de deux événements caractérisés par un très faible réchauffement moyen (<0.1°C) : autour du 20 et autour du 24 janvier. Ces courbes moyennes confirment donc l’absence d’une réponse significative à grande échelle en SST au passage de Klaus. Plus surprenant peut-être, le seul signal détecté est donc un très léger réchauffement.

Fig. III.50 - Série temporelle de la SST (°C) sur le plateau (fonds < 200 m, courbe bleue) et en zone plus profonde (fonds > 200 m, courbe rouge), moyennée sur la région qui s’étend de -5°W jusqu’à la côte est et de la côte nord espagnole à 45°N, d’après le modèle.

Afin de mieux visualiser les variations rapides de SST, je montre sur la Figure III.51 les différences de SST à 3 heures d’intervalle du 23 au 25 janvier.

Exceptés les refroidissements et réchauffements successifs au nord de la zone et sur le plateau Armoricain, associés en grande partie à la marée semi-diurne, on ne distingue pas de variations à grande échelle, ce qui est cohérent avec les figures décrites précédemment. Au contraire, les variations sont très localisées et, dans la plaine abyssale, semblent principalement associées à la mésoéchelle : les refroidissement/réchauffement les plus marqués ont lieu sur les bords de tourbillons cycloniques ou anticycloniques avec des valeurs de 0.2-0.3°C. Ces signaux pourraient correspondre à l’intensification de fronts de SST crées par les tourbillons et les filaments ainsi qu’au déplacement de ces derniers. Les variations les plus intenses sont observées le long des côtes françaises, avec des échelles spatiales encore plus petites.

Fig. III.51 - Carte des différences de la température (°C) (non corrigée de la marée) toutes les 3 heures du 23/01 03h au 25/01 00h. Les lignes de contour noires indiquent les isobathes -1000 m et -200 m.

III.1.2 Comparaisons avec les produits de SST OSTIA

Fig. III.52 - Cartes des différences journalières de la SST (°C) d’après la simulation numérique (BAOBIS_G1) du 22 au 29 janvier 2009, dans la partie sud du Golfe, de 8°W à 1°W et de 43°N à 47°N.

Etant donné la très faible disponibilité de données IR, j’ai comparé les variations journalières de SST simulées (Fig. III.52) avec les champs de SST des analyses OSTIA (Fig. III.53). Ces analyses étant journalières, j’ai calculé les différences des moyennes journalières de la SST entre deux jours consécutifs depuis le 22 jusqu’au 29 janvier 2009. Les variations journalières de la SST simulées ne font pas apparaître de signal à grande échelle, ni pendant la tempête ni dans les jours qui suivent (Fig. III.52). Comme observé précédemment, les signaux les plus forts sont situés le long de la côte française. Des alternances de refroidissement/réchauffement évoquent des processus de propagation, mais nous n’avons pas pu identifier davantage la nature de ce signal. Entre la journée du 23 et 24/01, les données OSTIA indiquent un léger refroidissement (>-0.1 °C) dans la région sud-est (Fig. III.53). On note également un faible refroidissement sur certaines zones le long de la côte nord espagnole, au sud de 44.5°N, alors que le reste de la région se réchauffe. Le 24/01, c’est l’ensemble de la région qui se réchauffe. L’intensité et les structures de variation de la SST sont très différentes de celles simulées. L’existence d’une tendance à grande échelle, qui est de surcroît un réchauffement, est surprenante. De

plus, si ces cartes font apparaître des signaux de petites échelles, ceux-ci semblent de nature très différente de celle des signaux simulés. En effet, les SST OSTIA montrent un réchauffement sous forme de patches qui ne peuvent être interprétés comme des déplacements de fronts : voir par exemple vers 5°W entre le 23 et le 22 janvier, et vers 2°W entre le 24 et le 23. Il est possible que le refroidissement observé le 24/01 dans les données OSTIA soit en lien avec l’intensification des vents dans cette zone. Cependant, on peut aussi douter de la qualité de ces champs analysés. Nous n’avons pas d’information sur les erreurs associées à ces analyses, mais il est probable qu’elles soient accrues durant la période de la tempête, de par le manque de données. En particulier, les observations satellite micro-ondes ne sont pas disponibles ou sont peu fiables en cas de pluie (Wentz et al., 2000).

Fig. III.53 - Cartes des différences journalières de la SST (°C) d’après l’analyse OSTIA du 22 au 29 janvier 2009. L’échelle varie de -0.3 à 0.3 °C tous les 0.1°C.

III.1.3 Comparaison avec les séries temporelles de SST aux bouées

Un autre type d’information nous est fourni par les séries temporelles de SST aux bouées. Du fait de leur échantillonnage temporel assez fin (une donnée toutes les heures), les variations de la SST

apparaissent plus précisément. La figure III.54 présente les séries temporelles de SST aux bouées situées le long de la côte espagnole, une zone a priori sensible à l’effet de la tempête puisque qu’elle est située sur sa trajectoire.

Fig. III.54 - Série temporelle de la SST (°C) sur le mois de janvier 2009 d’après les observations aux bouées Bares, Peñas, Bilbao, Santander, Matxitxako, Donostia, Gascogne et Brittany (cf chapitre I, Fig. III.2 pour la localisation des bouées) (courbe rouge), et d’après le modèle au point proche de chaque bouée (courbe noire), ainsi qu’aux points A, B, C. Les SST à Santander, Matxitxako, Donostia, et aux points A, B, et C, sont représentées toutes les heures alors qu’elles sont moyennées toutes les 3h pour les autres. L’axe des abscisses indique 12h du jour concerné.

Le long de la côte espagnole, les écarts modèle-données sur le mois de janvier n’excèdent pas 0.5°C sauf ponctuellement à Donostia (j’y reviendrai dans les sections suivantes) et le meilleur accord avec les données de bouées est obtenu à Bares. Des biais froids du modèle sont observés jusque vers le 5-10/01.Un biais froid (resp. chaud), compris entre 0.5 et 1°C est observé sur l’ensemble de la période à Gascogne (resp. Brittany). L’information fournie par les bouées est par définition très locale et la comparaison avec la simulation est compliquée par la présence des structures de petite échelle. Nous avons vu plus haut que des tourbillons étaient présents dans la zone (Santander se situe notamment à 3.757 °W, a priori proche d’un tourbillon repéré dans le modèle et dans les données IR Aqua /Terra, cf. Fig. III.49), on peut donc supposer qu’ils vont avoir un impact sur une observation locale de la SST. Durant le passage de Klaus, on ne relève pas de baisse marquée de la température au passage de la tempête dans le modèle ni dans les observations. NB : certaines bouées ne disposent pas de données durant la tempête (Bares, Peñas, et Bilbao). On observe un léger refroidissement à la bouée Brittany, située au nord de la trajectoire de la tempête. Ce refroidissement apparaît dans la soirée du 24/01 et n’excède pas -0.1°C mais les « trous » dans les données ne permettent pas de le distinguer nettement. Ce refroidissement n’est pas simulé par notre modèle.

A Santander, on observe une légère hausse (~+0.1°C) de 00h à 6h00 (voir aussi le zoom sur la période du 22 au 27/01 de la Fig. III.55) : elle se produit en même temps qu’une hausse de la température de l’air (Tair) (+ 2°C). L’augmentation de la température de l’air mesurée à la bouée, associée au passage du cyclone, est cohérente avec le champ Aladin, bien que le réchauffement de Tair dans Aladin soit légèrement plus marqué (voir aussi section III.3 du chapitre 2). Cependant, il convient de prendre avec prudence ces résultats puisque comme évoqué dans le chapitre 1, bien que la bouée ait continué a enregistrer et transmettre, elle s’est décrochée au passage de la tempête et a dérivé vers l’est.

Fig. III.55 - Séries temporelles horaires sur la période du 22/01 00h au 27/01 00h de la SST (haut) et de la température de l’air (bas) à Santander (en °C) observées et simulées

On retrouve une hausse de SST de même grandeur à Peñas et Bilbao juste avant l’arrêt des données mais étant donné les ordres de grandeur des variations et les trous dans les données, il est difficile de tirer des conclusions définitives. De plus nous ne disposons pas des barres d’erreur sur les données. Par ailleurs, on observe à certaines bouées (Peñas et Donostia par exemple) un refroidissement quelques jours avant l’arrivée de la tempête (de l’ordre de -0.2°C à Donostia, ainsi qu’à Peñas et Brittany) : nous l’attribuons au coup de vent du 19-20/01 évoqué dans les parties précédentes. Aucun signal clair n’est détecté les 19-20/01 dans la simulation ; en contrepartie, un refroidissement assez net (0.1-0.2°C) est simulé vers le 15/01à Bilbao, Santander et Matxitxako. L’absence de refroidissement dans le modèle est surprenant étant donné les anomalies négatives de flux de chaleur (jusqu’à –250 W/m2) mises en évidences durant la tempête (Fig. III.32 et 33), ainsi que lors du coup de vent des 19-20/01. Nous allons voir dans les sections suivantes que la situation mélangée d’hiver inhibe ou réduit les effets sur la SST alors même que l’effet sur le mélange vertical est sensible.

Avant d’examiner la réponse en subsurface et sur le mélange, les variations en salinité de surface sont présentées.