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Chapitre 5 : Discussion

5.1 Discussion des résultats et explications

5.1.2 Variables de sommeil

5.1.2.1 Agenda de sommeil

Le groupe thérapie, qui reçoit l’approche combinée, a connu des améliorations significatives au niveau de plusieurs variables de sommeil rapportées par l’agenda de sommeil, avant et après le sevrage. Ces améliorations concernent la latence d’endormissement (diminution significative de 10 minutes pour le groupe thérapie vs augmentation de 16 minutes pour le groupe témoin, dû à un effet d’interaction de temps par groupe; p = 0,03), la durée d’éveil (diminution significative de 10 minutes pour le groupe thérapie vs augmentation de 15 minutes pour le groupe témoin, dû à un effet d’interaction de temps par groupe; p < 0,001), et l’efficacité de sommeil (augmentation significative de 7 % pour le groupe thérapie vs diminution modeste de 5 % pour le groupe témoin, dû à un effet d’interaction temps par groupe; p = 0,03). Ces résultats (Tableau 4.7) suggèrent que l’incorporation de la TCCI, pour cibler et traiter un trouble d’insomnie chronique lors d’un sevrage de BZD, est très importante et permet l’amélioration de l’appréciation subjective des participants sur leur propre sommeil. Cette amélioration est possible grâce aux techniques et habilités apprises lors de la TCCI (la restructuration cognitive, l’hygiène de sommeil, les techniques de contrôle de stimulus, etc.)11. L’incorporation de la TCCI a aussi un effet tampon qui permet d’amortir l’apparition de l’insomnie de rebond lors de la cessation des BZD (Riemann et Perlis, 2009).

De plus, les améliorations au niveau des variables des agendas de sommeil pourraient en effet être sous-estimées, dans le sens où les personnes souffrant d’insomnie ont souvent tendance à reporter des valeurs inférieures à celles mesurées d’une façon objective, comme le cas de la PSG. Il a été démontré que les personnes insomniaques commettent des erreurs en sous-estimant le TST et en surestimant les valeurs de la latence d’endormissement ainsi que de la durée d’éveil (Means et al.,

2003). En revanche, l’agenda de sommeil reflète mieux les habitudes de sommeil et l’hygiène de sommeil (quantité de café consommée, pratique de relaxation, etc.) comparé à un enregistrement de PSG. En outre, l’agenda de sommeil recueille les informations des participants sur une durée plus prolongée qu’avec la PSG (15 jours dans le cas de l’agenda de sommeil vs une nuit pour la PSG).

5.1.2.2 Actigraphie

Par ailleurs, les données d’actigraphie ne montrent pas de changements significatifs (Tableau 4.9) au niveau des variables, avant et après le sevrage. Cela peut être dû à plusieurs facteurs, dont l’une des raisons serait la perte de données due à un problème technique. Par la suite, à cette perte, le nombre restant de participants avec des données viables (n = 28) est plus faible que le nombre de participants ayant complété le reste des évaluations, incluant l’agenda de sommeil (n = 35). Une autre raison serait que malgré que l’actigraphie soit considérée comme une mesure objective du sommeil, elle n’est pas aussi précise que les enregistrements de polysomnographies en ce qui concerne la discrimination entre le sommeil et l’éveil (de Souza et al., 2003). Bien que l’actigraphie ne nous a pas permis d’obetenir une confirmation objective de l’amélioration des paramêtres de sommeil des participants, il est important de souligner que les données receuillies sur l’agenda de sommeil montrent une amélioration significtive de certains de ces paramêtres (latence d’endormissement, durée d’éveil et efficacité de sommeil). Par conséquent, c’est intéressant de remarquer qu’après la TCCI et le sevrage, les participants perçoivent subjectivement une amélioration de la qualité de leur sommeil, ce qui reste important puisqu’une perception subjective problèmatique est un facteur de maintien de l’insomnie.

neuronale, comme c’est le cas à travers un EEG dans les enregistrements de polysomnographie (Martin et Hakim, 2011). Une autre raison serait le fait qu’après le sevrage de BZD, un délai soit nécessaire avant que l’amélioration au niveau des variables de sommeil objectives ne soit évidente. Morin et al. (2004) parlent d’un effet de « retard » après la cessation de BZD.

Cependant, quelques différences sont à noter par rapport aux variables obtenues à travers l’actigraphie et la PSG. Bien que les cycles de sommeil mesurés à l’aide d’algorithme de notation par actigraphie concordent relativement à ceux obtenus par PSG (Ancoli-Israel et al., 2003; Comité de déontologie de American Sleep Disorders Association, 2007; Kushida et al., 2001), chez des populations cliniques comme le cas des insomniaques, la mesure de certains paramètres veille/sommeil est controversée plus particulièrement chez des personnes présentant un trouble d’insomnie associé à un trouble psychiatrique (Hauri et Wisbey, 1992). De plus, des écarts s’observent aussi au niveau de la transition de l’état d’éveil vers le sommeil et vice versa, dans le sens où des périodes d’éveil courtes et sans mouvement peuvent être comptées comme des périodes de sommeil par l’actigraphe, ce qui va entraîner une sous-estimation de la latence du sommeil et une surestimation du temps de sommeil total (Lichstein et al., 2006; Sadeh et Acebo, 2002; Verbeek et al., 1994). En revanche, la latence d’endormissement et le temps total de sommeil peuvent être détectés et calculés plus fiablement en ayant recours à une PSG.

5.1.2.3 Polysomnographie (PSG)

En ce qui concerne les variables d’enregistrements de la PSG (Tableau 4.11), un effet de temps significatif a été observé au niveau de la latence vers le stade N3 après le sevrage. Pareillement, un

appréciation sur la distribution des stades de sommeil après ce sevrage structuré de BZD. D’ici là, l’observation au niveau de ces latences reste peu concluante.

Les résultats trouvés dans le papier de Morin et al. (2004b), en ce qui concerne les variables de polysomnographie, diffèrent légèrement des valeurs obtenues dans cette étude. Par exemple, le pourcentage du stade N3 augmente significativement après le sevrage chez le groupe thérapie (TCCI + sevrage), alors que le stade N2 diminue, de façon significative, chez le même groupe. En revanche, l’efficacité de sommeil diminue de façon significative après le sevrage, bien que cette diminution reste modeste (Morin et al., 2004). Cette différence au niveau de signifiance pourrait être due à la différence du nombre de participants au niveau des deux études (n = 36 pour notre étude vs n = 76 pour l’étude de Morin et al., 2004).

Au final, la TCCI améliore les variables de sommeil subjectives recueillies à travers l’agenda de sommeil au cours d’un sevrage de BZD. Les variables de sommeil objectives restent relativement stables après la fin du sevrage. Ceci suggère que ces variables objectives ne s’améliorent pas aussitôt que le sevrage est fini, mais qu’elles pourraient s’améliorer avec un effet de temps additionnel, d’où l’importance de faire des évaluations de suivis.

5.1.3 Questionnaires

Au niveau des scores obtenus lors de l’administration des questionnaires (Tableau 4.12), nous notons une tendance vers une amélioration significative, au niveau de la qualité de sommeil, tel que mesuré par le questionnaire d’IQSP, du groupe thérapie après le sevrage (diminution de trois points pour le groupe thérapie et diminution de 0,5 points pour le groupe témoin; effet de temps,

du groupe thérapie s’améliore après le sevrage. Néanmoins, cette amélioration est non significative, mais pourrait le devenir avec l’augmentation du nombre de participants (tendance).

5.1.3.1 Index de sévérité de l’insomnie (ISI)

Aucun changement significatif n’a été observé au niveau du questionnaire d’indice de sévérité d’insomnie (ISI). Pour rappel, une grande partie des participants (44 %) de cette étude avait un score ISI qui se situait entre 15 et 21, ce qui indique qu’ils souffraient d’une insomnie modérée. Il s’avère qu’après le sevrage, cette perception subjective de la sévérité de l’insomnie reste la même. Pareillement, l’étude de Morin et al. (2004) comportait des participants avec un score d’ISI indiquant une insomnie modérée. En revanche, les scores de ces derniers ont connu une diminution significative vers la fin du traitement. D’autres études ont également démontré l’efficacité de la TCCI à baisser les scores d’ISI de façon significative (Manber et al., 2014). Encore une fois, ces études comportaient un nombre de participants beaucoup plus important que notre étude (n = 76 pour Morin et al.,

n = 301 pour Manber et al.), et donc cela pourrait être la raison pour laquelle nos résultats ne

confirment pas l’effet amélioratif de la TCCI sur les scores d’ISI. Une autre raison serait l’absence de résultats pour les évaluations de suivis. Effectivement, l’étude de Morin et al. (2004) montre que le score d’ISI continue de baisser lors des suivis de trois mois et douze mois.

5.1.3.2 Échelle de somnolence d’Epworth

Pour l’échelle de somnolence d’Epworth, aucun changement significatif n’a été constaté. Il est à rappeler qu’avant le sevrage, la plupart des participants (69,44 %) cotaient un score très bas au

l’hypervigilance et de la difficulté à s’endormir et non à de la somnolence, et ce, malgré la fatigue diurne (Bonnet et Arand, 2010). Il n’y a pas eu d’administration de l’ESE dans l’étude de Morin et al. (2004).

5.1.3.3 Index d’anxiété gériatrique (IAG)

Concernant l’index d’anxiété gériatrique (IAG), une grande proportion des participants (30,55 %) de notre étude a un score montrant la présence de symptômes anxieux. Encore une fois, ces valeurs sont attendues pour deux raisons : 1) les troubles anxieux sont répandus chez une population d’aînés (Kirmizioglu et al., 2009); et 2) les troubles anxieux sont associés aux troubles d’insomnie chronique (Monti et Monti, 2000). Après le sevrage, les scores d’IAG sont restés stables sans aucun changement significatif. Toutefois, ces résultats ne concordent pas avec les valeurs trouvées dans l’étude de Morin et al. (2004), où les scores d’anxiété ne suggéraient pas la présence d’un trouble d’anxiété (le formulaire Beck Anxiety Inventory [BAI], utilisé dans l’étude de Morin, montrait que le score moyen des participants se trouvait en bas de 12). Cela suggère l’absence de troubles anxieux (Fydrich et al., 1992); les valeurs exactes par groupe ne sont pas présentées dans le papier de Morin et al. (2004). Il faut rappeler que la moyenne d’âge des participants (62 ans) de l’étude de Morin et al. (2004) est plus basse que celle de nos participants (69 ans); cette discordance au niveau de l’âge pourrait rendre la comparaison entre les deux études peu concluante, en ce qui concerne les scores obtenus pour l’IAG. Il est tout de même intéressant de constater que l’anxiété reste stable et ne s’intensifie pas après le sevrage des BZD. Cela pourrait suggérer un effet protecteur de la TCCI et du sevrage avec soutien sur ces scores. Cette même remarque est valable pour les scores d’ISI.

5.1.3.4 Indice de dépression gériatrique (IDG)

86,11 % de nos participants ont obtenu un score entre 10 et 20, suggérant la présence de symptômes dépressifs. Ces résultats sont en accord avec une étude qui a indiqué que l’insomnie primaire chronique constitue un facteur prédicteur du développement d’un trouble dépressif (Riemann et Voderholzer, 2003). Cet état dépressif léger pourrait indiquer la présence d’une dysthymie qui est associée au trouble d’insomnie non traité pendant des années, surtout chez la personne âgée (Pigeon et al., 2008; Saletu-Zyhlarz et al., 2001). Il n’y a pas eu de changements significatifs au niveau de ces valeurs après le sevrage. Les participants de l’étude de Morin et al. (2004) ont obtenu des scores comparables (des scores montrant la présence d’une dépression légère). Encore une fois, il est intéressant de constater que les symptômes dépressifs ne s’amplifient pas après le sevrage dans notre étude.

Au final, la TCCI n’a pas eu d’influence significative pour améliorer les scores des questionnaires, surtout les scores d’ISI et de l’IAG. Il serait intéressant de vérifier l’évolution de ces scores, lors des évaluations de suivis et aussi d’augmenter le nombre de participants avant de conclure sur l’inefficacité de la TCCI sur ces variables. En tout cas, il est intrigant de constater que ces scores ne se détériorent pas non plus après le sevrage, ce qui pointerait vers un effet protecteur de la TCCI et le soutien apporté à nos participants, durant leur période de sevrage. Or, pour le moment on n’observe pas d’effet de groupe, ni d’efffet d’interation groupe x temps, donc avant de conclure sur un effet protecteur de la TCCI, il faudrait refaire les analyses avec un nombre de participants plus important pour pouvoir confirmer ou infirmer cette hypothèse.

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