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Variations de la polarisation lin´eaire avec la longueur d’onde

Il est pratique afin de d´ecrire la d´ependance spectrale de la polarisation lin´eaire de dis- tinguer diff´erents domaines de longueurs d’onde. Nous allons dans ce qui suit consid´erer le domaine visible - proche IR (0.35 `a 2.2 µm), le domaine IR (2.2 `a ≈ 10 µm) et le domaine submm (∼ 100 µm et plus).

2.4.1 Visible - IR proche, et loi de Serkowski

Les mesures de polarisation faites sur de nombreuses ´etoiles `a travers diverses bandes passantes permettent d’´etablir la d´ependance spectrale de la polarisation lin´eaire produite par la poussi`ere du MIS. Ce type de d´ependance permet, comme nous pouvons en voir un exemple sur la figure 2.2, de tracer la courbe de polarisation associ´ee `a une ´etoile o`u, P (λ), est le pourcentage de polarisation exprim´e en fonction de λ−1 exprim´e en µm−1. Dans le visible ces diff´erentes courbes ont la forme d’un pic large et asym´etrique. Le maximum de polarisation, Pmax, correspond `a une longueur d’onde λmaxdont les valeurs varient typiquement d’une ´etoile

`

a l’autre entre 0.4 et 0.8µm autour d’une valeur moyenne de 0.55µm (Whittet, 1996).

Fig. 2.2 – Courbes de polarisation interstellaire pour deux ´etoiles dans le nuage du Taureau (Whittet, 1996).

Ces observations peuvent ˆetre exprim´ees par la loi de Serkowski : P (λ)

P (max) = exp[−K ln

2(λmax

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o`u K est un param`etre permettant de d´eterminer la largeur de la courbe. Avec l’extension des mesures jusque dans le proche IR, la valeur initiale de K = 1.15 est devenue K = c1λmax+ c2

avec, c1 = 1.66 ± 0.09 et c2 = 0.01 ± 0.05 (Whittet et al., 1992). Cette derni`ere relation traduit

que la largeur de la courbe de polarisation diminue lorsque λmax augmente. La corr´elation

entre K et λmax peut s’interpr´eter comme un changement dans la taille, et/ou comme un

r´etr´ecissement dans la distribution en taille des grains qui ´evoluent diff´eremment en fonction de l’environnement o`u ils se trouvent.

L’int´erˆet d’une telle repr´esentation empirique est li´e `a la quantit´e physique λmaxreli´ee `a la

taille moyenne des grains. En effet, pour des grains di´electriques id´eaux d’indice de r´efraction n, nous avons λmax ≈ 2π(n − 1)a o`u a est une dimension moyenne typique des grains. De

fac¸on g´en´erale, la polarisation par absorption dichro¨ıque est domin´ee `a une longueur d’onde donn´ee λ par des grains de dimension ∼ 2π(n−1)λ . Ainsi, le pic P (λmax) entre l’UV proche et

l’IR proche r´esulte de l’effet combin´e de la distribution en taille des grains et de l’efficacit´e de leur alignement en fonction de cette taille. Dans ce sens, le d´eficit de polarisation dans l’IR s’explique par la pr´esence d’un nombre de ‘gros’ grains moins important que celui des grains ‘moyens’ dont les effets combin´es sont mesur´es. De mˆeme le d´eficit dans l’UV s’explique par des grains qui, bien qu’abondants, sont moins efficacement align´es que les grains plus larges (Mathis, 1986). La variation de λmax d’une ´etoile `a l’autre s’expliquerait par des fluctuations

dans la distribution en taille des petits grains, dans la distribution de leur forme, ou bien encore par des efficacit´es d’alignement variables.

2.4.2 Polarisation dans le domaine IR

Le d´eveloppement de l’instrumentation IR d´ebut´e il y a quelques d´ecennies a permis d’´etendre les mesures de polarisation `a des longueurs d’onde comprises entre 3 et 5 µm (voir Jones, 1990; Nagata, 1990). Contrairement `a ce qui aurait pu ˆetre suppos´e, une d´eviation `a la loi empirique de Serkowski a lieu lorsque λ > 2.5µm. On observe ce comportement sur la figure 2.3 pour λ−1 < 0.4 µm−1. Au del`a de cette valeur, une meilleure repr´esentation de la

d´ependance spectrale de la polarisation est exprim´ee par la loi de puissance :

P (λ) ∝ λ−β, (2.16)

o`u l’indice de puissance β est typiquement compris entre 1.6 et 2.0. Cette relation permet de bien param´etrer les observations entre λ =1 et 5 µm, par contre il n’existerait pas de corr´elation entre β et λmax.

Le comportement invariant de la loi de Serkowski sur un vaste domaine de longueurs d’onde, et pour des environnements extrˆemement variables, la rend donc en quelque sorte universelle (Whittet, 1996). De ce fait, et conjointement `a des mesures spectroscopiques, la polarisation associ´ee avec la raie de r´esonnance en absorption `a 3.1 µm d’eau sous forme de glace, de mˆeme que celle `a 9.7 µm de poussi`ere de silicate apparentes dans les nuages mol´eculaires, a permis de d´eduire que des grains de poussi`eres de silicate ou bien recouverts de ‘glace’ peuvent ˆetre

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Fig. 2.3 – Courbe de polarisation pour HD 147084 (o Sco) avec λmax = 0.68µm (Whittet, 1996).

align´es par les champs magn´etiques dans ces environnements (Aitken, 1996).

Cela dit, l’interpr´etation du m´ecanisme de polarisation dans le domaine IR proche et IR moyen reste `a aborder avec pr´ecautions. En effet dans ce domaine de longueurs d’onde, la possibilit´e d’observer des n´ebuleuses en r´eflexion sugg`ere que les grains ne peuvent devenir totalement absorbant `a ces fr´equences (e.g. Minchin et al., 1991). Cependant dans certains cas, la s´eparation des deux composantes de polarisation par absorption et par ´emission semble pouvoir ˆetre effectu´ee de fac¸on relativement robuste (Aitken, 1996). Le profil en absorption apparaˆıt alors comme ind´ependant de la source et l’angle de position de la polarisation qui lui est associ´e est lui aussi constant, c’est `a dire ind´ependant d’un “vrillage” possible de l’alignement des grains le long de la ligne de vis´ee. De plus, mais bien que les statistiques `a ce sujet soient limit´ees, il apparaˆıt que la polarisation par ´emission est souvent associ´ee `a des r´egions ionis´ees et beaucoup moins `a d’autres types de r´egions.

2.4.3 Polarisation dans le domaine submm

Dans ce domaine de longueurs d’onde, nous nous attendons `a ce que le degr´e de po- larisation soit ind´ependant de λ puisque l’´emission de la poussi`ere est produite `a des lon- gueurs d’ondes suffisamment ´elev´ees pour que le milieu travers´e soit usuellement consid´er´e comme optiquement mince. P n’est plus alors d´ependant que de l’efficacit´e d’alignement des grains, ainsi que de la morphologie du champ magn´etique. En faisant l’hypoth`ese de grains align´es magn´etiquement, ce point de vue est propos´e par Hildebrand (1988) dans une approche th´eorique conjointe aux observations.

Celui ci propose que pour des nuages id´ealis´es dans lesquels se trouvent des grains uniformes de forme sph´ero¨ıdale quelconque ayant pour param`etres de forme, Lj, (voir equation 2.6)

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pouvant avoir leur composition caract´eris´ee globalement par une fonction di´electrique, ǫ(λ), et ayant des param`etres d’alignements (β, γ) quelconques (voir les ´equations 2.12 et 2.13), la polarisation dans le cas o`u λ ≫ a est donn´ee compl`etement par les expressions 2.5, 2.7 et 2.8. A l’aide de ce formalisme, nombre d’incertitudes reliant la polarisation aux propri´et´es des grains disparaissent si nous consid´erons les rapports de polarisation pour diff´erentes longueurs d’onde u et v. Par contre, ces informations sont diff´erentes suivant ce que l’on compare, et il faut distinguer les trois cas possibles suivants : Pabs(u)/Pabs(v), Pem(u)/Pem(v) et Pem/(Pabs/τ ).

- Le premier cas avec u et v dans l’IR est ind´ependant de l’alignement des grains, de la taille des grains ainsi que de la profondeur optique. Aux alentours des raies en absorption, le rapport d´epend fortement des valeurs choisies pour u et v, de la forme et de la nature des grains. Observationnellement, il faut s’assurer que d’autres effets que la polarisation par absorption ne se manifestent pas.

- Le deuxi`eme cas s’adresse `a des nuages opaques dans le visible mais consid´er´es comme transparents dans le submm et pour lesquels, la polarisation `a l’´emission par des grains de silicates est ind´ependante de λ quelle que soit la forme des grains. Pour un type de grains donn´es, le rapport des polarisations est donc quasiment ind´ependant du degr´e et de la direction de l’alignement. Dans le cas o`u les longueurs d’onde u et v sont de part et d’autre du pic de l’´emission thermique, le rapport des polarisations doit ˆetre consid´erablement diff´erent de l’unit´e si des grains ayant tendance `a s’aligner diff´eremment ou bien encore, ayant des ´elongations diff´erentes sont `a des temp´eratures diff´erentes (voir section 3.2.2).

- Le dernier cas est lui aussi relativement ind´ependant de l’alignement des grains pour un type de grains donn´es. L’utilit´e d’un tel rapport est limit´e par les larges incertitudes sur la mesure de τ dans l’IR et par les mesures elles-mˆemes qui ne permettent pas d’´echantillonner des densit´es de colonnes de poussi`ere ´equivalentes. Si ce probl`eme peut ˆetre r´esolu, ce rapport permet de contraindre les fonctions di´electriques sur un large domaine de longueurs d’onde, en particulier pour des ‘mixtures’ de grains.

Or, la plupart de ce que nous connaissons des grains provient de la spectropolarim´etrie aux alentours des raies de r´esonnance de la poussi`ere `a ∼ 3 et 10 µm. Draine & Lee (1984) ont utilis´e les spectres d’absorption et de polarisation afin d’´etablir que les grains sont mod´er´ement de forme oblate . Le spectre de polarisation est param´etr´e avec des grains sph´ero¨ıdaux oblates avec le rapport arbitraire a/b = 1/2. Sur cette base et `a l’aide du formalisme pr´ec´edent Hildebrand & Dragovan (1995) utilisent le rapport

Pe(λ1) = APa(λ2)/τ (λ2), (2.17)

o`u A = Pe(λ1)/Pe(λ2) est calcul´e de fac¸on `a traduire la d´ependance de Pe `a la fonction

di´electrique et `a la forme des grains. Les fonctions di´electriques utilis´ees sont celles tabul´ees par Draine (1985) pour le graphite et le “silicate astronomique”. Ces auteurs montrent ainsi que le maximum de pourcentage de polarisation Pe(max) ≈ 9 − 10% observ´e `a l’´emission

thermique `a 100 µm est en accord avec les valeurs de Pa/τ `a 2.2 µm ce qui tend `a confirmer

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Fig. 2.4 – R´esultats de la photopolarim´etrie pr`es de la raie de r´esonance `a 9.7µm pour deux objets, et comparaison des spectres calcul´es et mesur´es pour trois valeurs de rapport d’axes (Hildebrand & Dragovan, 1995).

forme prolate . Le meilleur rapport pour des grains oblate est a/b ≈ 2/3 pour deux r´egions (Voir figure 2.4). En consid´erant cette valeur, le facteur de r´eduction de la polarisation φ (voir ´equation 2.12) est ≈ 0.25. Ce dernier r´esultat est consistant avec la valeur maximale calcul´ee par Lazarian (1994) et Roberge et al. (1995) pour un alignement par diffusion ambipolaire. De plus, si la polarisation observ´ee, P , est proche de Pmax, il est possible de mettre une limite,

γ ≥ arcsin(P/Pmax)1/2, `a l’inclinaison du champ par rapport `a la ligne de vis´ee.

De fa¸con g´en´erale, cette approche permet donc de contraindre certains param`etres li´es aux grains `a l’aide de mod`eles et de r´esultats d’observations. Nous verrons dans la section suivante qu’il est possible de commencer `a avoir une id´ee de l’´evolution des spectres de polarisation dans les nuages `a partir d’un ´echantillon restreint de sources. D’autre part, l’´emission de la poussi`ere est usuellement consid´er´ee comme optiquement mince, ce qui implique que le degr´e de polarisation ne d´ependrait que de l’efficacit´e d’alignement des grains et de la morphologie du champ. Cette hypoth`ese impliquant l’ind´ependance `a la longueur d’onde du degr´e de po- larisation dans le domaine submm (e.g. Hildebrand, 1988) va ´egalement ˆetre discut´ee dans le contexte des observations.

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