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6 : Valorisation des oléfines trans par réduction de la double liaison centrale

Bibliographie de la 1 ère partie

II. 6 : Valorisation des oléfines trans par réduction de la double liaison centrale

Les ligands oléfines de structure trans ne peuvent se comporter comme des ligands chélatants vis-à-vis des métaux, et sont donc moins intéressants d’un point de vue catalytique. Pour les deux familles de ligands qui ont été largement évoquées ci-dessus, la valorisation de ces oléfines par réduction de la double liaison centrale permettrait de récupérer une bis- phosphine chélatante, celle-ci utilisable en catalyse, et ainsi de valider la voie McMurry comme méthode efficace de synthèse de ligands bidentes chiraux. Cette perspective intéressante nous a conduit à étudier les possibilités de réduction de l’oléfine trans issue du DMPP, II.5 (Figure II-25).

P P Ph Ph Ph Ph II.5 Réducteur P P Ph Ph Ph Ph Ligand chélatant Figure II-25

Les réactions de réduction des oléfines trans disubstituées font appel à une large palette de réactifs, parmi lesquels les catalyseurs d’hydrogénation à base de métaux de transition (Pd/C, Nickel de Raney, catalyseur de Wilkinson...), le diimide et les hydrures métalliques (LiAlH4, NaBH4...).[94]

II.6.1 : Systèmes à base de métaux de transition

Nous avons choisi dans un premier temps de faire appel aux systèmes à base de métaux de transition (Tableau II-16). Pour cela, il fallait travailler sur une forme protégée du PIII. La forme P→BH3 s’étant révélée peu stable, nous avons travaillé sur la forme oxyde

P=O.

Réducteur Conditions

Pd / C Pd / C (10%mol), MeOH, RT, P(H2) = 5 ou 10 bars

RhCl(PPh3)3 RhCl(PPh3)3 (10%mol), MeOH, RT, P(H2) = 10 bars, 24h

PdCl2 / Et3SiH PdCl2 (10%mol), Et3SiH (2éq.), EtOH, 50°C, 24 h

Tableau II-16

• Palladium sur charbon

L’utilisation du palladium sur charbon s’impose par sa simplicité de mise en œuvre. Aucune hydrogénation n’est malheureusement observée à 5 ou 10 bars, même avec un temps de réaction prolongé (72h) et sous chauffage (40°C).

• Catalyseur de Wilkinson : RhCl(PPh3)3

Les catalyseurs à base de rhodium, dont le catalyseur de Wilkinson, sont utilisés de façon courante pour l’hydrogénation sélective d’oléfines.[95] Là encore, aucune hydrogénation.

• Système PdCl2 / Et3SiH

Les systèmes composites silane-métal de transition ont été développés pour compenser la faiblesse des trialkylsilanes en tant que donneurs d’hydrures. Ces systèmes composites sélectifs et faciles à manipuler permettent l’hydrogénation d’alcènes dans des conditions plus douces et avec de meilleurs rendements.[96] Ce système est malheureusement également inactif sur l’oléfine trans.

L’échec de ces trois tentatives peut s’expliquer par l’encombrement de la double liaison provoqué par la présence en β et β’ des noyaux aromatiques, empêchant l’approche à la surface du catalyseur (Figure II-26).

P P Ph Ph Ph Ph O O II.5-P=O P P Ph Ph Ph Ph encombrement stérique de la double liaison O O Figure II-26

II.6.2 : Réduction par le diimide

L’hydrogénation catalytique transfère les éléments de l’hydrogène moléculaire via une série d’intermédiaires et de complexes. Le diimide HN=NH est un donneur d’hydrogène instable qui est généré uniquement in situ. Le mécanisme réactionnel est décrit comme un transfert d’hydrogène via un état de transition cyclique non polaire. La stéréochimie de l’addition est syn (Figure II-27).[97]

HN NH + C C H H C C N N C H H C + N2 NH2NH2 + H2O2 oxydation de l'hydrazine Figure II-27

Aucune réactivité sur la (ou les) doubles liaisons n’a été constatée. Seul l’oléfine bi- oxydée a pu être isolée du milieu réactionnel.

II.6.3 : Réduction par les hydrures

L’emploi des hydrures métalliques devraient être moins sensibles à l’encombrement stérique lié aux noyax aromatiques. Ils sont quelquefois utilisés dans la réduction des oléfines, bien que souvent une quantité catalytique d’halogénure de métal de transition soit nécessaire pour atteindre des rendements quantitatifs (TiCl3, CoCl2, NiCl2...).[98]

Le suivi de la réaction de réduction de l’oléfine trans II.5 par LiAlH4 en RMN 31P

majoritaire à -30.7 ppm (75%) et d’un composé minoritaire à -12.3 ppm (15%), accompagnés de quelques impuretés (10%, 4 pics à -31.9, -14, -12 et -11.5 ppm) La sulfuration du brut réactionnel permet d’isoler et de purifier par chromatographie sur silice le produit majoritairement formé. Le spectre RMN 1H montre que la partie diénique CH3-C=C-Ph

interne au squelette 1-PNBD n’a pas été modifiée. La zone de résonance des protons aromatiques/vinyliques a par contre été modifiée. On voit en outre apparaître un nouveau signal (singulet, intégrant pour 2 protons) à 3.93 ppm. La caractérisation par RX a levé les doutes sur la structure du produit : il s’agit d’une réduction suivie d’une « migration » de doubles liaisons conduisant à la formation d’un bis-1-phosphanorbornène de géométrie s-

trans, II.11. Cependant, il y a globalement eu réduction puisque la molécule a perdu une

insaturation, indiquant ainsi que les doubles liaisons internes au motif 1-PNBD peuvent être réactives dans ces conditions (Figure II-28).

P P Ph Ph Ph Ph 1. LiAlH4 (2éq.), 50°C, THF, 3h II.5 2. S8 P P Ph Ph Ph Ph II.11 S S Figure II-28

Ce résultat peut être rationnalisé grâce à une étude théorique de l’oléfine II.5. L’optimisation de géométrie a été réalisée avec la méthode ONIOM (méthode RHF avec la base 6-31G*) sur toute la molécule sauf sur les groupes phényles (méthode AM1). Le calcul de population et charge a été réalisé avec la méthode RB3LYP (base 6-31G*) sur la structure générée par le calcul ONIOM.

Les résultats obtenus mettent effectivement en évidence que la LUMO est surtout localisée sur les doubles liaisons intérieures des motifs norbornadiènes. Le coefficient le plus important se trouve sur le carbone terminal externe portant le phényle. De même, le calcul des charges NBO montre que la charge la plus positive est localisée sur ce même carbone : l’hydrure attaque donc préférentiellement cette position (Figure II-29).

H H P P Ph Ph Ph Ph LUMO de II.5

représentations de la LUMO de II.5 (orbitale moléculaire + représentation schématique)

H H P P Ph Ph Ph Ph

Charges NBO de II.5

-0.002 -0.309 -0.222 0.026 -0.326 Figure II-29 II.6.4 : Conclusion

En conclusion, deux facteurs permettent d’expliquer les échecs rencontrés lors de la réduction de la double liaison C=C centrale de l’oléfine trans II.5 :

• un fort encombrement stérique

En effet, même si la double liaison C=C centrale n’est que disubstituée, les unités 1-PNBD sont suffisamment volumineuses pour empêcher certains mécanismes de réduction (en particulier les hydrogénations au palladium activé et par le catalyseur de Wilkinson).

• la conjugaison

Un effet de conjugaison entre les doubles liaisons internes du motif 1-PNBD et la double liaison centrale peut également être invoqué. Cet effet est par ailleurs visible dans le cas de la réduction par LiAlH4.

Ce dernier résultat met en évidence la réactivité des doubles liaisons internes au motif 1-PNBD. A partir de là, il était tentant d’étudier la réduction de ces doubles liaisons, comme nouvelle voie d’accès au motif 1-phosphanorbornane, à partir des 1-phosphanorbornadiènes

qui sont très faciles d’accès. Nous pensons plus particulièrement à la possibilité d’obtenir ainsi des phosphines basiques très encombrées et si besoin chirales. Ces phosphines pourraient alors être utilisées dans certaines réactions de couplage catalytiques.[99, 100]

Ceci a fortement motivé le travail présenté lors de la dernière partie de ce manuscrit (4ème partie).

II.7 : Conclusion

Ce chapitre rassemble le travail effectué autour de la mise en oeuvre du couplage de McMurry sur le synthon 1-phosphanorbornadiène-2-carboxaldéhyde énantiopur I.A. Le couplage conduit, selon les conditions de réaction à deux nouvelles bis-phosphines à

phosphore asymétrique : à basse température, le diol II.1, formé de façon stéréospécifique, et

au reflux du THF, à l’oléfine trans II.5.

Cette méthodologie s’est révélée particulièrement intéressante : ne produisant pas de composé méso, le ligand diol II.1 est obtenu avec un rendement global de 15 à 20 %, à comparer à la synthèse de la BIPNOR, où chacun des énantiomères est produit avec un rendement global de 5 %. Bien que fabriqué de façon moins rationnelle que cette dernière, le ligand diol est synthétisé avec un rendement trois à quatre fois plus élevé, en dépit d’un nombre plus élevé d’étapes de synthèse.

Compte tenu de la facilité d’accès à cette nouvelle structure, ses propriétés catalytiques ont été testées sur deux familles de réactions : les réactions d’hydrogénation (oléfines fonctionnelles, oléfines non fonctionnelles, carbonyles, imines) et les réactions de couplage énantiosélectives (Tsuji-Trost, Heck asymétrique).

Les essais effectués sur les systèmes utilisant le ruthénium (hydrogénation de carbonyles) se sont révélés plutôt infructueux, comme dans le cas de la BIPNOR. Une instabilité des complexes, ou peut-être la présence de groupements hydroxyles peut être à l’origine de ces échecs.

Le nouveau ligand diol II.1 s’impose, aussi bien en terme d’activité que d’énantiosélectivité, comme un sérieux concurrent de la BIPNOR sur les réactions d’hydrogénation d’oléfines fonctionnelles (ee = 88-98%). Il la surclasse sur les réactions de

Heck asymétrique (ee = 90%) et de substitution nucléophile allylique (ee = 88-94%), en