• Aucun résultat trouvé

Couplage de la production d’hydrogène et du traitement de l’eau usée :

4.1 Principe de fonctionnement

La différence majeure entre l’électrolyse de l’eau abiotique et l’électrolyse microbienne concerne la réaction anodique. Dans un électrolyseur abiotique, la molécule d’eau est oxydée en oxygène. Dans une CEM, le biofilm EA présent sur l’anode oxyde la matière organique

Figure 1.3: Schéma de principe du fonctionnement d'une CEM

La réaction se produisant à l’anode peut être représentée en prenant la molécule d’acétate comme molécule modèle pour la matière organique :

𝐶𝐻3𝐶𝑂𝑂− + 4𝐻2𝑂 → 2𝐻𝐶𝑂3−+ 9𝐻++ 8𝑒− (1.12)

A la cathode, il se produit la réduction de l’eau comme décrit par l’équation (1.7). Le couplage de ces deux demi-réactions donne la réaction globale suivante :

𝐶𝐻3𝐶𝑂𝑂− + 4𝐻

2𝑂 → 4𝐻2 + 2𝐻𝐶𝑂3−+ 𝐻+ (1.13)

Le calcul de la tension thermodynamique de cette réaction à pH 7 donne une valeur de 0,17 V, soit 7 fois moins que celle de l’électrolyse de l’eau « standard » qui est de 1,23 V (Rousseau 2013). Il y a donc un intérêt certain à produire de l’hydrogène grâce à une CEM car, en théorie, il faudrait 7 fois moins d’énergie électrique qu’avec un électrolyseur standard pour produire une même quantité d’hydrogène.

De plus, l’apport de matière organique nécessaire pour alimenter les bactéries du biofilm peut venir d’un effluent à traiter comme l’eau usée domestique. Dès lors, le procédé a un double intérêt : produire de l’hydrogène à bas coût énergétique (qui pourra être lui-même valorisé comme source ou vecteur énergétique) et faire du traitement d’effluent (Figure 1.3).

L’énergie consommée par une CEM est proportionnelle à la tension d’électrolyse appliquée à la cellule (Ucell). Pour une production d’hydrogène donnée, la valeur de Ucell dépend de plusieurs

facteurs, comme présenté dans l’équation 10 :

𝑈𝑐𝑒𝑙𝑙= 𝐸′𝑎− 𝐸′𝐶+ 𝜂𝑎− 𝜂𝑐+ ∑ 𝑅𝑖 𝑖. 𝐼 (1.14)

E’a et E’c sont respectivement les potentiels d’équilibre des réactions anodique (1.12) et

cathodique (1.7) et peuvent être calculés via la relation de Nernst dans le cas de réactions réversibles (Equation 1.15). 𝐸′ = 𝐸0+𝑅𝑇 𝑛𝐹𝑙𝑛 [𝑂𝑥]é𝑙 [𝑅𝑒𝑑]é𝑙 (1.15) Avec :

- E°, potentiel standard du couple oxydant/réducteur (V/Ref) - R, la constante des gaz parfaits (= 8,314 J.mol-1.K-1) - T, la température (K)

- n, le nombre d’électrons échangés dans la demi-équation - F, la constante de Faraday (= 96 487 C.mol–1)

Les termes ηa et ηc représentent respectivement les surtensions anodique et cathodique qui

doivent être dépassées pour que la réaction soit possible d’un point de vue cinétique. Ces surtensions dépendent de la nature des matériaux d’électrode et de l’électrolyte.

Le terme ∑ 𝑅𝑖 𝑖. 𝐼 est couramment appelé chute ohmique et représente la part d’énergie fournie

au système perdue par effet Joule. Le courant I (A) est multiplié par la somme des résistances à l’intérieur de la cellule électrochimique. Les principales résistances proviennent de l’électrolyte (résistance inversement proportionnelle à la conductivité) et d’un éventuel séparateur. Les bulles créées par les dégagements gazeux aux électrodes participent également à la résistance globale (Damien 1992).

4.2 Bilan énergétique

Une CEM permet de récupérer sous forme d’hydrogène l’énergie contenue dans la matière organique de l’eau usée. Le bilan énergétique global de la CEM peut donc être positif ou neutre si la quantité d’énergie électrique fournie au système est inférieure ou égale à la quantité d’énergie que l’on pourra récupérer à partir de l’hydrogène (par combustion directe ou dans une

Il est possible de calculer la tension de cellule maximale à appliquer pour laquelle cette limite est atteinte. Prenons N, une quantité donnée d’électrons extraits de la matière organique par les bactéries du biofilm anodique. En considérant que 100% de ces électrons sont utilisés pour faire de l’hydrogène à la cathode (rendement faradique cathodique de 1), on peut calculer la production d’hydrogène et l’énergie récupérable lors de sa combustion.

Energie fournie : 𝐸𝑓 = 𝑁 . 𝐹 . 𝑈𝑐𝑒𝑙𝑙 (1.16)

Energie récupérée : 𝐸𝑟 = 𝑁

𝑛𝑒− . 𝑃𝐶𝐼𝐻2 (1.17) Avec :

- N, le nombre d’électrons extraits par le biofilm - F, la constante de Faraday (= 96485 C/mol) - Ucell, la tension de cellule (V)

- ne-,le nombre d’électrons échangés dans la demi-équation de réduction de l’eau en

hydrogène (= 2)

- PCIH2, le pouvoir calorifique inférieur de H2 (= 242,7 kJ/mol) (Boudet et al. 2009)

En égalisant les équations (1.16) et (1.17) on obtient : 𝑁 . 𝐹 . 𝑈𝑐𝑒𝑙𝑙= 𝑁 𝑛𝑒−. 𝑃𝐶𝐼𝐻2 (1.18) ↔ 𝑈𝑐𝑒𝑙𝑙= 𝑃𝐶𝐼𝐻2 𝑛𝑒− .𝐹 (1.19)

L’expression finale de la tension de cellule ne dépend pas du nombre d’électrons extraits par la bioanode. Le calcul de cette valeur donne 1,26 V. Si la tension de la CEM en fonctionnement est inférieure à cette valeur, elle produira théoriquement plus d’énergie que ce qu’elle en aura consommé.

Bien sûr, ce calcul ne prend pas en compte l’énergie économisée sur le traitement d’effluent (consommation de la matière organique) qui se produit en parallèle de la réduction de l’eau en hydrogène. La valeur de 1,26 V pourra simplement servir de repère pour évaluer les performances de la CEM qui sera mise au point au cours de la thèse.

Dans la bibliographie, plusieurs études menées sur des CEM alimentées en eau usée domestique mentionnent des tensions de cellule plus faibles que 1,26 V (Tableau 1.2).

Tableau 1.2 : Performances de CEM alimentées en eau usée réelle comparées à des électrolyseurs abiotiques industriels (rc. = valeur recalculée ; nc. = non communiqué)

Tension de cellule Densité de courant (ramenée à la surface anodique) Production de H2 Abattement de la DCO Reference CEM

1 V 0,25 A/m² nc. 45% (Moreno et al.

2016)

0,41 V 0,47 A/m² nc. 87-100% (Ditzig et al. 2007)

1,1 V 0,27 A/m² 1,8 L/j (rc.) Av 34% (Heidrich et al.

2013)

1 V 0,20 A/m² 0,09 L/j 80% (Gil-Carrera et al.

2013a)

0,75 V 0,42 A/m² 0,03 L/j (rc.) 76% (Escapa et al. 2012)

0,7 V 0,45 A/m² 0,03 L/j (rc.) max 92% (Escapa et al. 2015)

0,9 V 3,77 A/m² nc. 81-86% (Ullery and Logan

2015)

1 V 0,20 A/m² 0,054 L/j (rc.) 85% (Gil-Carrera et al.

2013c)

0,9 V 1,10 A/m² nc. 75% (Ullery and Logan

2014) Electrolyseur s industriels 2 V (rc.) >580 A/m² 5 Nm3/h - BPMP 5000 de Sagim-gip (sagim-gip.com) 2V (rc.) nc. 12 Nm3/h - S18 MP de McPhy (mcphy.com) 2 V (rc.) nc. 1100 Nm3/h - Electrolyseur produisant le H2 pour la fusée Ariane V (Damien 1992)

La production d’hydrogène associée aux électrolyseurs microbiens est beaucoup plus faible que celle des électrolyseurs abiotiques industriels. La densité de courant moyenne calculée sur les 9 publications présentées dans le tableau est de 0,8 A/m² contre plus de 580 A/m² pour l’électrolyseur abiotique de Sagim. On peut alors se demander si les faibles performances des électrolyseurs microbiens par rapport aux électrolyseurs abiotiques sont rédhibitoires pour l’essor de cette technologie.

Dans le cas des CEM, il faut considérer leur double utilité : faire du traitement de l’eau et produire de l’hydrogène. En théorie, une CEM travaillant à une tension de 1,26 V consomme autant d’énergie qu’elle en produit sous forme d’hydrogène. On fait alors du traitement de l’eau passif, ce qui est déjà intrinsèquement rentable. Pour des tensions de cellules inférieures à 1,26 V, la cellule produira de l’énergie « bonus » en plus de traiter l’eau. Les CEM ne sont pas destinées à faire de la production de masse de d’hydrogène mais s’intègrent dans une démarche d’intensification du procédé de traitement de l’eau (Falk et al. 2016). On peut alors imaginer des CEM installées dans une STEP, utilisant une partie des effluents entrants pour produire de l’hydrogène participant à l’alimentation énergétique de la STEP.

Des densités de courant de l’ordre de 100 A/m² ont déjà été atteintes avec des CEM mais uniquement dans des conditions « idéales » : milieu conducteur, bioanode alimentée en acétate (molécule facile à dégrader pour les bactéries), température contrôlée, avec des réacteurs à l’échelle du laboratoire (Ketep et al. 2014). Plusieurs verrous demeurent encore pour adapter les CEM à l’échelle industrielle.

L’état de l’art présenté dans la suite de ce manuscrit a été réalisé dans le but d’identifier ces verrous et les différentes options existantes pour l’optimisation des CEM. L’objectif final étant de mettre au point une CEM produisant le courant le plus élevé possible en gardant une tension de cellule inférieure à 1,26 V.

Documents relatifs