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Etant le principal gaz à effet de serre, comment le CO2 devrait être considéré : un déchet ou une ressource ? Un cycle de matières quasi-fermé est un principe fondamental de l'écologie industrielle, et l'utilisation du dioxyde de carbone (CO2 Capture and Utilization CCU) est évidemment plus conforme à ce principe que la séquestration. Cette voie permet d’ajouter de la valeur au CO2 capturé et pourrait remplacer partiellement les produits issus des réserves fossiles [35].

Aujourd’hui, environs 0,2 Gt de CO2 sont utilisés industriellement chaque année. Cette quantité est très faible comparativement aux émissions rejetées dans l’atmosphère (32 Gt / an) [36]. En face de ce problème, des industriels et des universitaires travaillent sur le développement de différents moyens pour recycler cette molécule. L'utilisation du CO2 peut être classée en quatre catégories : la production des carburants, la production de produits chimiques comme l’urée, l'application biologique, et l'application technique. Le paragraphe suivant explique brièvement ces applications.

I.2.1/ Synthèse des carburants

L’énergie solaire est considérée comme l'une des sources les plus prometteuses parmi les énergies renouvelables. Toutefois, l'utilisation de cette forme d'énergie à grande échelle n’est possible que si des moyens efficaces sont développés pour stocker l’énergie générée avec des coûts d'investissement et de fonctionnement acceptables.

Le concept « carburant solaire » consiste à convertir l'énergie solaire en énergie chimique. La densité énergétique des combustibles chimiques les rend particulièrement adaptés pour le stockage et le transport. Initialement, l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau a été ciblé comme vecteur d'énergie. Cependant, l'hydrogène est beaucoup plus difficile à manipuler que les carburants traditionnels. La conversion du CO2 peut conduire à un combustible solaire plus pratique à base de carbone, qui s’adapte de meilleure façon aux infrastructures actuelles. Le procédé est basé sur l'hydrogénation catalytique du CO2 et peut produire du méthane, du méthanol ou de l'acide formique [37].

𝐶𝑂2+ 4𝐻2→ 𝐶𝐻4+ 2𝐻2𝑂 𝐶𝑂2+ 3𝐻2→ 𝐶𝐻3𝑂𝐻 + 𝐻2𝑂

𝐶𝑂2+ 𝐻2↔ 𝐻𝐶𝑂𝑂𝐻

Des photocatalyseurs sont nécessaires pour rendre ces réactions faisables. Les métaux nobles et leurs oxydes (Pt, Pd, RuOx, IrOx, etc.) ont des propriétés catalytiques satisfaisantes, et ils sont suffisamment stables pour des applications à long terme. Cependant, le coût associé aux métaux nobles

inhibe la mise à l’échelle de cette technologie. Les catalyseurs de la famille de semi-conducteurs, tels que les chalcopyrites de cuivre (CuInSe2, CuInS2 CuInGaSe2), les oxydes de fer et de titane, sont en phase de développement rapide, mais des efforts sont encore nécessaires pour que leurs propriétés soient comparables à celles des métaux nobles [38].

I.2.2/ Synthèse d’urée

L'urée est largement utilisée comme engrais azoté et est un intermédiaire important pour l'industrie chimique. La production d’urée à partir d’ammoniac et du CO2 est le moyen principal de la valorisation du CO2 sous forme de réactif, et sa production mondiale était d’environ 184 Mt / an en 2012 [39].

Elle est produite par le procédé de Bosch-Meiser, qui consiste en 2 réactions : la formation du carbamate d'ammonium et la décomposition du carbamate en urée et eau.

2𝑁𝐻3+ 𝐶𝑂2↔ 𝐻2𝑁 − 𝐶𝑂𝑂𝑁𝐻4 𝐻2𝑁 − 𝐶𝑂𝑂𝑁𝐻4↔ (𝑁𝐻2)2𝐶𝑂 + 𝐻2𝑂

La réaction s’effectue sous forte pression (de 140 à 160 bar) et à la température de 160 °C à 180 °C. En général, l’ensemble de ces deux réactions est exothermique.

I.2.3/ Minéralisation du CO

2

Les carbonates inorganiques sont des bons candidats pour la séquestration du CO2 en raison de leur stabilité. Ils pourraient être une alternative pour le stockage géologique, en particulier pour les régions où le stockage du CO2 souterrain n’est pas possible.

Dans la carbonatation minérale, le CO2 capturé réagit avec des minéraux tels que l'olivine (Mg2SiO4) et la wollastonite (CaSiO3) pour former des carbonates permettant de stocker le CO2 sur une échelle de temps géologique.

𝑀𝑔2𝑆𝑖𝑂4+ 2𝐶𝑂2→ 2𝑀𝑔𝐶𝑂3+ 𝑆𝑖𝑂2 𝐶𝑎𝑆𝑖𝑂3+ 𝐶𝑂2→ 𝐶𝑎𝐶𝑂3+ 𝑆𝑖𝑂2

Ces réactions sont thermodynamiquement favorables, mais leurs cinétiques sont extrêmement lentes. Par conséquent, un défi majeur pour le déploiement industriel à grande échelle de la minéralisation du CO2 est l'accélération du processus de carbonatation, en utilisant la chaleur, la pression, et le

prétraitement mécanique / chimique du minéral [40]. L'objectif final est de produire des matériaux de construction qui peuvent supplanter le béton.

I.2.4/ Synthèse des carbonates organiques

Le marché actuel des carbonates organiques est relativement faible : environ 100 000 tonnes par an dans le monde entier. Toutefois, leur consommation comme intermédiaire de synthèse, y compris pour la synthèse de polycarbonate, devrait augmenter de façon spectaculaire [41].

Ils peuvent servir dans plusieurs domaines :

- Synthèse de polycarbonates et de polyuréthanes, - Solvants électrolytes pour les batteries au lithium-ion, - Solvants organiques,

- Additifs pour carburants, - Réactifs « verts ».

Le procédé actuel pour produire les carbonates utilise le phosgène qui est très toxique, mais en utilisant l’époxyde et le CO2 comme réactif, un procédé « vert » peut être réalisé.

Figure I-13. Réaction de l’époxyde avec le CO2 [41]

I.2.5/ Applications biologiques

L'atténuation du CO2 par moyen biologique a attiré beaucoup d'attention comme une stratégie privilégiée, car elle conduit à la production d'énergie dans le processus de fixation du CO2 par la photosynthèse. Elle peut être réalisée par les plantes et les micro-organismes photosynthétiques. Toutefois, le potentiel de captage par les plantes conventionnelles a été estimé à seulement 3-6% des émissions de combustibles fossiles, limité par l'utilisation des terres [42].

D'autre part, les microalgues, un groupe de micro-organismes unicellulaires ou multicellulaires, ont une efficacité de 10 à 50 fois supérieure à celle des plantes terrestres pour convertir le CO2 en biomasse [43], diminuant ainsi largement l'utilisation des terres. Cette biomasse peut ensuite être transformée en méthane ou en hydrogène, par des bactéries anaérobies [44]. L’huile extraite à partir de microalgues est une source potentielle du biodiesel du futur et d’autres coproduits (alimentation des animaux, glycérol, engrais, etc.).

La fixation du CO2 par les microalgues peut devenir plus durable en couplant la production des microalgues avec les infrastructures existantes de la production d'énergie et le traitement des eaux usées. Les eaux usées industrielles et agricoles peuvent être une source d'azote, de phosphore et d’autres éléments nutritifs [45].

Figure I-14. Application « durable » des microalgues

Le défi majeur de la production de biodiesel à partir des microalgues reste le coût et l’extraction des lipides depuis des petites cellules qui s’est avérée difficile. Plus de recherches sont nécessaires pour avoir une culture plus intense et des méthodes de traitement des produits finaux nettement améliorées.

I.2.6/ Applications techniques

La récupération assistée du pétrole utilise la plupart du CO2 capté. Dans les réserves de pétrole d’une profondeur supérieure à 600m, le CO2 est sous forme supercritique et miscible avec le pétrole. En injectant du CO2 liquide, la viscosité et la tension superficielle sont diminuées, ce qui conduit à une récupération

plus efficace. Cette technologie, employée aux États-Unis depuis plusieurs décennies, apporte selon les estimations, 400 milliards de dollars de revenus supplémentaires chaque année [40].

Ayant une très bonne fluidité, le CO2 supercritique est employé comme un solvant d’extraction dans plusieurs domaines, telle que l’extraction de la caféine depuis les graines de café, l’extraction des huiles essentielles, etc. Par comparaison avec les solvants organiques, l’utilisation du CO2 est moins dangereuse pour l’environnement et la récupération du produit est plus facile.

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