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Variables environnementales influençant la biodiversité des étangs

1. Introduction générale

1.5. Variables environnementales influençant la biodiversité des étangs

Différentes variables environnementales ont un impact sur la biodiversité des étangs, et ce à différentes échelles spatiales. En effet, les variables environnementales présentes à ces différentes échelles, allant du global à l’habitat, agissent comme des filtres de sélection sur le pool d’espèces global pour définir les peuplements locales (e.g. Gaston and Blackburn 2000, Heino et al. 2009) (Figure 2). Deux échelles spatiales en particulier seront considérées dans cette thèse : l’échelle locale et l’échelle régionale. Par échelle locale, nous entendons ici l’écosystème entier (l’étang), échelle à laquelle se mesure la biodiversité α (Figure 2). Par échelle régionale, nous entendons un pays ou une région, échelle à laquelle se mesurent les biodiversités β et γ (Figure 2).

Figure 2 : Modèle schématique des filtres environnementaux influençant les peuplements régionaux et locaux, du bassin versant au microhabitat (redessiné à partir de Heino et al. 2009) et positionnement le long de ce schéma des deux

échelles spatiales considérées dans cette thèse (en vert).

Les processus abiotiques influençant la biodiversité des étangs sont extrêmement complexes comme permet de le constater la Figure 3. A l’échelle la plus globale, la position à la surface de la Terre, c’est-à-dire la latitude et l’altitude, a une influence sur la biodiversité des étangs. En effet, la latitude et l’altitude sont parmi les facteurs indirects les plus importants responsables de l’hétérogénéité de la biodiversité sur Terre (Rahbek 1995, Gaston and Spicer 2004). De nombreux facteurs climatiques y sont associés, dont la température de l’air, les précipitations, la radiation et le vent. A chaque facteur climatique s’ajoute sa variabilité et son imprévisibilité : les événements climatiques aléatoires ou extrêmes tels que gels ou sécheresses ont un impact marqué sur la biodiversité d’un étang.

Figure 3 : Principaux paramètres abiotiques influençant un étang et sa biodiversité animale et végétale. Les flèches en rouge et en gras correspondent à deux relations majeures étudiées dans le cadre de cette thèse. Certaines flèches ont volontairement été omises, car moins importantes pour la compréhension de ces deux relations majeures.

Cette échelle globale influence l’environnement proximal et le bassin versant de l’étang. A ce niveau spatial plus proche de l’étang, des facteurs naturels (pédologie, géologie) et anthropiques (occupation du sol) influencent la qualité de l’eau (Brönmark and Hansson 2000). L’occupation du sol influence trois paramètres de la qualité de l’eau : la teneur en nutriments, la teneur en polluants et la transparence, mais par des mécanismes différents. Par exemple, la présence d’agriculture intensive dans le bassin versant implique (i) l’épandage d’engrais qui ont un impact sur la teneur en nutriments, (ii) l’usage de pesticides qui ont un impact sur la teneur en polluants et (iii) le lessivage des sols nus qui a un impact sur la transparence de l’eau. Le degré de connectivité entre les étangs a également une influence, cette fois directe, sur les peuplements abrités par les étangs. En effet, la distance entre un étang donné et les étangs alentours influence fortement les peuplements présents dans cet étang (Briers and Biggs 2005). L’environnement proximal a une importance particulière pour les peuplements d’un étang, car il fait souvent partie intégrante des habitats nécessaires aux espèces aquatiques (ou amphibiotiques) pour parfaire leur cycle de vie (stades adultes terrestres des amphibiens et de nombreux insectes aquatiques). L’ombrage par exemple a une influence directe sur les peuplements abrités par les étangs. La richesse taxonomique en Odonates adultes est par exemple sensible au degré d’ombrage de l’étang (Angelibert et al. 2010).

Ces deux niveaux spatiaux (échelle globale et échelle proximale) ont des impacts sur la biodiversité des étangs soit directs (par exemple la connectivité), soit indirects en modifiant les conditions abiotiques au sein des étangs qui elles auront un impact sur la biodiversité (par exemple les précipitations) (Figure 3). Au sein d’un étang, la diversité d’habitats, qui dépend principalement de la surface et de la profondeur de l’étang, de la nature des rives (naturelle ou modifiée) et de la structure des rives (degré de découpage des rives), a une influence sur la biodiversité d’un étang (Brönmark and Hansson 2000, Oertli and Frossard in prep). Deux des paramètres-clés pour la biodiversité sont la température de l’eau et la concentration en nutriments (Brönmark and Hansson 2000, Bornette and Puijalon 2011).

La température de l’eau a de nombreux effets directs sur les organismes d’eau douce. Tout d’abord, elle affecte de nombreux processus physiologiques, comme le métabolisme, la respiration, la photosynthèse et le taux de développement (Macan 1975, Brönmark and Hansson 2000). Par exemple, pour le coléoptère aquatique Dytiscus marginalis, le nombre d’œufs qui éclosent et le nombre de jours de développement nécessaire à leur éclosion varient en fonction de la température de l’eau (Blunck 1914). Pour deux autres espèces de macroinvertébrés, Planaria alpina et Planaria gonocephala, des différences de consommation d’oxygène en fonction de la température de l’eau

ont été mises en évidence : Planaria alpina est plus adaptée aux eaux froides car elle consomme moins d’oxygène à basse température alors que Planaria gonocephala est adaptée aux eaux plus chaudes, car elle consomme moins d’oxygène à des températures dépassant les 10°C (Figure 4) (Schlieper 1952).

Figure 4 : Consommation d’oxygène à différentes températures de deux espèces de Planaria (tiré de Schlieper 1952).

La température a également une influence sur le comportement des individus et leurs rythmes biologiques ; la somme de degrés-jours détermine de nombreux processus (Begon et al. 2006). La date d’éclosion des œufs du gardon, Rutilus rutilus est par exemple dépendante de la somme de degrés-jours (Brönmark and Hansson 2000). La date de pontes des œufs ainsi que le succès de leur développement dépend, chez d’autres poissons comme l’achigan à petite bouche, Micropterus dolomieu, de la température de l’eau (Rawson 1945). L’activité peut dépendre également de la température, comme par exemple le coléoptère, Ilybius montanus : une augmentation de la température induit une augmentation de la fréquence de ses passages à la surface de l’étang et un temps plus court en profondeur (Calosi et al. 2007). De plus, chaque espèce ayant un spectre thermique propre, la température est un déterminant-clé de la distribution géographique des espèces dans le monde (Begon et al. 2006). La température de l’eau a également des effets indirects sur les organismes. En effet, elle a un impact majeur sur les processus physico-chimiques, comme par exemple la teneur en oxygène dissous, ainsi que sur les processus biologiques, comme par exemple le taux de photosynthèse chez les plantes (Brönmark and Hansson 2000, Bornette and Puijalon 2011). La température influence également le régime hydrique de l’étang et a ainsi un impact majeur sur le biotope.

Quant aux nutriments, ils sont des éléments-clés pour la vie. En effet, ce sont des constituants élémentaires des cellules, le phosphore pour le stockage de l’information génétique et le

métabolisme de la cellule, l’azote pour la fabrication des protéines (Brönmark and Hansson 2000). De plus, les nutriments sont indispensables à la croissance des plantes et ont ainsi un impact majeur sur la composition des peuplements de plantes aquatiques (Bornette and Puijalon 2011), qui elles-mêmes influencent les peuplements animaux. Un exemple d’impact des nutriments sur les peuplements animaux est la succession d’espèces de macroinvertébrés du genre Sigara qui a été observée dans des lacs d’Angleterre de niveau trophique croissant (Macan 1970). La teneur en nutriments a également une influence sur la transparence de l’eau en favorisant la croissance du phytoplancton (Scheffer 2004).

L’usage et l’histoire des étangs ont également un impact sur leur biodiversité (Figure 3). L’âge d’un étang influence les peuplements qu’il abrite (Macan 1975, Jeffries 2008). Les pratiques de gestion, comme par exemple la fertilisation et le chaulage pratiqués dans la Dombes (France), vont modifier la physico-chimie de l’eau, ce qui influencera les peuplements occupant un étang.

Dans le cadre de cette thèse, deux variables environnementales ayant un impact majeur sur la biodiversité des étangs, seront étudiées plus en détail : la température de l’air et la teneur en nutriments (flèches rouges en gras sur la Figure 3). Ces deux variables environnementales sont au cœur de deux perturbations anthropiques : la température du réchauffement climatique et la teneur en nutriments de l’eutrophisation.

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