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CHAPITRE VI: GENERAL DISCUSSION AND FUTURE RESEARCH

VI.1. Stratégies de recherche alimentaire des gorfous macaroni

1.1. Synthèse des résultats obtenus à Crozet et Kerguelen

1.1.2. Variations dans l'effort d'approvisionnement entre les sites

Lors de la recherche alimentaire, tout organisme serait avantagé à optimiser ses déplacements, c'est à réduire les coûts de transit et maximiser le temps alloué à l'approvisionnement (herbivore) ou la recherche des proies (prédateur : poursuite, capture, ingestion ; (Orians & Pearson 1979, Stephens & Krebs 1986). Au cours du cycle reproducteur, les gorfous se comportent en "central place forager", d'autant plus pendant l'élevage en raison du besoin fréquent de revenir à la colonie. La proximité de zones favorables à leur alimentation est donc cruciale. On s'attend ainsi à ce que les stratégies d'approvisionnement aient sélectionné des comportements permettant de minimiser les coûts de transport vers les sites favorables (Ydenberg et al. 1994). Or, au-delà des similarités comportementales

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relatives aux stratégies de reproduction de l'espèce, nous avons mis en avant au cours de cette étude des différences majeures entre les sites.

1) Entre les deux localités, les oiseaux présentent de fortes différences d'éloignement à la colonie. Les distances parcourues (par jour, ou totales) sont toujours nettement supérieures à Kerguelen, pour un stade reproducteur et un sexe donnés (Chapitre 5).

2) En parallèle, l'effort de prospection alimentaire, indiqué par la fréquence de plongée par heure (Boyd et al. 1994), est toujours supérieur à Crozet quel que soit le stade reproducteur. Toutefois, les gorfous de Kerguelen plongent soit à la même profondeur, soit plus profondément (en incubation, cf. Chapitre V), mais passent toujours plus de temps au fond des plongées. Le succès de chasse, indiqué par le nombre d'ondulations (wiggles, Bost et al. 2007) par plongée est aussi plus important à Kerguelen (Chapitre V). A profondeur égale, les gorfous de Crozet auraient donc un comportement, à l'échelle des plongées, moins optimal car ils passent moins de temps au fond.

A l'échelle des voyages cependant, il semblerait que les gorfous macaroni prospectent dans des couches de proies moins dispersées et plus concentrées qu'à Kerguelen, nécessitant des déplacements horizontaux moins importants et leur permettant de réaliser plus de plongées successives par heure (Boyd et al. 1994).

. Ainsi, à l'échelle des voyages, nos résultats suggèrent ainsi que l'environnement océanique de Crozet serait a priori plus favorable pour les gorfous que celui de Kerguelen. Ceci en raison de i) des zones d'alimentations plus proches des points centraux (colonie et surface), et ii) un effort d'approvisionement (fréquence de plongées) plus important à Crozet, pouvant indiquer une plus disponibilité localisée de proies plus importante.

3) Cependant, cet avantage ne semble pas aussi évident puisque les gains et pertes de masses associées à chaque stade des deux sexes ont été particulièrement similaires entre les deux localités, pour les saisons étudiées. Des données manquent pour confirmer ces résultats (notamment au retour des mâles de leur 1er trajet en mer à Crozet et l'évolution de la masse en crèche à Kerguelen). Cependant, s’il s'avère qu'elles soient bien identiques, ceci indiquerait que ces deux populations très importantes arrivent à extraire une quantité d'énergie suffisante des eaux océaniques au cours du cycle, sans désavantage marqué dans l'une ou l'autre localité.

Ajustement ou environnement réellement plus favorable ?

A Kerguelen, les coûts de déplacement pour les gorfous semblent donc plus importants puisqu’ils vont plus loin, et (en incubation) doivent plonger plus profond. Deux autres causes pourraient expliquer comment les gorfous de Kerguelen arriveraient à compenser des coûts de transport plus importants : Ajustement du régime.

VI. DISCUSSION: FORAGING STRATEGIES IN SOUTHERN OCEAN

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Tout d’abord, les gorfous consomment plus de poissons (dont l’apport énergétique est supérieur aux crustacés) en période d'élevage à Kerguelen (25% vs 17.5%). Pour autant, ces estimations n'ont pas été faites pendant la même année (Ridoux 1994, notre étude : 2011/2012, chapitre 5). De plus, les signatures isotopiques des gorfous de Crozet en 2009/2010 suggèrent là aussi un régime alimentaire composé partiellement de myctophidés (Article 2). Ces éléments montrent qu’il serait intéressant d'étudier finement les variations du régime alimentaire des gorfous macaroni entre les deux sites. Soit lors d’une même année, ou durant des années contrastées sur le plan climatique pour mieux estimer si une légère variation existe dans la composition alimentaire, pouvant expliquer en termes d’énergie l’apparent paradoxe de profitabilité de chasse pour le gorfou macaroni entre ces deux sites.

Ajustement à l’échelle des plongées.

Par ailleurs, étudier en détail le comportement de plongées est un excellent moyen d'obtenir des informations sur le succès d'approvisionnement (Wilson et al. 2005). Au cours de notre étude, nous avons observé qu'à l'échelle de la plongée, les gorfous de Kerguelen adoptaient un comportement de plongée apparemment plus optimal que ceux de Crozet.

En plus de devoir se déplacer vers des zones favorables distantes, les manchots doivent effectuer des compromis entre des périodes passées en surface (où ils n'acquièrent pas de nourriture) et des périodes sous l'eau où ils peuvent s'approvisionner mais sous la contrainte de retours réguliers à la surface pour respirer (Wilson 2010). Ainsi, les modèles théoriques estiment que les prédateurs plongeurs devraient maximiser la proportion de temps passé à des profondeurs favorables et minimiser les temps de transit (descente, remontée) (Houston & Carbone 1992, Thompson & Fedak 2001). A Crozet, les gorfous ne maximisent pas la durée disponible pour prospecter à l'échelle de la plongée, en restant notamment moins longtemps sous l'eau pour une même profondeur. L'accès aux ressources semble être également moins contraignant puisque que les individus plongent moins profondément (Chapitre V).

La remontée régulière à la surface pourrait également indiquer que les femelles de Crozet font face à une déplétion locale à très fine échelle des proies lors de leurs plongées, les incitant à remonter à la surface afin de prospecter plus loin. Ce mécanisme pourrait expliquer pourquoi les femelles ne maximisent pas le temps passé au fond des plongées, ce qui parait surprenant dans des périodes comme l'élevage où les femelles sont extrêmement sollicitées pour la recherche alimentaire.

Pour cette question, il serait intéressant d'étudier le comportement de fuite des proies (dilution, fuite en profondeur) à fine échelle (Watanabe et al. 2014). De plus si les proies ciblées sont différentes, nous pourrions observer des profils de plongées différents en fonction du degré d'agrégation typiquement différent de ces proies (Tremblay & Cherel 2003, Pichegru et al. 2011).

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A l'inverse, les gorfous de Kerguelen semblent dépenser plus d'énergie dans la recherche alimentaire qu' à Crozet. Si ce dernier point s'avère exact, ceci conforterait notre hypothèse que l'environnement océanique de Crozet serait plus favorable aux gorfous femelles en période de reproduction. Cependant, l'absence d'ondulations au sein de plongées ne signifie pas forcément que l'animal n'a pas chassé de proies. Un moyen d'affiner cette approche serait d'équiper des gorfous avec des accéléromètres, et/ou des enregistreurs vidéo miniaturisés pour les plongées en eaux peu profondes (Watanabe & Takahashi 2013). En effet, analyser des signaux d'accélération dans les 3 dimensions permettrait d'obtenir des informations précises sur les succès de chasse de ces prédateurs plongeurs (Viviant et al. 2009, Gallon et al. 2013, Carroll et al. 2014), tout en confirmant visuellement la capture effective de proie et la nature de celle-ci.

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