• Aucun résultat trouvé

Valorisation des tourteaux pour la fabrication d’agromatériaux

VII. Activités de recherche

8. Valorisation des tourteaux pour la fabrication d’agromatériaux

Afin de satisfaire au concept de raffinerie du végétal qui prévoit une valorisation de l’ensemble des fractions issues de ce type de procédé, ceci afin de limiter autant que faire se peut la production de déchets, une valorisation des tourteaux a été envisagée, en plus de celle des extraits lipidiques dont il a été largement question précédemment.

Qu’ils aient été générés lors de l’expression et/ou lors de l’extraction aqueuse de l’huile végétale de matières oléagineuses (graines ou plantes entières), les différents tourteaux issus du traitement bi-vis présentent tous une teneur résiduelle en lipides correspondant à l’huile n’ayant pu être exprimée et/ou extraite. Rappelons ici brièvement que celle-ci pourra toujours être extraite au solvant avant toute valorisation du tourteau. Tous les tourteaux révèlent également la présence dans des proportions variables de matières minérales, de composés hydrosolubles, de protéines et de fibres végétales (comprenant la cellulose, les hémicelluloses et les lignines) (Tableau 14). Sur la base de ces compositions chimiques, et même si l’huile résiduelle des tourteaux pourrait être un inconvénient pour leur utilisation directe, diverses valorisations pourront être envisagées pour ces raffinats solides :

- 108 -

 Même si aucun test de digestibilité n’a pu être effectué au cours mes différents travaux, l’alimentation animale pourra être un axe de valorisation important pour ces différents tourteaux (en vrac ou sous forme de granulés), d’autant plus qu’aucun d’eux n’a été en contact avec le moindre solvant. Cette possible valorisation s’explique par la richesse de ces tourteaux à la fois en fibres lignocellulosiques et en protéines (Tableau 14). Signalons tout de même que le tourteau de jatropha ne pourra être valorisé de la sorte, en raison de la présence d’une toxalbumine, la curcine, qui présente une forte toxicité (Gubiz et al., 1999 ; Haas et Mittlebach, 2000).

 Les tourteaux pourront également être utilisés pour la production d’énergie par combustion en chaudière à granulés, par gazéification ou par pyrolyse (Yorgun et al., 2001 ; Gerçel, 2002).

 Dans le cas des tourteaux de coriandre, trois autres valorisations potentielles ont également été identifiées lors des travaux de Mlle Uitterhaegen :

 Les tourteaux de coriandre contiennent une partie de l'huile essentielle présente initialement dans la graine, ne représentant toutefois jamais plus de 0,3% de leur masse sèche. Ainsi, l'huile essentielle résiduelle de ces tourteaux pourra être extraite par hydrodistillation (A15 ; Uitterhaegen, 2018). En raison de son parfum frais et fleuri s’expliquant par sa teneur élevée en linalool (jusqu’à 77%), elle pourra être utilisée dans l’industrie cosmétique pour la fabrication de parfums, de shampooings ou de savons voire même de détergents ménagers (Lapczynski et al., 2008), ou comme répulsif contre les moustiques (Müller et al., 2009). Néanmoins, en raison de la faible quantité d'huile essentielle présente dans les tourteaux de coriandre, il pourra aussi être plus judicieux de la laisser dans d’autres produits finis tels que des agromatériaux, leur fournissant ainsi une valeur ajoutée.

Les tourteaux de coriandre contiennent également certains antioxydants naturels qu’il sera possible d’isoler par extraction méthanolique, ceux-ci étant potentiellement intéressants en raison de leur impact bénéfique sur la santé (Sriti et al., 2014 ; A15).

 Enfin, les tourteaux de coriandre présentent une teneur non négligeable en pentosanes, comprise entre 8,9 et 11,5% de leur masse sèche selon les conditions de pressage mécanique mises en œuvre en réacteur bi-vis (Uitterhaegen, 2018). À ce titre, ils pourront être utilisés comme adjuvants en panification, pour la mise au point de produits sans gluten par exemple, ce qui pourrait à terme intéresser les industriels de la meunerie et autres fabricants de biscuits.

Outre les premières valorisations envisagées ci-dessus, il est à noter que tous ces tourteaux présentent non seulement une forte teneur en fibres lignocellulosiques mais également une teneur non négligeable en protéines (Tableau 14), partiellement dénaturées lors du traitement d’extrusion bi-vis comme a pu le révéler leur analyse DSC (A2, A3, A4, TD), permettant ainsi de les utiliser comme des liants naturels sous contrainte thermo-mécanique. Cette spécificité particulièrement intéressante justifie le fait que les tourteaux puissent être considérés comme des composites naturels. Aussi, leur valorisation comme base de mise en forme en agromatériaux, tout particulièrement par thermopressage ou par thermomoulage, constitue une voie originale pour leur utilisation :

■ Le thermopressage, qui consiste en un pressage à chaud de la matière entre les deux plateaux d’une presse hydraulique, et qui ne nécessite pas nécessairement de pression élevée, permettrait de mettre en forme les tourteaux pour la fabrication de plaques ou de panneaux (de fibres ou de particules), qui trouveront des utilisations variées dans des domaines tels que ceux de l’ameublement, du bâtiment ou des industries du stockage et des transports.

■ Lorsque le thermopressage est effectué dans un moule, l’objet prend la forme de l’empreinte : on parle alors de thermomoulage. Cette technique permettrait de mettre en forme les tourteaux pour la fabrication de contenants (écuelles pour animaux domestiques, bacs à litières, etc.).

C’est donc vers cette technologie de thermocompression que se sont focalisés la plupart de mes travaux visant à valoriser les tourteaux générés à l’issue du traitement bi-vis. Leurs résultats seront

- 109 -

décrits de façon exhaustive dans les paragraphes suivants. En outre, la richesse en fibres végétales de ces raffinats solides témoigne du fait qu’ils pourraient aussi être intéressants pour l'industrie des biocomposites. En effet, ils pourraient être incorporés via une étape de compoundage bi-vis dans des polymères thermoplastiques, notamment des polymères compostables tels que l'acide polylactique (PLA) (A9) et la polycaprolactone (PCL) (Diebel et al., 2012), où ils pourraient agir comme des charges de renforcement. Les granulés composites ainsi formulés pourraient alors être utilisés pour la fabrication de diverses pièces, moulées par injection thermoplastique ou extrudées (pièces d’usage éphémère, barquettes alimentaires, films, profilés, etc.). Mes travaux déjà effectués sur ce sujet (A9, A18, A23, A31) seront également décrits en suivant. Par ailleurs, une étude allant elle aussi dans ce sens a été réalisée plus récemment dans le cadre de la Thèse de Doctorat de Mlle Uitterhaegen (Quevedo, 2016 ; A37).

- 110 - Tableau 14

Quelques exemples de composition chimique de tourteaux générés par extrusion bi-vis, selon la nature de la matière première traitée, le mode d’obtention (expression ou extraction aqueuse de l’huile végétale) et l’éventuel post-traitement de délipidation à l’extracteur de type Soxhlet avant leur transformation en agromatériaux par thermopressage.

Matière première Tournesol

(plante entière) Neem (graines) Jatropha (graines) Coriandre (graines) Fenouil (graines)

Référence(s) A4, A5, A6, A11, A13, A16,

AC12, TD

Faye, 2010 A12 A19 ; A25 ; Uitterhaegen, 2018 Sayed Ahmad,

2018

Mode d’obtention Extraction aqueuse Extraction

aqueuse

Expression Expression Expression

Délipidation Non Oui Non Non Non Oui Non

Composition chimique (en % de matière sèche)

Minéraux 5,4-7,1 8,0 2,3-5,3 4,9-5,9 6,2 6,7 7,1 Lipides 13,1-17,6 0,9 17,1-20,9 5,9-19,1 17,2 0,9 18,0 Protéines 6,7-9,2 11,3 7,8-8,9 18,9-23,8 18,2 26,7 29,1 Cellulose 30,8-32,0 38,8 n.d.1 40,8-47,2 26,6 34,7 23,3 Hémicelluloses 5,2-14,8 5,9 n.d.1 5,4-16,7 22,2 36,9 30,6 Lignines 10,7-15,6 19,4 n.d.1 2,2-4,1 5,0 1,0 6,4 Composés hydrosolubles 12,1-18,7 14,4 n.d.1 13,3-16,6 16,0 15,6 n.d.1 1 n.d., non déterminé.

- 111 -

a. Méthodologie expérimentale pour l’obtention de panneaux de fibres et/ou de

particules par thermopressage :

Pour la fabrication des agromatériaux par thermopressage, les protéines à l’intérieur des tourteaux ont été utilisées comme des liants naturels. Grâce au comportement thermoplastique de ces polymères amorphes, le processus de thermopressage permet la fabrication de matériaux fibreux sans ajout de colle. On parle alors d’auto-adhésion. Au cours de mes nombreux travaux sur le sujet, des panneaux de fibres et/ou de particules d’origines variées ont ainsi pu être obtenus avec succès, aucun polymère exogène, synthétique ou d’origine naturelle, n'ayant été ajouté lors de la mise en œuvre de ces matériaux :

 À partir de tourteaux de tournesol issus de la plante entière (A4, A5, A6, A11, AC12, B1, TD).

 À partir de tourteaux de jatropha (A12).

 À partir de tourteaux de coriandre (A19, A25, A30, AC17, P35, P43).

Les panneaux ainsi obtenus n’en demeurent pas moins cohésifs. En plus des protéines, signalons tout de même ici que certains autres constituants des tourteaux, notamment certains composés des fibres lignocellulosiques, les hémicelluloses voire même les lignines, peuvent également avoir des propriétés adhésives, contribuant ainsi pour partie à la cohésion des matériaux produits (Tajuddin et al., 2016).

Dans le cas des tourteaux de jatropha, leur analyse enthalpique différentielle (DSC) a été réalisée sur des matières délipidées, après conditionnement en enceinte climatique (60% HR, 25 °C) pendant trois semaines, correspondant à une teneur en humidité de 6-7% (A12). Elle a permis de mettre en évidence un phénomène significatif de transition vitreuse, et ce pour les cinq tourteaux testés (Figure 37). Il a été attribué à la transition vitreuse des protéines, observée à une température comprise entre 179 et 181 °C, même si d'autres constituants mineurs tels que les hémicelluloses pourraient aussi révéler ce même type de changement de phase (Manolas et al., 1994 ; Rigal et al., 1998 ; Gabrielii et al., 2000 ; Rouilly et Rigal, 2002). Cette transition de phase a aussi pu être mise en évidence au cours d’autres travaux, pour les protéines contenues dans les tourteaux issus de la plante entière de tournesol (A4, TD) et pour celles de tourteaux de coriandre (A19, A25).

- 112 - Figure 37

Thermogrammes DSC obtenus dans des capsules hermétiques pour des tourteaux de jatropha, délipidés et équilibrés en enceinte climatique (60% HR, 25 °C) pendant trois semaines avant analyse (A12).

Lorsque ces tourteaux de jatropha sont séchés dans une étuve ventilée (60 °C, 12 h) avant analyse DSC, conduisant à une teneur en humidité de seulement 2% environ, une légère augmentation de la température de transition vitreuse des protéines est systématiquement observée (de 180 °C en moyenne à 185-186 °C). Ceci est caractéristique de l'effet plastifiant joué par l'eau sur les protéines de jatropha, et cette tendance avait été précédemment observée pour les protéines de tournesol (Rouilly et al., 2001, 2003), pour le gluten de blé (Lim et al., 1993 ; Pouplin et al., 1999), pour la zéine de maïs (Di Gioia, 1998) ainsi que pour les protéines de soja (Morales et Kokini, 1997). En effet, les protéines végétales contiennent, comme la plupart des autres familles de biopolymères (amidon, pectines, hémicelluloses et autres polysaccharides), des fonctions polaires (fonctions amides) qui sont capables de se lier à des molécules d'eau par le biais de liaisons hydrogène. La présence d'eau sépare les protéines et facilite leur mouvement, ce qui améliore leurs propriétés thermoplastiques (Rouilly et Rigal, 2002). Les propriétés thermiques et rhéologiques des protéines sont donc fortement dépendantes de la quantité d'eau qu’elles contiennent, ce qui entraîne des variations de leur température de transition vitreuse en fonction de leur niveau d’hydratation.

L’effet plastifiant de l’eau sur les protéines a été largement étudié au LCA, notamment sur un isolat protéique de tournesol, extrait d’un tourteau industriel à partir de conditions dénaturantes (Rouilly et al., 2001). Ce travail a permis de confirmer qu’une diminution de la température de transition vitreuse des protéines, tout particulièrement les globulines, était observée avec l’augmentation de leur teneur en humidité : de 180,8 °C pour des protéines totalement sèches à -7,0 °C pour une humidité maximale de 50% (Figure 38). Cette diminution, caractéristique de l’effet plastifiant de l’eau pour les protéines, s’accompagne par la même occasion d’une diminution de leur rhéologie lorsqu’elles sont dans un état caoutchoutique visqueux. Ce qui facilite leur écoulement sous contrainte thermo-mécanique, rendant par voie de conséquence leur moulage par injection thermoplastique envisageable. Des pots biodégradables de repiquage pour plantes ont ainsi pu être produits par injection thermoplastique de

- 113 -

tourteaux industriels de tournesol, préalablement déstructurés par voie thermo-mécano-chimique en extrudeur bi-vis (Geneau, 2006 ; Humbert, 2008). Pour ce cas de figure, la teneur en protéines du tourteau industriel était de l’ordre de 35 à 40% de sa masse sèche, et l’humidité du tourteau était d’environ 20% au moment du moulage, ceci afin de fluidifier le mélange fondu et de faciliter ainsi le remplissage de l’empreinte du moule. Lors de la Thèse de Doctorat de Julien Humbert (2008), j’ai pu assister ce dernier à l’optimisation du moulage par injection de ces pots de repiquage (AT1).

Figure 38

Évolution de la température de transition vitreuse des protéines de tournesol, déterminée à partir de thermogrammes DSC, avec leur teneur en humidité (Rouilly et al., 2001).

Dans le cas des tourteaux issus de plantes ou de graines oléagineuses, qu’ils aient été produits par pressage mécanique ou par extraction aqueuse puis éventuellement délipidés au solvant (cyclohexane) à l’aide d’un extracteur de type Soxhlet, la teneur en protéines (Tableau 14) est bien inférieure aux cas évoqués juste au-dessus, rendant impossible leur moulage par injection en raison de la viscosité trop élevée du mélange fondu. C’est donc tout naturellement vers le thermopressage et le thermomoulage que le choix de la technique de mise en forme s’est porté, les protéines agissant alors plus comme un liant naturel que comme une matrice thermoplastique. Néanmoins, lors du moulage à chaud sous pression, une teneur en humidité du tourteau trop élevée (> 10%) peut présenter le risque de générer des défauts (cloques, fissures, etc.) à l’intérieur des matériaux obtenus, diminuant ainsi drastiquement leur tenue mécanique. En effet, dans le cas de l’injection, le démoulage de la pièce hors de l’empreinte du moule se fait toujours après son refroidissement à température ambiante, l’eau contenue dans la pièce injectée étant alors revenue à l’état liquide. À l’inverse, dans le cas du thermopressage, c’est à chaud (à l’aide d’une température allant au-delà de 100 °C pour permettre une plastification des biopolymères, les protéines en particulier) que les panneaux thermopressés sont mis en forme, et donc également retirés du moule en fin de cycle après ouverture de la presse hydraulique. Encore à l’état de vapeur, l’eau emprisonnée à l’intérieur du matériau dense déjà fabriqué cherche alors à s’en échapper, le plus souvent sans succès, formant ainsi les cloques et autres fissures évoquées ci-

- 114 -

dessus. Lors de l’ouverture de la presse, une détente trop brutale peut même conduire à l’explosion pure et simple du matériau.

Au cours de mes travaux, des solutions d’ordre technologique ont ainsi été proposées, avec succès, pour pallier à ce problème. Elles sont listées ci-dessous :

 Une entrouverture du moule en début de cycle.

 Une diminution de la vitesse d’ouverture des plateaux en fin de cycle.  Un refroidissement du moule avant son ouverture.

 Un pressage de la matière en deux cycles successifs, le premier à chaud pour donner au matériau la forme désirée, et le second à froid pour remettre en forme l’objet de façon définitive tout en profitant de la chaleur accumulée lors du premier cycle.

Néanmoins, ces solutions présentent toutes l’inconvénient d’augmenter les temps de cycle, la dernière d’entre elles nécessitant par ailleurs l’acquisition de deux presses hydrauliques pour permettre une production en continu des matériaux thermopressés. Aussi, elles s’accompagneront inexorablement d’une augmentation du prix de revient des panneaux. À titre d’exemple, la solution consistant à refroidir le moule avant son ouverture a été testée avec succès dans le cas d’un mélange composé (i) de paille de riz extrudée en guise de renfort fibreux et (ii) d’une lignine commerciale, préalablement extraite de la paille de blé via un procédé de type organosolv, en guise de liant naturel (A38). Cette solution a permis d’accéder à des propriétés en flexion particulièrement élevées pour les panneaux de fibres obtenus : jusqu’à 50 MPa pour la résistance en flexion et jusqu’à 6 GPa pour le module élastique. En effet, en démoulant à seulement 60 °C, c’est-à-dire à une température nettement inférieure à 100 °C, tout phénomène de détente brutale est évité, l’eau étant à l’état liquide à son retour à la pression atmosphérique. D’ailleurs, grâce à cette méthodologie, il est possible également de mouler avec davantage d’eau que celle naturellement contenue dans la matière à thermopresser (jusqu’à 20% d’eau ajoutée avant pressage à chaud lors de cette étude), permettant ainsi de mieux utiliser son effet plastifiant vis-à-vis de la lignine. Néanmoins, la presse utilisée au laboratoire pour cette étude (presse à plateaux chauffants de la halle AGROMAT, d’une capacité de 400 tonnes) disposant d’un système de refroidissement des plateaux par simple circulation d’eau froide, cette étape s’est avérée extrêmement longue (de l’ordre de 20-25 min), représentant à elle seule près des trois-quarts de la durée totale du cycle de pressage à chaud (environ 30 min). La mise en œuvre d’un moule à induction électromagnétique devrait rendre nettement plus rapide la diminution de la température dans le moule de thermopressage en fin de cycle. De plus, outre le gain attendu en termes de temps de cycle, une telle technologie devrait également favoriser une meilleure répartition de la contrainte thermique sur la totalité de la surface du matériau fibreux lors du moulage, favorisant du même coup l’obtention de panneaux plus homogènes d’un point de vue mécanique. Bien que n’ayant pas pu être mise en œuvre au cours de mes travaux, l’acquisition d’une telle technique de moulage est prévue dans un futur proche au sein du laboratoire. Il en sera davantage question un peu plus loin, dans la partie consacrée à mon projet de recherche.

Une ultime solution, moins coûteuse, a donc été envisagée. Elle consiste en une diminution, par le biais d’un séchage modéré en étuve ventilée (60 °C, 12 h), de la quantité d’eau contenue dans les tourteaux avant thermopressage (jusqu’à environ 2% d’humidité). Et, les résultats ainsi obtenus ont été particulièrement prometteurs (A4, A5, A6, A11, A12, A19, A25, AC12, B1, TD). Pourtant, en procédant de la sorte, la teneur en humidité des protéines étant alors plus faible, cela se traduit par une augmentation de leur température de transition vitreuse : pour le cas des protéines de tournesol par exemple, de 80 °C environ à leur humidité naturelle (8-10%) à 150 °C environ pour une humidité de seulement 2% (Figure 38). C’est la raison pour laquelle le choix de la température de thermopressage est alors particulièrement important. En effet, afin de s’assurer du passage des protéines dans un état caoutchoutique visqueux lors de la mise en forme sous pression, la température de la presse doit au moins être égale à leur température de transition vitreuse. C’est seulement à cette condition qu’un

- 115 -

mouillage de la surface des fibres par les protéines peut se produire, leur permettant ainsi de bien jouer leur rôle de liant naturel à l’intérieur de l’agromatériau thermopressé.

Afin d’illustrer ce dernier point, revenons aux tourteaux de jatropha. Dans ce cas, l’obtention de panneaux de particules a été réalisée à partir de matières premières présentant une humidité d’environ 2%, correspondant à une température de transition vitreuse des protéines de l’ordre de 185 °C (A12). La température de thermopressage présentait alors une valeur minimale de 160 °C et une valeur maximale de 200 °C. À seulement 160 °C, la transition vitreuse des protéines n’ayant pas été atteinte lors du moulage, les panneaux obtenus ont été simplement densifiés (1,16 pour la densité), révélant une tenue mécanique en flexion particulièrement faible : 0,6 MPa pour la résistance en flexion, 0,1 GPa pour le module élastique et 31° pour la dureté de surface Shore D. À l’inverse, pour une température de 200 °C, des matériaux bien plus résistants ont pu être fabriqués : jusqu’à 1,28 pour la densité, 7,5 MPa pour la résistance en flexion, 2,3 GPa pour le module élastique et 72° pour la dureté de surface Shore D. Ainsi, pour une température conduisant à la transition vitreuse des protéines (200 °C), le mouillage des fibres par la résine protéique, qui se trouve alors dans un état caoutchoutique visqueux, est effectif, leur rôle de liant garantissant alors l’obtention de matériaux nettement plus résistants mécaniquement.

Si la température de la presse doit donc dépasser une valeur minimale lors de la mise en forme, elle ne devra pas, à l’inverse, aller au-delà d’une certaine limite. Cette précaution a pour objectif de limiter tout phénomène de dégradation (décomposition thermique) des constituants organiques du tourteau lors du moulage, les protéines en particulier. Si une telle dégradation devait se produire, l’aptitude de liant naturel des protéines serait nécessairement altérée, et les gaz de combustion alors générés à l’intérieur du matériau pourraient également contribuer à l’apparition de défauts supplémentaires. La décomposition thermique des tourteaux a été étudiée par ATG, d’abord pour le cas d’un tourteau de tournesol issu de la plante entière (A6). Puis, les résultats obtenus ont été confirmés pour le cas de deux autres tourteaux, l’un issu du jatropha (A10) et l’autre de la coriandre (A19).

Pour le tourteau de tournesol plante entière, les résultats de son analyse thermogravimétrique sous air apparaissent en Figure 39. Une première perte de masse est observée à 100 °C, correspondant à l'évaporation de l'eau. La teneur en humidité du tourteau de tournesol analysé étant d’environ 7%, la perte de masse observée sur la courbe ATG correspond bien approximativement au même pourcentage massique. Puis, la décomposition thermique des composés organiques se produit essentiellement en une étape (entre 225 et 375 °C), conduisant à la perte de plus de 55% de la masse sèche de l'échantillon. Un autre phénomène de décomposition thermique est également observé, autour de 425 °C, même s’il est à