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3.1 L’utilisation directe

Dans de nombreux pays, l'épandage agricole des boues d’épuration des effluents urbains et industriels permet la valorisation d’une partie des matières organiques et minérales qu’elles contiennent, en limitant l’usage de fertilisants d’origine chimique. Néanmoins, ces boues sont susceptibles de contenir des composés toxiques comme des métaux lourds et de l’aluminium. Pour éviter l’accumulation de ces éléments dans les sols et les eaux, l’épandage des boues est règlementé.

Certaines boues riches en fer peuvent être utilisées comme coagulant dans les stations d’épuration ou même comme matériau adsorbant pour l’élimination des métaux lourds et des contaminants dans les eaux usées (Ahmad et al. 2016).

Pour les boues ne pouvant pas être utilisées directement, il existe des voies de transformation permettant de les valoriser tout de même.

3.2 La voie énergétique

Les boues d’épuration peuvent être brûlées pour produire de l’énergie thermique. La combustion des boues peut se faire par mono-incinération dans différent types de chambres de combustion (foyers multiples, lits fluidisés, fours rotatifs, etc.) ou par des technologies de co- combustion où les boues activées sont mélangées à d’autres carburants (charbon, déchets urbains solides, etc.) (Werther and Ogada 1999).

Les boues peuvent aussi être méthanisées pour produire du biogaz. Le procédé de méthanisation des boues d’épuration comporte 3 étapes principales : l’hydrolyse, l’acidification et la production de méthane. L’hydrolyse étant l’étape limitante, la plupart des études sur le sujet se focalisent sur son accélération par différents types de prétraitement (thermique, mécanique, chimique, …). Il semblerait néanmoins qu’un prétraitement alcalin (pH 10) des boues avant l’étape d’hydrolyse accélère non seulement l’hydrolyse mais également l’acidification et multiplie en plus par 4 la production de méthane (Zhang et al. 2010).

3.3 La chimie verte

Dans un proche avenir, la matière organique contenue dans les boues d’épuration sera orientée vers la chimie verte (bioraffinerie), dès lors qu’elle pourra y trouver des débouchés directs ou indirects. L’exemple le plus mature est certainement la production de bioplastiques à partir de boues d’épuration (Cavaillé et al. 2016). Les constituants des boues comme l’azote, le

phosphore et le soufre pourraient être extraits pour être livrés à des producteurs de fertilisants ou à des formulateurs. Contrairement à l’épandage, il s’agit de restituer au sol de manière contrôlée certains ingrédients minéraux des eaux usées (Ahmad et al. 2016).

3.4 Autres utilisations

Les boues activées peuvent être utilisées pour produire des matériaux de construction. Par association à des matériaux conventionnels (sable, argile, calcaire) et/ou à d’autres types de boues, il est possible de produire du ciment dont la résistance à la compression est supérieure à celle du ciment traditionnel. L’incorporation de 20% de boues d’épuration lors de la fabrication de briques ou de tuiles permet également d’obtenir des matériaux aussi performants que sans ajout de boues (Ahmad et al. 2016).

Il est également possible d’intégrer des galettes déshydratées de boues d’épuration riches en aluminium dans les lagunes dédiées au traitement de l’eau pour améliorer l’abattement du phosphore et de l’azote (Babatunde et al. 2008, 2010). Les galettes servent de supports pour la formation de biofilms et l’aluminium leur donne une surface très réactive, ayant une forte affinité avec le phosphore pour favoriser sa fixation.

3.5 Valorisation des eaux usées - Cas des technologies électro-microbiennes

Les cas évoqués précédemment concernent la valorisation des boues d’épuration, sous-produit du traitement de l’eau. Cela sous-entend qu’il faut au préalable passer par une étape intermédiaire de production de boues qui sera très consommatrice en énergie à cause de l’aération nécessaire (voir paragraphe 1.2, page 23). Les paragraphes suivants portent sur la valorisation directe des eaux usées.

En 2006, en dehors de travaux expérimentaux, il existait environ 200 projets de valorisation directe des eaux usées en Europe (Bixio et al. 2006). Ces projets concernaient l’irrigation des cultures, des applications urbaines, environnementales (recharge des aquifères) ou industrielles (eau de refroidissement).

Encore majoritairement au stade laboratoire, les technologies électro-microbiennes proposent de valoriser directement une partie de la matière organique soluble contenue dans les eaux usées sans génération de boues activées. La nécessité d’aérer les bassins d’épuration vient du fait que les bactéries des boues activées ont besoin d’un accepteur d’électron, l’oxygène, pour pouvoir

oxyder la matière organique. Cet échange d’électrons fait partie du mécanisme de respiration cellulaire.

Certaines bactéries sont capables d’utiliser une électrode comme accepteur d’électrons à la place de composés chimiques. Ces bactéries, dites électro-actives (EA), ont été découvertes par Potter en 1911 (Potter 1911), mais ce n’est qu’au début des années 2000 que le concept d’électro-activité s’est développé (Chaudhuri and Lovley 2003).

Les bactéries EA extraient les électrons de la matière organique présente en solution et les transfèrent à l’électrode (Kumar et al. 2016). Il existe également des espèces de bactéries pouvant utiliser l’électrode comme donneur d’électrons (Jafary et al. 2015). Les transferts entre micro-organisme et électrode, aussi appelé transferts électroniques extracellulaires (TEE), peuvent être indirects ou directs.

3.5.1 Transfert indirect

Lorsqu’il n’y pas de contact entre la bactérie et l’électrode, le transfert électronique est dit indirect. Le transfert est assuré par des molécules jouant le rôle de médiateur électrochimique en se réduisant à l’intérieur de la cellule et en s’oxydant à la surface de l’électrode en cycles successifs. Certaines bactéries produisent leur propre médiateur comme Shewanella oneidensis et Pseudomonas aeruginosa, connues pour être électro-actives (Rabaey et al. 2004; Freguia et al. 2010). Dans certains cas, le transfert d’électrons peut se faire via l’oxydation d’un produit du métabolisme bactérien comme de l’hydrogène produit par fermentation (Niessen et al. 2006). 3.5.2 Transfert direct

Le transfert direct d’électrons entre la bactérie et l’électrode se fait par contact direct entre la membrane externe de la bactérie et la surface de l’anode (Bond et al. 2002). L’échange ultime d’électrons entre la cellule et l’électrode est assuré par des protéines membranaires, des cytochromes de type C. Le mécanisme de transfert direct via les cytochromes a été clairement démontré chez Geobacter sulfurreducens grâce à des expériences réalisées avec des mutants où le gène codant pour les cytochromes C a été délété ou surexprimé (Lovley 2006).

En 2005, un nouveau mécanisme de transfert direct a été décrit. Il a lieu via des connexions conductrices extracellulaires appelées pili conducteurs ou « nanowires » (Reguera et al. 2005). Les pili assurent plusieurs fonctions au sein des biofilms comme l’échange de matériel génétique. En 2011, Malvankar et al. avancent l’hypothèse qu’ils auraient des propriétés de

conduction électrique et permettraient le transfert d’électrons directement de la cellule à l’électrode (Malvankar et al. 2011). D’abord controversée (Strycharz-Glaven et al. 2011), cette hypothèse semble maintenant démontrée (Malvankar et al. 2014).

3.5.3 Différentes technologies électro-microbiennes

Les bactéries EA peuvent s’organiser en colonies sur une électrode et forment alors un biofilm EA. L’électrode ainsi colonisée est appelée bioanode/biocathode ou anode/cathode microbienne.

Parmi les technologies utilisant des électrodes microbiennes, la plus mature est certainement la pile à combustible microbienne (PCM). Une PCM génère de l’électricité grâce à l’oxydation de la matière organique par la bioanode et la réduction de l’oxygène par une cathode abiotique (généralement une cathode à air). Les premières mentions de cette technologie dans des articles scientifiques datent du début des années 60 (Davis and Yarbrough Jr. 1962) mais le concept de pile microbienne s’est plus largement développé depuis le début des années 2000. Les travaux effectués à l’époque concernaient majoritairement la catalyse de la réduction de l’oxygène par les biofilms marins (Tender et al. 2002; Bergel et al. 2005).

L’électrosynthèse microbienne est une technologie innovante qui permet de convertir le CO2

en molécules organiques d’intérêt (acétate, formiate, etc.) en utilisant une cathode comme source d’électrons pour la réduction microbienne du CO2 (Erable et al. 2012).

Enfin, dans le cas de l’électrolyse microbienne, une bioanode oxyde de la matière organique et une cathode abiotique réduit l’eau en hydrogène. Le fonctionnement de cette technologie est décrit en détail dans la suite de ce chapitre.

4 Couplage de la production d’hydrogène et du traitement de l’eau

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