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CHAPITRE 1. La liaison chimique et l’acidité intrinsèque dans les hydroxydes,

4. Les composés fluorés : état des lieux et propriétés

4.2. Les diverses variétés du fluorure d’aluminium trivalent : AlF 3

4.2.1. Variétés structurales.

Le fluorure d’aluminium trivalent peut adopter différentes structures cristallines (Tableau 1.5). Toutes ces structures sont formées d’octaèdres liés par leurs sommets (Figure 1.8).

La forme stable de AlF3cristallise dans la symétrie rhomboédrique [63] comme Į-FeF3de type ReO3 distordu [64,65,66] avec un empilement anionique c.f.c. selon la direction [111], un anion sur quatre faisant défaut. La phase ȕ -AlF3présente une structure plus ouverte de type HTB [67]. Comme la phase Į, elle sera largement décrite dans le paragraphe suivant relatif aux phases FeF3. Bentrup [68] ainsi que Herron et Farneth [69] ont préparé des structures plus complexes dérivant de la structure de type HTB.

Phase Type structural Ttransc (°C) Ref.

Ș-AlF3 Pyrochlore 450 [70]

ȕ-AlF3 HTBa 660 [67]

ș-AlF3 Dérive du pyrochlore 610 [68]

ț-AlF3 TTBb 640 [71]

Į-AlF3 ReO3 distordu

a HTB = Bronze de tungstène hexagonal,bTTB = Bronze de tungstène quadratique.

cTtrans = température de transition en variété Į.

Tableau 1.5 Evolution thermique des variétés structurales des phases AlF3, d’après [72]. Les phases Ș, ȕ, ș et ț sont des phases métastables mais aucune d’entre elles ne peut être obtenue à partir des autres (Figure 1.9). Par contre toutes se transforment autour de 450°C-650°C en la forme la plus stable Į (Tableau 1.5). Enfin, les analyses thermogravimétriques ont montré dans ces variétés l’absence de groupements hydroxyles substituant les ions fluorures.

Les variétés ț- et ș-AlF3présentent des analogies avec les variétés HTB (Figure 1 .11-b) et pyrochlore respectivement (Figure 1.11-a). La phase Ș-AlF3, de type pyrochlore, peut être décrite comme une phase intermédiaire de la variété HTB. Elle a la même microporosité définie par des canaux adjacents reliés les uns aux autres par les sommets et sera décrite dans le paragraphe suivant concernant les composés à base de fer. Mais contrairement à la variété HTB qui présente des canaux dirigés selon l’axe c, les sommets des octaèdres ne sont pas reliés de la même manière, ce qui produit une ondulation de ces canaux le long des plans ab et introduit des tunnels dans les trois directions de l’espace. La densité de la forme Ș est inférieure à celles de ȕ-AlF3 et de Į-AlF3.

a) ș-AlF3. b) ț-AlF3.

Figure 1.8 Représentation des structures ș-AlF3 [71,73] et ț-AlF3 [71].

Dans le cas de ș-AlF3, tous les octaèdres peuvent être considérés comme quasi-réguliers, les distances Al-F déviant peu les unes des autres. Mais contrairement à la structure de type HTB, ș-AlF3 contient différents types de canaux dont la section est formée de 3, 4 ou 5 octaèdres AlF6. Comme dans le cas du type pyrochlore, les canaux forment un réseau et ondulent dans les trois directions de l’espace. Cette structure est en fait composée d’une succession de couches unitaires de type chiolite [Al3F14]; la structure peut être décrite comme une séquence de couches décalées les unes par rapport aux autres [73]. Enfin, ț-AlF3 de type TTB qui dérive du réseau HTB présente également des canaux à section triangulaire, carrée ou pentagonale selon l’axe c. Les méthodes de synthèse permettant d’accéder à ces composés sont décrites dans le schéma de la figure 1.9.

AlMe3 + Py. HF Py. HAlF4

NMe4+ 150°C

NMe4AlF4 HAlF4

450°C Ș-AlF3 HCONH2 200°C ȕ-AlF3 Į-NH4AlF4 450°C ș-AlF3 450°C-650°C ț-AlF3 ȕ-NH4AlF4 300°C Į-AlF3

Figure 1.9 Schéma réactionnel et stabilité thermique des différentes variétés de AlF3, d’après [74].

4.2.2. L’acidité dans les fluorures d’aluminium trivalent.

Les spectres FTIR de l’adsorption de pyridine (la technique sera plus détaillée dans le chapitre 4) sur des poudres de ȕ-AlF3 et d’alumine Ȗ ont été représentés sur la figure 1.10 [74]. On peut remarquer un déplacement de la bande caractéristique des sites acides de Lewis vers les plus grands nombres d’onde pour le composé ȕ-AlF3, ce qui signifie que le fluorure présente des sites de Lewis plus forts que ceux de l’oxyde d’aluminium Ȗ-Al203.

1500 1480 1460 1440 1420 1400

Nombre d’onde (cm-1)

ȕ-AlF3 Ȗ-Al203 Sites acides de Lewis

Figure 1.10 Détection des sites acides de ȕ-AlF3 et Al2O3 par spectroscopie photoacoustique de l’adsorption de pyridine, d’après [74].

Le remplacement des liaisons M-OH ou M-O par des liaisons M-F accroît la force des sites acides et cela, de toute évidence, du fait de la plus importante électronégativité du fluor.

Il faut noter que la formation d’une phase fluorée d’aluminium n’implique pas nécessairement une amélioration de la réactivité du solide du point de vue des propriétés catalytiques et que les caractéristiques structurales du fluorure d’aluminium formé (Į- ou ȕ-AlF3) semblent aussi jouer un rôle déterminant. En effet, contrairement à la variété ȕ-AlF3

qui présente à sa surface une forte concentration de sites acides, la phase Į-AlF3 quant à elle, ne semble présenter aucune affinité avec la pyridine, lorsque l’on teste des molécules sondes pour évaluer son acidité de surface [75]. Cette différence d’acidité de surface selon les caractéristiques structurales des phases AlF3est notamment révélée lorsque ces composés sont utilisés en tant que catalyseurs dans des réactions mettant en jeu des réactions de fluoration. Herron et Farneth [69] ont ainsi montré une différence de comportement catalytique selon la nature des phases utilisées, dans la fluoration de CH3Cl et de CCl3CF3 :

CHCl3 + 3 HF o CHF3 + 3 HCl CCl3CF3 + HF o CFCl350°C 2CF3 + HCl

350°C

Composé Surface spécifique (m2/g) Conversion en CHF3 (%) Conversion en CCl2FCF3 (%) Į-AlF3 3 2 4 ȕ-AlF3 53 49 10 Ș-AlF3 58 4 12 ș-AlF3 64 10 11 ț-AlF3 19 50 45

Tableau 1.6 Activité catalytique des diverses variétés de AlF3 pour les réactions de fluoration de CHCl3 ou CCl3CF3 avec le fluorure d’hydrogène gazeux à 350°C, d’après [69].

Les rendements de ces réactions de fluoration sont regroupés dans le tableau 1.7 et montrent que seules les variétés de AlF3 présentant des structures ouvertes développent une activité catalytique notable. Bien que le processus de catalyse ait lieu en surface au niveau des sites acides, ce n’est pas la surface spécifique mais la nature de l’arrangement des octaèdres

[AlF6] qui influe le plus sur l’acidité de surface du fluorure d’aluminium. Les variétés ț-AlF3

et ȕ-AlF3, bien que présentant de faibles surfaces spécifiques, présentent la meilleure activité catalytique pour la conversion en CHF3. La variété ț-AlF3 est très efficace pour la conversion en CCl2FCF3. Ces deux variétés appartiennent toutes les deux à la famille des bronzes hexagonaux et disposent de canaux selon une seule direction par opposition aux phases dérivées du pyrochlore. Ce sont ces arrangements structuraux qui semblent les plus favorables.