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Utilisations potentielles des émulsions huile/eau générées par extraction aqueuse

VII. Activités de recherche

7. Utilisations potentielles des émulsions huile/eau générées par extraction aqueuse

Sur la base du bilan de matière présenté en Figure 34, les phases hydrophobes supérieure et inférieure générées lors du fractionnement aqueux en réacteur bi-vis de la plante entière de tournesol contiennent 32,8% et 10,5%, respectivement, des lipides de la plante entière. De même, leurs teneurs en protéines correspondent à 16,0% et 6,6%, respectivement, des protéines de départ. L'observation au microscope optique de ces deux phases hydrophobes a montré que toutes deux avaient la forme d’émulsions huile/eau. Leur stabilité est assurée par la présence à l'interface d’agents tensioactifs naturels co-extraits par l'eau lors du processus d'extraction aqueuse, à savoir des phospholipides et des protéines mais également des substances pectiques et des sucres non pectiques dans le cas de la phase hydrophobe inférieure (Tableau 12). Lorsqu’elles sont observées au microscope optique, les gouttelettes lipidiques dispersées dans l’eau révèlent un diamètre légèrement plus faible à l’intérieur de la phase hydrophobe supérieure qu’à l’intérieur de la phase hydrophobe inférieure. Et, cette même tendance a pu être confirmée grâce à l’analyse de ces deux émulsions huile/eau à l’aide d’un granulomètre laser (Tableau 13). En outre, les courbes de distribution en volume des particules contenues dans les deux phases hydrophobes ont permis de mettre en évidence la présence d'une seconde population, en plus des gouttelettes lipidiques. Cette nouvelle population est constituée de particules ayant un diamètre moyen compris entre 10 et 15 µm pour la phase hydrophobe supérieure, et compris entre 30 et 35 µm pour la phase hydrophobe inférieure (TD). Représentant moins de 0,30% et moins de 0,15%, respectivement, du nombre de particules présentes à l'intérieur de ces deux émulsions huile/eau, il pourrait s’agir de débris cellulaires issus du fractionnement thermo-mécano-chimique de la plante entière dans l’extrudeur bi-vis, et qui auraient été mal séparés du pied du filtrat lors de l'étape de centrifugation.

Tableau 13

Diamètre moyen des gouttelettes d'huile dispersées dans l'eau pour les deux phases hydrophobes (A22). Microscope optique

(Nikon Eclipse E 600)1 Granulomètre laser (Malvern Mastersizer 2000)

Phase hydrophobe supérieure (μm) 1,12 ± 0,26 1,10 ± 0,58

Phase hydrophobe inférieure (μm) 1,40 ± 0,31 1,20 ± 0,81

1 Valeurs moyennes determinées par mesure manuelle des diamètres de l’ensemble des gouttelettes lipidiques présentes sur les

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Le comportement rhéologique des deux phases hydrophobes a ensuite été étudié à l'aide d'un rhéomètre à contrainte imposée, muni d’une géométrie de type cône tronqué/plan. Pour ces deux émulsions huile/eau, il est apparu que leur comportement rhéologique pouvait être modélisé à l’aide du modèle de Herschel-Bulkley. L'existence d'un seuil d’écoulement a ainsi été mise en évidence, correspondant à une valeur de la contrainte de cisaillement appliquée en-dessous de laquelle la viscosité est trop forte pour que la phase hydrophobe ne s'écoule. Ce dernier a pu être estimé plus précisément sous faible contrainte : seulement 0,5 Pa pour la phase hydrophobe supérieure, et entre 31 et 32 Pa pour la phase hydrophobe inférieure. Dans le même temps, la viscosité de la phase hydrophobe inférieure est apparue nettement plus élevée que celle de l’émulsion supérieure (Figure 36), s’expliquant par les propriétés gélifiantes et épaississantes des pectines de tournesol (Maréchal et Rigal, 1999). En second lieu, la résistance du film situé à l'interface huile/eau a été évaluée par l’intermédiaire de la concentration en protéines à l'interface. Celle-ci a été estimée à 34 mg/m2 pour la phase hydrophobe supérieure,

atteignant une valeur de 54 mg/m2 pour la phase hydrophobe inférieure. Enfin, la stabilité des deux

émulsions a été étudiée sur une période de trois mois, ceci en suivant non seulement l’évolution de la taille moyenne des gouttelettes d'huile dispersées dans l'eau au cours du temps mais également la résistance à l'écoulement des deux phases hydrophobes sous contrainte imposée. Ce suivi a montré une bonne stabilité dans le temps des deux émulsions huile/eau lorsqu'elles sont stockées dans un réfrigérateur, aucun phénomène de coalescence des gouttelettes lipidiques n’ayant été mis en évidence, même après trois mois.

Figure 36

Évolution de la viscosité dynamique des phases hydrophobes supérieure et inférieure en fonction de la contrainte de cisaillement appliquée (rhéomètre TA Instruments AR 2000ex, 25 °C) (A22).

En parallèle, une étude de marché a révélé l'intérêt potentiel de ces deux émulsions huile/eau pour une utilisation dans l'industrie cosmétique. En conséquence, ces deux phases hydrophobes ont été évaluées pour une telle application industrielle qui, en outre, favoriserait leur valorisation économique (de 10 à 50 €/kg). Et, même si les essais effectués à l’aide de la phase hydrophobe supérieure (l'émulsion la plus fluide) n'ont pas donné de résultat satisfaisant, il a été démontré que la phase hydrophobe inférieure (l'émulsion la plus visqueuse) pourrait être utilisée comme co-émulsifiant (jusqu'à une teneur massique d’environ 10%) pour la formulation de crèmes de nuit hautement pénétrantes et présentant un caractère émollient élevé (Figure 35). Sur la base de ces premiers résultats, d'autres applications

0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 D yn am ic v is co si ty ( P a s)

Shear stress (Pa)

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cosmétiques ont également été considérées pour la phase hydrophobe inférieure parmi lesquelles des gels à haute capacité filmogène, des gels de douche, des huiles de douche, etc. Néanmoins, sa teinte grisâtre persistante pourrait devenir à terme un problème pour son utilisation dans les produits cosmétiques. En effet, lors de ce travail prospectif, cette couleur a non seulement résisté au blanchiment à l'argile mais elle a également nécessité une très grande quantité de dioxyde de titane (TiO2) pour

disparaître. Pour de futurs travaux, il sera donc nécessaire d'identifier les composés qui pourraient être responsables de cette couleur naturelle (chlorophylle, xanthophylle, etc.). Par ailleurs, un ajustement du pH de la phase hydrophobe inférieure pourrait aider à estomper voire même à éliminer totalement cette couleur. Dans le même temps, l'ajustement du pH à des valeurs comprises entre 4,0 et 4,5 devrait faciliter la conservation de l'émulsion au cours du temps. Il pourrait se faire en ajoutant de l'acide citrique, une substance naturelle sans toxicité pour l’homme ni pour l'environnement, et qui agirait également comme un bactéricide et un fongicide. Enfin, l'absence d'allergènes devra également être confirmée à l'avenir.

Concernant la phase hydrophobe supérieure pour laquelle les essais de formulation de crèmes cosmétiques n’avaient pas donné satisfaction, deux applications industrielles possibles ont été identifiées (Figure 35). En premier lieu, elle pourrait être utilisée pour l’enduction de la surface des agromatériaux, ceci afin de les rendre moins sensibles à l'eau et donc plus durables. Cela a été confirmé avec succès dans le cas de panneaux de fibres auto-liés et de haute densité, produits par thermopressage du tourteau généré lors du bioraffinage de la plante entière de tournesol en réacteur bi-vis (TD). En second lieu, la démixtion de la phase hydrophobe supérieure peut être obtenue en traitant cette émulsion huile/eau à l’aide d’un mélange éthanol/éther diéthylique (3/1) ou d’éthanol absolu (A5 ; TD ; Mechling, 2002). Après rupture du film interfacial, une étape de centrifugation conduit à l'obtention séparée d'un surnageant et d’un culot solide. D'une part, l'évaporation du mélange éthanol/éther ou de l'éthanol dans le surnageant permet l’obtention d’une huile végétale de haute pureté. D'autre part, le culot de centrifugation se présente sous la forme d'une poudre de couleur claire, les protéines (principalement des albumines) représentant les deux tiers de son poids sec. Leur analyse DSC a révélé la présence d'un pic endothermique à une température de transition de 155 °C environ, indiquant que les protéines contenues dans l'émulsion huile/eau supérieure n’avaient été que faiblement dénaturées lors du fractionnement thermo-mécano-chimique en réacteur bi-vis (A5, TD). Aussi, jusqu'à présent pénalisées par leur couleur sombre, l’obtention de ces protéines « blanches » de tournesol au caractère tensioactif pourrait offrir de nouvelles opportunités, en particulier pour des applications dans le domaine alimentaire (Canella et al., 1985).