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CHAPITRE VI: GENERAL DISCUSSION AND FUTURE RESEARCH

VI.1. Stratégies de recherche alimentaire des gorfous macaroni

1.2. Paramètres océanographiques « clés » des habitats alimentaires utilisés au cours

1.2.3. Liens avec la productivité primaire

La productivité primaire est un facteur important dans le contrôle de la distribution en mer des gorfous femelles pendant l'élevage et la crèche. Nous avons observé qu'en parallèle du déroulement de la période de reproduction, un « bloom » phytoplanctonique se développait à proximité des colonies de Kerguelen et Crozet (Chapitre IV et V) et qu'un important chevauchement existait entre le pic de concentration de chlorophylle-a et la période d'élevage.

En Géorgie du Sud, il s'avère qu'un bloom phytoplanctonique se développe également. La Géorgie du Sud constitue également une barrière importante à l'ACC, de par sa position géographique. Le Front Polaire est dévié au nord de l’île (Moore et al. 1999) tandis que la limite sud du courant circumpolaire (SACCF, Southern ACC Front) passe au sud, remonte en direction du Bassin de Géorgie (Georgia

Bassin) puis reprend sa course vers l'est (Orsi et al. 1995, Thorpe et al. 2002). Cette configuration

permet à un bloom de se développer au nord-ouest de l'île dans les eaux très profondes (3500-4000m) du Bassin de Géorgie (Borrione & Schlitzer 2013, Figure 6.1). Le pic saisonnier de ce bloom coïncide également avec la période d'élevage des femelles (10 janvier - 20 Février, Figure 6.1) en Géorgie du Sud.

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Figure 6.1: Overlap of brooding Macaroni penguins trips (blue) on temporal matched maps of Chlorophyll-a. Chlorophyll-a values were monthly averaged. Tracks data were get from: Crozet: chapter 4. Kerguelen: chapter 5. Heard: Deagle et al. 2008. South Georgia: Trathan et al. 2006; The PF bordure (Polar Front) was defined on the 4°C isotherm. SAF: SubAntarctic Front (8°C). MEB: Maurice Ewing Bank. GB: Georgia Bassin. Black lines indicate the 500 and 1000m isobaths.

A Heard, l'association est beaucoup moins claire, du fait notamment de chaînes trophiques plus complexes qu’en Georgie du sud. Au nord de l'île s'étend le « bloom » sur le Plateau de Kerguelen (Mongin et al. 2008) mais les gorfous n'y vont pas et restent à proximité du plateau au sud de Heard. Nous ne pouvons exclure l'hypothèse que les eaux situées à la limite sud du Plateau soient chargées en zooplancton ayant tiré profit du « bloom » situé plus au nord.

Sur les trois îles, les blooms phytoplanctoniques se développent au minimum depuis début octobre (Venables et al. 2007, Mongin et al. 2008, Borrione & Schlitzer 2013). Il a été observé que les

VI. DISCUSSION: FORAGING STRATEGIES IN SOUTHERN OCEAN

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concentrations de biomasses de zooplancton pouvaient considérablement augmenter sur le Plateau de Kerguelen entre mi-octobre et mi-novembre, à la même période de développement du « bloom », en contraste avec les eaux océaniques où aucune variation n'était observée (Carlotti et al. 2015).

Prédictabilité de la disponibilité de la ressource : aspects évolutifs

Il est très probable que la croissance et l'attraction des organismes brouteurs (krill, copepodes, microzooplancton) soient suffisamment progressives au cours de la croissance du « bloom » (Hosie et al. 2003) sur le Plateau pour permettre à la zone exploitée par les gorfous femelles de devenir particulièrement favorable en période d'élevage et de crèche, ceci de façon prédictible.

Ce couplage de la croissance du bloom et de la période d'élevage que nos résultats mettent en avant correspond bien aux concepts de "Match/Mismatch hypothesis" évoquées par Cushing (1969,1990) où le pic de demande énergétique du prédateur est ajusté sur le pic de disponibilité en proies (revue Durant et al. 2007, Chapitre IV). Il est établi que la période d’élevage du jeune poussin est critique sur le plan des besoins énergétiques pour le gorfou macaroni (Green et al.2007) comme pour beaucoup d’oiseaux marins (Ricklefs 1983). A l’échelle communautaire, d'autres prédateurs marins en période de reproduction ciblent les zones phytoplanctoniques évoquées pendant les mêmes périodes (Weimerskirch et al. 1993, 1997, Charrassin et al. 2002, Lea & Dubroca 2003, Louzao et al. 2011, Weimerskirch et al. 1989).

Sur le plan écologique, cette relation étroite entre la disponibilité des ressources et la phénologie du cycle reproducteur est caractéristique des milieux saisonniers. La saisonnalité est plus marquée aux hautes latitudes et se traduit par des variations cycliques de facteurs abiotiques, comme la température, précipitations ou pression de vent qui vont affecter la production biologique (e.g. cycle annuel du zooplankton, Varpe 2012)). La photopériode sera ainsi le principal activateur des fonctions reproductrices (via les gonades) des oiseaux (Wingfield et al. 1992, Gwinner 1996). La variation saisonnière de la photopériode étant fixe, les oiseaux situés en milieu tempéré sont moins plastiques à l'activation des fonctions physiologiques reproductrices que des espèces situées en milieu tropical où la variation de lumière annuelle est plus faible. De plus, au cours du cycle annuel, les oiseaux doivent effectuer différentes activités, dont certaines ne peuvent pas s'effectuer en même temps (par exemple : la mue et la reproduction) en raison d'un coût physiologique trop important. En conséquence, la périodicité de ces activités aurait été sélectionnée à travers l'évolution, notamment sous le joug de compromis entre la disponibilité des ressources, la demande énergétique des activités, et leur valeur sélective (Lack 1968, Perrins 1970, Newton 2008).

La reproduction étant l'activité ayant une importante valeur sélective, il apparaît normal que celle-ci soit située temporellement à une période où le succès reproducteur sera maximisé, par une meilleure accessibilité aux ressources, pendant l’élevage des jeunes ou leur émancipation (Lack 1968).

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Pour les gorfous macaroni, la dépense énergétique lors de la recherche alimentaire est maximale lors de la recherche alimentaire pendant la période de reproduction et lors des voyages d'hyperphagie précédant la mue qui se situent toutes deux en été austral (Green et al. 2009). Des estimations effectuées sur le succès d'approvisionnement (g/min submergé) ont montré que les gorfous macaroni avaient une prise alimentaire supplémentaire lors des voyages d'incubation (~5g.min) et de pré-mue (~7g.min) par rapport à la période d'élevage (~3g.min) (Green et al. 2009). Lors des voyages pré-mue (~12jours), les adultes doivent être capables d'accumuler suffisamment de réserves pour effectuer la mue complètement (~24jours) avant de partir en migration hivernale. La période juste après la mue est celle présentant la plus grande mortalité des adultes chez les manchots (e.g. Dann 1991) indiquant de très grandes contraintes physiologiques à cette période.

Cependant, nous pouvons nous demander si la phénologie du gorfou macaroni ne montrerait pas un compromis évolutif effectué entre la période du voyage pré-mue, en fin d’été, qui est d'une importance cruciale pour la survie de l'individu et la période de l’élevage du poussin, réalisée avant la mue. Les coûts associés à l'effort d'approvisionnement sont plus importants qu'en reproduction en raison d'une plus grande distance à parcourir pour aller s'alimenter (Green et al. 2009,Thiebot et al. 2014). Ils sont compensés par l’assurance d’acquérir des ressources énergétiquement profitables dans la zone polaire frontale pendant une période où les oiseaux peuvent s’absenter plus longtemps. La chronologie de la période d'élevage serait particulièrement adaptative puisque les distances à parcourir sont réduites en raison d'une proximité des ressources alimentaires, permettant des apports réguliers au poussin. La proximité des ressources en été est certainement un facteur déterminant dans la mise en place de la phénologie des stratégies d’approvisionnement de cette espèce comme l’exemple de Crozet le démontre.

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